Au lendemain des élections européennes de juin 2009, le verdict est cinglant. Partout les formations politiques de gauche reculent à un niveau historique. Les commentaires se sont multipliés sur les causes des défaites et déroutes de la gauche. Ils soulignent la difficulté des partis de gauche, et particulièrement les forces sociales-démocrates à regagner, en pleine crise du système capitaliste, la confiance des électeurs d’Europe.
En Grande-Bretagne, avec 15,3% des suffrages, le Parti travailliste enregistre son plus mauvais score depuis 1918. En Allemagne, avec seulement 20,8% des voix le SPD est lourdement pénalisé par les électeurs.
Dans les Pays nordiques, les déconvenues sont également au rendez-vous depuis le début des années 2000. La victoire de la droite au Danemark en 2001, puis en Finlande et en Suède en 2006, « exprime avec une force symbolique et politique de portée plus générale (…) l’épuisement du modèle même du compromis social-démocrate. »
Au Pays-Bas, là encore, le parti social démocrate du travail (PVDA) tombe à son niveau historiquement le plus bas avec 15%.
Dans plusieurs pays d’Europe, comme en Allemagne et au Pays-Bas, émergent des partis de rupture et privilégiant les relations avec le mouvement syndical comme le Linkpartei en Allemagne et le Socialist Party (SP) aux Pays-Bas.
Selon Daniel Cirera, ces résultats calamiteux traduisent « les limites et l’échec » de la pensée dominante à gauche dite de « Troisième voie » incarnée notamment en Allemagne par G.Schröder et en Grande-Bretagne par T.Blair puis Gordon Brown. Le positionnement au « Centre », fut-il nouveau, n’a pas convaincu les électeurs.
La gauche social-démocrate est incapable d’apparaître comme une alternative en pleine crise du système capitaliste mondial. « Non seulement (elle) n’a pas tiré un profit mécanique de l’effondrement du communisme soviétique, mais le compromis social-démocrate a été emporté par le raz-de-marée néolibéral de la mondialisation que globalement elle a assumé et promu. Il s’en est suivi une désaffection des couches populaires, mais aussi une montée d’inquiétude dans les « couches moyennes », résume l’auteur dans sa note datée de novembre 2009.
Brouillage de l’appartenance de classe, brouillage du clivage droite/gauche : la gauche qui s’était constituée à partir de la critique marxiste du capitalisme, qui était porteuse d’un projet de société, le socialisme, et qui durant longtemps a largement représenté les ouvriers et le peuple, se retrouve aujourd’hui tout à la fois totalement déconnectée des couches populaires, ne disposant plus d’un projet alternatif et largement identifiée à la gestion la plus académique du marché.
Comment en est-on arrivé là ? Est-il possible de sortir de cette ornière ? La note que publie la Fondation Gabriel Péri rédigée par Daniel Cirera déconstruit avec minutie la période qui aboutit la fuite en avant de la Troisième Voie lancée par les mouvements de la gauche sociale-démocrate dans les années 90.
Elle pose la question, non pour se satisfaire de cette situation qui obère toute alternative mais pour ouvrir les voies d’une réelle alternative :
« Ce n’est pas parce qu’à ce jour une conception communiste refondée n’a pas émergé que la question du changement ne se pose plus. Dés lors, les forces politiques et sociales, communistes et sous d’autres formes selon les pays, doivent répondre à l’interpellation sur les conditions politiques d’un tel changement et de telles ruptures à partir du mouvement réel qui travaille la société. (…) L’expérience et les réalités contemporaines révèlent les limites d’une conception ancrée dans le système institutionnel et dans le mouvement ouvrier, dans la gauche, qui conçoit l’intervention politique populaire, fut-elle participative, en soutien aux forces politiques, aux partis. (…) En fait, il s’agit de repenser les conditions (…) de cette transformation : non pas à partir d’un projet pré-établi aussi parfait soit-il et qui devrait entraîner l’adhésion du peuple, mais à partir des contradictions de la réalité et sans préjuger du rythme que le mouvement populaire (…) imposera ».
Daniel Cirera a raison d’insister sur la nécessité de repenser les conditions de cette transformation, de remettre le peuple et la classe ouvrière au cœur du changement. Pour autant sa démonstration comme d’ailleurs toute tentative de construction politique depuis le début des années 90 minimise la dimension prospective et projective de la politique pour qui veut transformer la société.
Toute transformation, mouvement populaire, alliance politique a besoin de cohérence et de formes militantes organisées à partir de projet clairement défini et débattu. Ce sont aussi « l’expérience et les réalités contemporaines » qui l’ont démontré…
Social-Démocratie : échec et fin d’un cycle est publié dans le cadre des Notes de la Fondation Gabriel Péri – Novembre 2009