Malgré le titre accrocheur et humoristique, il s’agit moins de « briller au bureau, avec ses amis, sur les réseaux sociaux ou devant son chat… », à qui d’ailleurs on ne la fait pas, que de découvrir les délices cachés de la langue française.
« En fait, nous dit Marion Navenant, vous trouverez des mots désuets, certes, mais aussi des mots étrangers, des mots banals, des mots bancals et, parfois même des jeux de mots. »
C’est donc une plongée, souvent délicieuse, dans les possibilités d’une langue, la langue française, trésor qu’il nous appartient d’explorer et de faire vivre. Enrichir son vocabulaire, c’est élargir ses choix dans la rencontre.
« Car, dit-elle, s’il apparaît évident que l’on ne s’adresse pas de la même manière à son meilleur ami qu’à son patron, ou à son chat, il semble alors tout à fait logique d’ajuster les mots que l’on utilise, et ce, afin de ne jamais en manquer pour bien exprimer sa pensée. »
C’est pourquoi, Marion Navenant ne se contente pas de donner les définitions de ces 200 mots choisis, elle les commente, les met en scène dans de courts textes, parfois personnels, ce qui permet au lecteur d’imaginer immédiatement dans quelles situations il pourra en faire usage, parfois avec préméditation.
Evidemment, ces mots sont rares : objurgation, apléter, actinite, squalide, imbriaque, sycophante… Certains ne nous sont pas inconnus mais méritent un petit rappel : bonace, acrimonie, pétaudière, agapes… ou très à la mode comme punais(e). Mais, justement, qu’en savons-nous ?
« Apparu au XIIe siècle, ce nom et adjectif est issu du latin populaire putinasius, « qui sent mauvais » lui-même composé, sur le modèle de nasiputens, « qui sent mauvais », à partir de putere, « être pourri, gâté : puer » et nasus, « nez ».
Le mot punais désigne donc ce qui sent mauvais et, en particulier, qui exhale par le nez une odeur fétide.
Un vagabond peut ainsi être punais et une viande peut être punaise. Dans les deux cas, le terme exprime cette idée de puanteur extrême. »
Ce mot, punais a donné son nom aux célèbres punaises de l’année.
Pour les amoureux, Marion Navenant, propose amène, brimborion, captieux, capucinade, intuiter, postéromanie, cattaglotisme, remembrance…
Vous découvrirez que votre chat ne cesse de vous embabouiner. Et avec vos amis, vous pourrez toujours poculer.
Si vous musarder dans ce livre, sans souci de pérorer, vous ne tomberez jamais dans l’acédie.
200 mots rares et savoureux pour briller. Marion Navenant
Boeck Supérieur, rue du Bosquet, 7, 1348 Louvain-la-Neuve Belgique.
www.deboecksuperieur.com
Arsenal antipapal, deTeofilo Gay
Il est toujours temps de relire l’Arsenal antipapal, ou Dictionnaire des hérésies, impostures & idolâtries de l’Eglise romaine, publié en 1901 par Teofilo Gay. Si le livre s’inscrit dans le contexte très italien et garibaldien de l’époque, marquée par l’idée d’une révolution protestante, la recherche historique et archéologique sur la construction du christianisme de l’Eglise de Rome n’a cessé depuis de donner raison à la démarche de l’auteur.
Comme son titre l’indique, il ne s’agit pas d’un livre contre le christianisme mais d’un livre contre le pouvoir papiste et dans la perspective de l’unification de l’Italie.
Dans l’introduction à cette réédition de 2014, toujours disponible, Paolo Morlachetti, pasteur de l’Eglise protestante unie de France, cerne les enjeux politiques et religieux de l’ouvrage :
« La première publication de ce livre a pour but d’être un outil d’évangélisation. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la relation entre l’« arsenal » et le « dictionnaire » exprimée dans le titre. A travers la présentation des arguments par ordre alphabétique, l’auteur souhaite fournir des éléments pour alimenter le débat et mettre en lumière l’absence d’arguments bibliques qui se trouvent derrière ces pratiques et ces dogmes. Nous pouvons imaginer les réunions contradictoires publiques, assez courantes à l’époque, ou un prêtre et un pasteur s’affrontaient sur la place publique essayant de mettre en évidence les erreurs respectives. (…) Bien sûr, dans cet appel vigoureux à démasquer les erreurs et dans ces accusations violentes vers l’Eglise romaine, nous pouvons voir le reflet d’un christianisme protestant hargneux qui, incapable de se définir lui-même, construit son identité à travers la polémique avec l’autre. Mais, nous pouvons aussi reconnaître l’audace d’une parole libre qui s’attaque aux injustices et qui souhaite construire une société plus juste fondée sur l’idéal laïque d’une Eglise libre dans un Etat libre, ou l’Eglise peut vivre sa vocation sans le risque de voir l’élan religieux asservi à des intérêts économiques ou politiques. »
Plus d’un siècle après, si le débat entre protestantisme et catholicisme est apaisé, la violence s’est déplacée sur d’autres fronts inter-religieux et les injustices sont toujours aussi flagrantes. Interroger le phénomène religieux reste indispensable avec, comme source et finalité, la liberté. L’outil antipapal, relu hors contexte, indique une méthode pour dépasser les différences, les conditionnements, les identifications toxiques et inventer de nouvelles associations créatrices.
Le parcours de Teofilo Gay, qui démontre entre autres « le paganisme de l’Eglise romaine » ou sa dimension réellement hérétique, met en évidence le courage nécessaire, hier comme aujourd’hui, pour s’affranchir des carcans religieux, lui qui fut acteur de l’Eglise Méthodiste, dont il démissionna pour rejoindre l’Eglise Vaudoise, et Franc-maçon.
Le « dictionnaire-arsenal » ne fait pas que témoigner d’une époque, il invite à une pensée libre, construite sur un doute salvateur et l’appropriation d’une culture raisonnée du phénomène religieux sans cesse en mouvement. La multitude des interdits et condamnations portés par l’Eglise romaine en fait une invitation permanente à la transgression, avec son cortège de culpabilités. L’Arsenal antipapal vise à dissoudre cette pesante culpabilité qui ruine tant de vies encore aujourd’hui.
Arsenal antipapal
Teofilo Gay
Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne – _ https://latarente.fr/