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"Le capitalisme, c’est la guerre Des guerres asymétriques de 1990 à 2020, à celles de haute intensité demain. »
Extraits du dernier livre de Nils Anderson

Présentation. Produit d’un long travail d’enquête à la croisée du journalisme critique et de l’expérience d’un engagement politique anti-impérialiste directement héritier des luttes de décolonisation de la seconde moitié du XX e siècle, Nils Andersson décortique l’infamie des doctrines impérialistes et capitalistes qui n’ont cessé de faire du monde un vaste champ de bataille en vantant les mérites d’un Occident soi-disant « pacifié ». Il réaffirme cette exigence morale et politique que Jaurès et Kollwitz poursuivirent : « Plus jamais la guerre », tout en proposant une analyse du futur proche de ce qu’annoncent les nouveaux rapports de pouvoir mondiaux et les doctrines militaires modernes.

Extraits

« Évoquant dans le titre le discours de Jean Jaurès du 25 juillet 1914 appelant à tout faire pour éviter l’abominable, “Le capitalisme, c’est la guerre”, a pour sous-titre : “Des guerres asymétriques de 1990 à 2020 à celles de haute intensité de demain”. Suivant le cours de la guerre du Golfe, de la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie, de la guerre du Kosovo et de Serbie, de celle de Somalie, du génocide rwandais, des
guerres “justes” d’Afghanistan, d’Irak et de Libye, de celle du Sahel et du déchirement syrien. Guerres sous le couvert du “droit d’ingérence”, puis du “droit
de protéger”, en ayant recours à des fake news, lors desquelles l’ONU fut manipulée et ses principes bafoués. Mais les profondes modifications survenues dans le rapport de forces entre puissances historiques ou émergentes, l’infernale spirale du surarmement, les menaces d’affrontement entre des puissances régionales et l’élargissement du champ de bataille entre grandes puissances jusqu’à l’espace extra-atmosphérique inscrivent aujourd’hui les conflits potentiels dans un nouveau cadre stratégique, celui d’un retour aux guerres interétatiques. »

« Moyen de domination ou de résistance dès la préhistoire, la guerre n’est pas née avec le capitalisme, mais, continuum d’horreurs et d’abominations, les conquêtes coloniales sont aux origines du capitalisme mercantile, étape vers les guerres
impérialistes du XX e siècle, dont les deux plus grands et plus meurtriers conflits dans l’histoire : 14-18 et 39-45. Dans la période récente, depuis les années 1990, sur l’échec du socialisme du réel, ont été proclamés la “fin de l’Histoire” et l’avènement d’un “nouvel ordre mondial de paix”, mais le capitalisme du réel porte en lui la guerre. Il l’est avec d’autant plus d’arrogance et de violence que, devenu hégémonique, ceux qui s’opposent à lui sont désemparés, dispersés, manipulés, et que le discours dominant rend réceptifs les discours de haine identitaires et les démarches autoritaires qui, leçon de l’histoire, sont l’alternative capita-
liste pour canaliser les révoltes contre tout projet collectif.

L’intention n’est pas de relater le cours et les phases des guerres qui se succèdent sans discontinuer depuis trente ans, ni le déroulement des opérations, les stratégies adoptées ou d’en dresser le bilan humain et social, mais, depuis 1990, en se
référant aux écrits publiés et déclarations énoncées dans le cours des événements, de discerner l’idéologie, les processus, les engrenages et les mécanismes des politiques interventionnistes, les ambitions géopolitiques et visées néocoloniales de
guerres planifiées, les dispositifs et moyens répressifs déployés, les violations ouvertes du droit international et du droit international humanitaire, les
manipulations des opinions, le rejet et le mépris de l’autre, tout ce qui démontre que la guerre est un fondement invariable du capitalisme du réel. (...)

L’Irak connaît une situation de guerre depuis le 31 mars 1991 : guerre du Golfe, opération « Provide Comfort », zones d’exclusion aérienne, embargo
économique. Aux centaines de milliers de victimes, aux blessés, s’ajoutent 2 millions de réfugiés et 1,7 million de personnes déplacées. L’Irak va être le terrain d’application du nouveau concept stratégique de la “guerre préventive” présenté à West Point par George Bush, le 1 er juin 2002. Pour l’administration Bush, il faut en finir avec le “réalisme étroit” ou le “libéralisme illusoire”, l’action préventive armée a comme objet d’affirmer la prééminence des États-Unis. Bafouant le multilatéralisme, qui fonde les Nations unies, la guerre d’Irak est une guerre programmée, l’unilatéralisme fait loi. L’argument que Saddam Hussein pourrait se doter de
l’arme nucléaire et qu’il dispose d’armes chimiques et biologiques est le prétexte pour mener une guerre coloniale, mainmise sur le pétrole, une guerre géo-
politique, contrôle du Moyen-Orient, une guerre hégémonique, affirmation de la puissance des États-Unis, une guerre idéologique contre “l’axe du mal”. Les peuples sont opposés à une nouvelle guerre et cette opposition s’exprime dans de puissantes manifestations sur les cinq continents.

Pour justifier l’agression, l’administration Bush et Tony Blair n’hésitent pas à recourir aux pressions et au mensonge. Concernant les programmes d’armement de Saddam Hussein, le 24 septembre 2002, le gouvernement britannique publie un
rapport selon lequel “les renseignements évalués ont établi sans l’ombre d’un doute que Saddam a continué à produire des armes chimiques et bio-
logiques, qu’il poursuit ses efforts pour développer des armes nucléaires et qu’il a été en mesure d’étendre la portée de son programme de missiles balistiques” ; plus encore on y affirme que “sa planification militaire permet que certaines
armes de destruction massive soient prêtes dans les quarante-cinq minutes suivant un ordre de les employer”. Il s’agit en fait, une fois encore, d’un assemblage d’informations sans sources vérifiables. À propos des liens de Saddam Hussein
avec avec al-Qaida, Tony Blair affirme devant la Chambre des communes qu’il avait “connaissance de liens entre Bagdad et al-Qaida, même s’il ne savait pas jusqu’à quel point ils étaient liés”, alors que, comme l’a révélé la BBC, il avait connaissance
d’un rapport secret précisant qu’il “n’existe aucun lien entre Saddam Hussein et al-Qaida”.

L’opposition à la guerre va grandissant, mais, le 3 février 2003, après sa rencontre le 31 janvier avec George W. Bush, qui l’aurait alors informé de la décision d’envahir l’Irak, Tony Blair, méritant son titre de “caniche de George W. Bush”, présente
un nouveau dossier accusateur, dit “Dossier de février”, sur la détention d’armes de destruction massive par l’Irak. Pour la presse il deviendra : “The Dodgy Dossier” (le dossier douteux), car il s’appuie, pour justifier une intervention militaire, sur
“un certain nombre de sources, y compris (venant) des renseignements”, mais il s’agit pour l’essentiel, sans y faire référence, d’un copié-collé, erreurs typographiques incluses, des travaux pour sa thèse de doctorat d’un étudiant états-unien, Ibrahim Al Marashi. Document publié en septembre 2002 dans la revue “Middle East Review of International Affairs”. Une nouvelle fois, on recourt, pour justifier la guerre, à la manipulation et à la désinformation.

Deux jours plus tard, le 5 février, le secrétaire d’État des États-Unis, Colin Powell, brandit devant le Conseil de sécurité des fioles et fait écouter des enregistrements censés apporter des “preuves flagrantes” sur un programme nucléaire et la dé-
tention d’armes chimiques et biologiques par l’Irak. Il fait aussi référence dans son intervention à l’article du doctorant Ibrahim Al Marashi. Hans Blix, chef des inspecteurs en désarmement de l’ONU, écrit dans son livre “Irak, les armes introuvables” : “Je me surpris à m’interroger sur l’authenticité de ces entretiens : d’où venaient ces bandes ? D’écoutes électroniques américaines ? De membres de l’opposition irakienne ?... Avant d’y voir la preuve de la présence d’armes de destruction massive en Irak, il allait falloir, je le sentais, en savoir plus long. Depuis l’occupation de l’Irak, je n’ai plus jamais entendu parler de ces enregistrements.”
Une seule politique, l’hégémonie états-unienne, un seul moyen, la guerre. Le 19 mars 2003, quelques heures après la fin de l’ultimatum, les premiers missiles tombent sur Bagdad. (…)

Tout change, avec une constante, l’épée de Damoclès de la guerre. Face à cette
menace, une réelle prise de conscience des inégalités politiques, économiques,
sociales, scientifiques entre les États et entre les peuples demande d’infléchir
la loi du plus fort, de s’opposer à l’état de puissance. Le capitalisme du réel, sa
« Le capitalisme, c’est la guerre », nature impérialiste, pris dans la nasse
des intérêts et contradictions propres à la mondialisation, traversé par les ambitions géopolitiques pour le partage des zones d’influence entre grandes puissances et puissances régionales, perverti « Pourquoi perd-on la guerre ? dans l’entrelacs de réseaux d’alliances hétéroclites et de circonstance, entraîné dans du monde dont l’Occident est le principal camelot, ne peut changer de nature. Pour
les principales victimes des guerres, de l’exploitation, des inégalités, des exclusions, du colonialisme, du racisme, pour les peuples, inverser le cours des choses est la question posée et à résoudre, l’utopie à inscrire dans le réel.

Le cri des victimes des despotes et de l’exploitation sociale en appelle quotidiennement à la négation de l’individualisme à redonner sens à la solidarité en berne. Pour relever ce défi, un droit d’ingérence légitime contre la guerre existe, celui des peuples, droit d’ingérence contre les pouvoirs politiques, économiques, financiers, militaires qui imposent leur domination, droit d’ingérence contre le capitalisme du réel. C’est une question de survie des sociétés et de la Terre, car, s’ajoutant aux coûts humains, les guerres modernes, même de basse intensité, ont de graves conséquences sur l’environnement et la biosphère. La volonté, cette
part essentielle dans l’obtention de la victoire militaire, doit être retournée contre la guerre ; mener la guerre à la guerre est une cause de même urgence et tout aussi impérative que la menace écologique. “Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Contre Jaurès, contre les peuples, le crime fut consommé ; mais le “Non à la guerre” de Jaurès assassiné fut repris au sortir de 14-18 par Käthe Kollwitz : “Nie Wieder Krieg”, “plus jamais la guerre”. C’était il y a un siècle, l’utopie est obstinée, peut-elle devenir plus forte que la résignation. »

Extraits publiés avec l’autorisation des éditions Les Terrasses

Le capitalisme, c’est la guerre Des guerres asymétriques de 1990 à 2020, à celles de haute intensité demain. Nils Anderson. Editions Les Terrasses. 11,5 euros.


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