Dans ce livre, Paul Markidès, vice président de l’ARAC, raconte ses souvenirs d’adolescent, admis, après des années de silence obstiné sur ce sujet, aux confidences de son père et de son oncle, sur leur vécu de la guerre de 14-18. On ne s’étonnera pas d’y trouver, en son centre, comme en quelque sorte déclencheur de la mémoire, un auteur, Henri Barbusse, l’un des fondateurs de l’ARAC et, comme on sait, écrivain majeur sur cette période, avec des livres comme ceux souvent cités par Paul Markidès, Le Feu et Faits divers. L’auteur intègre à son livre ce que des lectures ultérieures lui ont appris. Les lignes suivantes donnent le ton de l’ouvrage : « Relayer le souvenir de ces hommes sacrifiés doit d’abord, me semble-t-il, servir à obtenir la réhabilitation des cinq cent cinquante fusillés et plus qui n’est pas encore intervenue, et servir à) ce qu’une demande de pardon de l’Etat soit adressée aux familles de tous ces hommes, sans oublier les quarante premiers réhabilités. Elle doit ensuite servir à faire prendre en considération officielle la mémoire des autres soldats sacrifiés injustement. ». Défilent sous les yeux du lecteur les tristement célèbres affaires de fusillés : les quatre caporaux de Souain, les six soldats de Vingré, Joseph Dauphin, le sous-lieutenant Chapelant. Etc. Le père raconte un épisode de fraternisation dont un point d’eau a été le lieu : « Un jour, des Alsaciens de notre compagnie sont tombés nez à nez avec des Allemands et ils ont commencé à se parler. Par la suite, les Allemands s’y rendaient sans tenir compte de notre présence, comme nous-mêmes y allions sans tenir compte de la leur. Et on a commencé à échanger du pain, du fromage, du saucisson, du vin. Puis on a fini par casser la croûte ensemble, montrer des photographies de nos proches, « écouter ensemble les joueurs d’harmonica qu’ils soient Allemands ou Français et chanter des chansons, quelquefois même en commun. Nous avons découvert que les soldats allemands étaient des hommes comme nous. Mais, lorsque nous reçûmes l’ordre d’attaquer les Allemands, ça n’a pas été la même chanson. Toute la compagnie refusa de tirer. Alors ça n’a pas traîné, le commandement nous a relevés et emmenés en camions bâchés à l’arrière tout proche. » Il s’en suit une décimation opérée par les officiers, sans l’ombre d’un procès, même purement formel, comme les conseils de guerre en organisèrent. On lira aussi le résumé du récit fait par Barbusse dans Faits divers de l’extermination au canon de 250 des mutins du Soissonnais.
On lira ce livre avec énormément de profit, pour soi, et pour la cause de la réhabilitation globale qui soude l’ARAC et la Libre Pensée dans une exigence commune, cet impératif moral des « hommes de cœur » dont parlait déjà le socialiste Sabrinius Valière en 1921 à ce sujet.
Texte paru dans La Raison, mensuel de la Libre Pensée n° 551 de mai 2010
A lire sur le site deux extraits publiés avec l’aimable autorisation de l’auteur : La chanson de Craonne (à la rubrique Musique et chanson, dans Arts et littératures) et Le meeting des condamnés à mort, sur le massacre de La Courtine (à la rubrique Histoire).
Autres livres de Paul Markidès
Barbusse, la passion d’une vie, Editions Valmont
Barbusse, Clartés pour aujourd’hui, Editions Valmont
Vaillant-Couturier, dans la racine des blés mûrs, Editions Valmont
Le coq aux pattes d’or, Editions Pop’Com
La jambe d’un soldat vaut bien celle d’un général, Editions du réveil des Combattants
Préface de L’Algérie, nous y étions - recueil de témoignages d’appelés, Editions du réveil des Combattants
Préface de Combattants pacifistes dans la guerre d’Algérie, Editions du réveil des Combattants