L’article qui suit (publié dans Agriculture et Environnement de Novembre 2008) remet en cause des idées toutes faites. S’il faut être vigilant sur les activités des multinationales de l’agroalimentaire, voire de grandes coopératives agricoles imitatrices des sociétés capitalistes, il faut aussi reconnaître le lent et profond travail de l’INRA avec des sociétés privées ou coopératives pour améliorer nos cultures. Aujourd’hui des innovateurs se tournent vers des méthodes culturales "raisonnées" : ce n’est pas le "total bio" mais c’est très intéressant. Ainsi, cet arboriculteur primé par la Fondation Sarazin, mettant au point une mesure du point de rosée qui lui permet d’intervenir finement sur ses noyers avant les attaques de parasites liées à des conditions météo très précises. Il passe ainsi d’une intervention tous les 10 ou 15 jours à trois ou quatre interventions de fongicides par an !
Tout ceci étant dit, je pense que du coté des OGM il faut demeurer vigilants contre les Plantes Génétiquement Modifiées imposées à tout va, et notamment aux paysans pauvres de la planète. Voir les catastrophes en Argentine et désormais la contamination des maïs mexicains. Je suis persuadée que la publication de cet article au delà des milieux professionnels permettra un débat fécond ! N’hésitez donc pas à faire part de vos réflexions.
Sylvie Mayer
LA GRANDE ARNAQUE DES SEMEURS VOLONTAIRES
Les semences anciennes font régulièrement l’objet d’affirmations élogieuses, reprises sans discernement par les médias. Un regard sur l’histoire de la sélection variétale apporte un éclairage beaucoup plus nuancé…
En marge de l’assemblée générale des collectifs anti-OGM du 15 août dernier, José Bové a annoncé à la presse que les « faucheurs volontaires » s’étaient convertis en « semeurs volontaires » ; et même en « semeurs de biodiversité » ! Une désignation tellement en vogue qu’on pourrait se demander si elle ne sort pas tout droit d’un cabinet de communication. L’argumentaire des « semeurs » repose sur un triptyque bien rebattu : 1) les multinationales de la semence commettent un hold up sur le vivant ; 2) elles veulent imposer des variétés de plantes standardisées et sélectionnées uniquement en fonction du rendement ; 3) ceci porte atteinte à la biodiversité, dontseuls sont garants les petits paysans.
Dans cette guerre « qui ne fait que commencer », comme l’annonce la journaliste de Télérama Weronika Zarachowicz, les tenants d’un « modèle
d’agriculture unique, productiviste et artificialisé », dominé par la puissance de l’argent et des affaires, s’opposeraient à ceux d’une agriculture « fondée sur des fermes à dimension humaine, le travail avec la nature, le lien direct entre producteurs et consommateurs et la qualité des produits » [1].En clair, il s’agirait de la lutte de la vie contre la mort, du bien contre le mal.
Un vieux combat
En réalité, les semeurs volontaires ne font que réactualiser un vieux discours : celui du réseau Semences paysannes, présidé par Guy Kastler
et qui fédère l’aile radicale de la Confédération paysanne, le Mouvement de culture biodynamique, la Fédération nationale d’agriculture biologique
et la Coordination nationale pour la défense des semences fermières.Si chacune de ces composantes a ses propres raisons de s’opposer
à l’industrie semencière, toutes s’accordent à affirmer quelques contre-vérités, comme celle selon laquelle les coopératives et les semenciers seraient à l’origine d’une « extraordinaire érosion de la diversité des plantes cultivées, au point qu’aujourd’hui trois ou quatre variétés couvrent 60 % de l’assolement annuel en blé [2] ». Visiblement, le réseau en est resté aux chiffres des années soixante-dix ! En effet, en 1974, seules 45 variétés différentes de blé étaient présentes dans les champs, dont 4 variétés pour 60 % de l’assolement, alors qu’en 2008, non moins de 279 blés différents ont été cultivés, dont 16 variétés occupant 50 % des surfaces. L’évolution
du maïs est encore plus frappante : de moins de 200 variétés cultivées en 1976 (dont une seule pour 42 % des surfaces), on est passé à plus de 1.000 cette année ! La variété la plus cultivée occupe moins de 5 % des surfaces, et la moitié de l’assolement est cultivé avec 900 variétés différentes.
Autrement dit, il y a bien longtemps qu’il n’y a pas eu autant de diversité variétale dans les champs ! Et il ne s’agit pas de « clones génétiquement très proches », comme l’affirme la petite association Kokopelli – dont le patron, Dominique Guillet, a été condamné en janvier 2008 pour « actes de concurrence déloyale tendant à la désorganisation du marché des graines de semences potagères anciennes ». Pour preuve, le nombre de géniteurs répertoriés comme entrant dans les origines des variétés de blé inscrites dans le catalogue français a fortement augmenté : de 66 en 1937, il est passé à 225 en 1995.
Cette évolution n’a rien de surprenant, puisqu’elle répond à une demande des consommateurs qui n’a fait que s’accroître, tout en se diversifiant,
depuis les années soixante. Si certains marchés exigent une matière première homogène et standardisée afin de pouvoir fournir tout au long de l’année un produit identique, d’autres marchés, plus segmentés,
proposent une gamme de produits très diversifiés qui nécessitent des matières premières présentant des caractéristiques spécifiques (plus ou
moins grande dureté, teneur et nature de l’amidon, teneur en protéines, en sels minéraux, couleur, etc.). Comme l’explique Gérard Doussinault, agronome à l’Inra, « les filières d’utilisation du blé se sont diversifiées et transformées. Il y a cent ans, le blé était presque exclusivement destiné à la fabrication de pain de manière artisanale. Aujourd’hui, le blé sert à l’alimentation animale, il est fractionné en ses composants amidon et gluten. Les techniques des industries de cuisson ont considérablement évolué, la fabrication industrielle du pain a pour conséquence
la modification des caractéristiques d’adaptation des farines à cette filière : la biscuiterie et la biscotterie ont des exigences très spécifiques » [3]
Un peu d’histoire
L’histoire de la sélection des semences retrace avec précision la façon dont le monde agricole a su répondre collectivement à ces multiples demandes,
qui ont évolué au fil du temps. En 1944, Jean Bustarret, inspecteur général puis directeur de l’Inra, notait qu’au début du XIXe siècle, il existait en
France une quarantaine de variétés de blé « plus ou moins hétérogènes, d’origine souvent inconnue, adaptées tant bien que mal au milieu régional » [4]. Appelées « blé de pays », ces variétés étaient le double fruit de la sélection naturelle et de la sélection massale effectuée par l’agriculteur (le plus souvent en triant les grains). À l’époque, le principal souci de ce dernier était d’obtenir des variétés suffisamment productives et surtout régulières dans leur rendement. Les meilleurs blés atteignaient alors 12 à 15 quintaux à l’hectare. Dès la première moitié du XIXe siècle, une variété s’est imposée comme géniteur principal : le blé de Noé. Il s’agit d’un blé d’hiver et de printemps, qui n’a par ailleurs rien de français. Découvert par hasard en 1826 dans un champ ensemencé à Nérac, il provenait d’Odessa !
On s’était aperçu qu’il était plus vigoureux et moins
sensible à la verse que les blés de pays. Par croisement,
le blé de Noé a été à l’origine des variétés
baptisées « blés d’Aquitaine », comme le Rouge de
Bordeaux, le Japhet ou encore le Gros bleu.
Vers les années 1860-1880, la France a été le
théâtre d’une première révolution agricole, initiée
par Henry de Vilmorin. C’est à lui qu’on doit toute
une série de nouvelles variétés (Dattel, Bordier,
Massy, Trésor), dont les géniteurs sont d’une part
les blés d’Aquitaine – issus du blé de Noé – et d’autre
part des blés d’origine britannique (Victoria blanc,
Chiddam, Rouge d’Ecosse, Prince Albert…), cultivés
essentiellement dans le nord de la France.
Comme le relate Robert Mayer, ancien responsable
de la station de génétique et d’amélioration des
plantes de l’Inra-Versailles, « ce qui fut véritablement
déterminant pour le progrès de l’amélioration
des plantes, c’est la méthode utilisée qui, à l’époque,
était révolutionnaire : la création de populations
issues d’hybridations artificielles après choix
judicieux des géniteurs » [5].
Au début du XXe siècle, les variétés cultivées
n’étaient déjà plus le simple produit de l’observation
des paysans, mais celui des sélectionneurs,
qui utilisaient les techniques les plus avancées de
l’époque. Comme le confirme Vincent Ducomet,
chercheur à l’Inra et spécialiste du maïs, « grâce à
Henry de Vilmorin, c’est la génétique qui est intervenue
» [6].Très rapidement, ces blés nouveaux sont
devenus hégémoniques, laissant de moins en moins
de place aux blés de pays, dont les rendements
étaient plus aléatoires. En 1926, une enquête effectuée
par l’agronome Emile Schribaux indiquait
que les blés Vilmorin représentaient 39 % des
blés cultivés, contre 35 % pour les blés de pays.
Cependant, les sélectionneurs, subjugués par ces
nouvelles variétés françaises et ignorant les géniteurs
étrangers, tournaient en rond. Seul Emile
Schribaux apportait alors une note innovante. Dès
la fin des années 1920, l’agronome s’est montré
très préoccupé par cet appauvrissement génétique.
« Nous ne nous rendons pas assez compte de l’intérêt
capital qu’aurait pour nous le matériel tiré de
l’étranger, véritable mine dans laquelle il serait souvent
possible de découvrir, et presque sans effort,
des variétés susceptibles de nous rendre les services
les plus précieux » [7], écrivait-il en 1928. Avec
un autre grand pionnier de la sélection, Charles
Crépin, il a introduit très largement dans ses croisements
des géniteurs d’Europe centrale et méridionale,
ainsi que d’Amérique du Nord – comme
Oro, Thatcher ou Martin. Cette diversification a été
heureusement poursuivie après la Seconde guerre
mondiale, en particulier par la Maison Desprez et
par la société Nickerson – alors filiale de Shell –,
qui a mis en place un schéma de sélection des blés
européens en implantant des stations en Grande-
Bretagne, en France, en Allemagne et en Espagne.
A la même époque, l’Inra a introduit dans ses nouveaux
blés des résistances aux maladies provenant
d’espèces autres que le blé (Aegilops ventricosa
et Triticum cathlicum). Ainsi, chaque grande étape
de progrès dans l’évolution variétale a été initiée
par l’apport de caractères génétiques venus de
lignées très différentes de celles présentes sur la
sole locale.
Du mythe de l’adaptation…
L’affirmation de Guy Kastler selon laquelle
l’évolution naturelle permet aux espèces de
« s’adapter aux conditions changeantes des milieux
» relève également du mythe. En effet, la
culture de populations (c’est-à-dire de variétés
hétérogènes constituées de plantes différentes)
ne laisse pas apparaître de façon systématique des
adaptations naturelles qui garantiraient un haut
niveau de production dans le long terme. Sur le
terrain, c’est même le contraire que l’on observe,
du fait des accidents climatiques ou parasitaires
que les cultures peuvent subir.Ainsi, un grand coup
de froid peut considérablement appauvrir une
population en faisant disparaître jusqu’à la moitié
de ses plantes : celles qui sont sensibles au froid,
mais qui possèdent par ailleurs des propriétés
intéressantes. En outre, il est notoire que les croisements
répétés de plantes voisines conduisent
généralement à un affaiblissement de la lignée.
C’est ce qui explique que déjà au XIXe siècle, les
paysans allaient régulièrement chercher loin de
chez eux des populations de semences nouvelles
afin de renouveler leur stock de semences.
L’histoire de la destruction totale par le phylloxéra
de deux millions d’hectares de vignes en
moins de trente ans dément les propos du président
de Semences paysannes. Les anciennes
vignes constituées d’une multitude de clones hétérogènes
ont été balayées en totalité par le ravageur.
Comme l’a rappelé André Cauderon, ancien directeur
de l’Inra, « c’est le greffage sur des porte-greffe
nouveaux, généralement hybrides entre vignes américaines
et V. vinifera, qui a permis de reconstituer
le vignoble français » [8]. Pourtant, à l’époque, quelques
opposants comme le botaniste Lucien Daniel
– auteur d’un rapport à ce sujet rédigé pour le ministère
de l’Agriculture – affirmaient qu’avec de
telles techniques, on « courait à la catastrophe ».
Aujourd’hui, Lucien Daniel a trouvé un digne héritier
en la personne d’Yves Cochet, qui a fait amender
l’article 28 de la loi Grenelle 1 pour promouvoir
les « populations », alors qu’à peine quelques
centaines d’agriculteurs pratiquent encore ce mode
de culture.
… à celui de la résistance des variétés
anciennes
Le troisième mythe largement entretenu par Guy
Kastler et ses amis consiste à affirmer que les
variétés modernes sont incapables de « se débrouiller
sans l’aide de “béquilles chimiques” » [9], contrairement
aux variétés anciennes, plus résistantes. Ce
débat n’est, lui non plus, pas très nouveau. Dès
1948, Jean Bustarret écrivait : « Les variétés anciennes,
fruits d’une longue sélection naturelle, font
l’objet de nombreuses affirmations élogieuses.Parmi
les idées reçues, ces variétés auraient une capacité
d’adaptation presque parfaite aux conditions
de l’environnement et aux techniques culturales
peu évoluées, ce qui leur permettrait d’obtenir des
rendements peu fluctuants d’une année à l’autre. […]
Leur “rusticité” remarquable et leur tolérance aux
maladies assureraient un rendement correct malgré
l’absence de traitements pesticides et de fertilisation
» [10]. Afin de vérifier les propriétés exactes
des variétés anciennes, Pierre Grignac, professeur
d’amélioration des plantes à l’Ecole nationale
d’agronomie de Montpellier, a réalisé une étude
sur une période de sept ans (1974-1980). Ses travaux
ont prouvé que les variétés modernes de
l’époque (à l’exception de Courtôt) sont aussi
rustiques que les
anciennes. Sans apport
de pesticides,
elles présentent « une
adaptation générale et
un pouvoir de concurrence
égaux ou supérieurs
à ceux des
variétés anciennes »,
écrit Pierre Grignac.
Sur le plan de la qualité,
le bilan est sans appel. « La force boulangère 11 [11],
mesurée par le W Chopin, des variétés de pays est
très faible, en moyenne de 48,5, alors que la
moyenne de celle des variétés modernes est de
139,7, variant de 75 pour Étoile de Choisy à 210
pour Courtôt », indique l’étude. Enfin, les variétés
modernes cultivées sans pesticides ont une
« régularité du rendement au moins aussi stable
que les variétés de pays, et probablement plus
stable » [12].
Mais comme tout mythe, celui de la supériorité
des variétés anciennes a la peau dure. En 1994,
alors que l’on discutait de la révision de la politique
agricole commune, de nombreuses voix se sont fait
entendre pour exiger un changement des critères
de sélection. Les variétés modernes n’étaient pas
assez rustiques pour la mise en oeuvre d’une politique
plus axée sur la qualité, affirmait-on un peu
partout. Le mythe du paradis perdu avait fait son
retour. L’Inra a donc entrepris une nouvelle étude,
en collaboration avec Limagrain, pour comparer le
comportement de quatorze variétés de blé inscrites
au catalogue français de 1946 à 1992, dans
cinq lieux représentant la diversité pédoclimatique
du nord de la France et avec trente-huit parcours
agronomiques différents (dont certains sans pesticides).
Commentant les résultats de cette étude,
retenue par le programme « Agriculture Demain »
du ministère de la Recherche et de la Technologie,
l’un de ses auteurs, Bernard Le Buanec, a conclu
que « si l’on définit la rusticité comme, d’une part,
une aptitude à produire un rendement aussi élevé
que possible avec des intrants réduits, et d’autre
part, à valoriser à la fois les milieux riches et les
milieux pauvres, les variétés modernes sont en
moyenne plus rustiques que les variétés anciennes
». [13]
Rendement contre qualité ?
Dernier mythe toujours très répandu : les sélectionneurs
ne se seraient concentrés que sur l’augmentation
du rendement, et ce au détriment de la
qualité. Certes, nul ne peut nier que le rendement a
toujours été un élément essentiel de la sélection.
Mais affirmer que rien n’a été entrepris pour conférer
aux variétés des résistances aux maladies
relève de la mauvaise foi.En premier lieu parce que
le rendement est nécessairement lié à la capacité
de la plante à se défendre contre les maladies.
En outre, le fait de considérer la question du rendement
comme subalterne pose un véritable problème
de fond… sauf
à être un adepte des
thèses malthusiennes,
chères à l’écologie
radicale ! En effet,
peut-on sérieusement
envisager aujourd’hui
une agriculture qui aurait
des rendements similaires
à ceux des
blés de pays du début
du XXe siècle, c’est-à-dire très souvent inférieurs à
15 quintaux à l’hectare ? La réponse est bien entendu
négative. Or, c’est bien le travail des sélectionneurs
– conjugué à d’autres facteurs comme
l’amélioration des techniques agronomiques – qui
a permis d’augmenter la productivité agricole d’un
facteur de 4,6 en moins de cent ans, et non la simple
observation de phénomènes aléatoires dans
les champs !
Depuis les Vilmorin au XIXe siècle, la résistance
aux maladies n’a cessé d’être au coeur des préoccupations
des sélectionneurs. « Espérer faire disparaître
la rouille serait chimérique. Il faut donc vivre
avec elle, comme on s’est résigné à le faire avec le
phylloxéra. Et encore comme dans la viticulture,
c’est plutôt dans la résistance organique des variétés
cultivées que dans les moyens préventifs ou
curatifs qu’il faut mettre sa confiance » [14], affirmait
Henry de Vilmorin en 1893 ! En 1987, lors du 50e
anniversaire du Comité technique permanent de la
sélection (CTPS), Victor Desprez – alors PDG de
Florimond-Desprez – a confirmé cette idée en
déclarant que « la lutte contre les maladies est sans
cesse remise en cause et restera un des objectifs
les plus importants du troisième millénaire ».
Le défi de la sélection en fonction des maladies
a été relevé dans la première moitié du XXe siècle
par Emile Schribaux, qui a développé les premières
variétés moins sensibles à la rouille jaune en
utilisant une espèce sauvage présentant un génome
homologue à celui du blé : le triticum dicoccoïdes.
Comme l’indique Gérard Doussinault, « à la suite
des travaux de Schribaux et de Crépin, un matériel
génétique remarquable pour ses caractéristiques
de résistance a été créé chez le blé à l’égard
du charbon, de la carie de la rouille jaune et noire,
et plus récemment de la rouille brune, du piétin
verse et de l’oïdium » [15]. Ces blés ont servi ensuite
de géniteurs à de nombreuses variétés, dont l’Étoile
de Choisy, issue des premiers travaux de sélection
végétale menés à l’Inra de Dijon et inscrite au
catalogue officiel français en 1950. Dix ans plus
tard, l’Étoile de Choisy occupait 16 % des surfaces
françaises cultivées en blé. Les exemples de variétés
sélectionnées en fonction de leur résistance ne
manquent pas. Ainsi, en 1974, l’Inra a mis au point
Roazon, une variété qui présente des résistances
au piétin verse, à l’oïdium (une vingtaine de gènes
de résistance spécifique ont été mis en évidence),
aux rouilles et partiellement à la septoriose provoquée
par Septoria nodorum. Plus tard, trois gènes
de résistance aux rouilles, réunis en un cluster, ont
été introduits chez Pernel (1983), puis chez Arche
et Logor (1989). « Certes, la généralisation des traitements
fongicides a contribué aussi largement à
limiter la gravité des attaques. Mais aujourd’hui,
certaines variétés permettent d’économiser un, voire
deux traitements fongicides » [16], affirme Gérard
Doussinault. En 1998, Limagrain a mis sur le marché
la très appréciée variété Apache, toujours très
présente dans les campagnes en raison de sa résistance
à la fusariose. Bref, quoi qu’en pensent
certains responsables de l’administration, les sélectionneurs
professionnels n’ont pas attendu le Grenelle
de l’environnement pour engager des recherches sur
des variétés plus économes en intrants…
Aujourd’hui, les nouvelles technologies génétiques
permettent aux semenciers de répondre
encore mieux à ce défi en accélérant la sélection
variétale. Grâce à la sélection assistée par marqueur
(SAM), il est possible d’identifier avec une
très grande précision la séquence d’ADN qui comporte
un gène d’intérêt. Ces identifications alimentent
une banque de données précieuse (et privée),
enrichie de jour en jour par certains géants de la
semence. La SAM permet ensuite de sélectionner
les variétés qui présentent les caractéristiques
désirées sans devoir passer par l’étape de la mise
en culture, ce qui représente un gain de temps
considérable. La miniaturisation et la robotisation de ces techniques autorisent le travail sur plusieurs
milliers de combinaisons à la fois, renvoyant les
méthodes dites naturelles de la sélection à l’âge
de pierre ! Là où les uns parlent de dizaines ou de
centaines de variétés, les semenciers, héritiers des
collections riches de variétés de toutes les époques,
parlent de milliers. Grâce à ces nouveaux outils,
ils sont aujourd’hui capables d’apporter aux variétés
modernes les trésors génétiques que recèlent
les anciennes. Le nombre des variétés de blé tendre
inscrites chaque année au Catalogue (moins
d’une dizaine il y a trente ans contre 42 en 2007)
n’est guère limité que par le coût de l’inscription
(entre 8.000 et 10.000 euros pour chaque nouvelle
variété mise sur le marché). Certes, les investissements
importants réalisés pour mettre en place ces
techniques renforcent la concentration des semenciers.
Mais celle-ci se conjugue paradoxalement
avec une augmentation du choix des variétés pour
l’agriculteur.Si ce dernier peut aujourd’hui « semer
de la biodiversité », c’est bien grâce à l’industrie de
la semence, et non grâce aux quelques paysans
nostalgiques des méthodes du début du XIXe siècle…
Commentaire d’Annie Bruant
Je ne suis pas une scientifique de haut niveau, juste une consommatrice qui, depuis 40 ans, s’inquiète de voir des produits chimiques dont on ne connaît pas tous les effets, introduits dans nos assiettes et cherche à consommer naturel et non pas des produits issus de "l’agriculture raisonnée", qui n’est ni plus ni moins que du chimique !
Il est vrai que cet article peut paraître convainquant, mais en réalité ce n’est qu’une entourloupe de plus pour nous faire prendre les produits chimiques pour du sain et du naturel !
1/ Si Dominique Guillet de Kokopelli a été condamné, c’est comme les faucheurs d’OGM, parce qu’il est le grain de sable qui risque d’entraver la croissance des profits !
2/ Est-il normal de ne pouvoir semer que les produits répertoriés au "catalogue" dont l’inscription coûte entre 8 000 et 10 000 € par variété ?! Qui peut se le permettre à part les grands semenciers ? L’article est muet sur cette question de fond ! Est il normal de breveter le vivant et de priver ainsi les paysans de l’utilisation gratuite de leurs propres semences ?
3/ Lorsque l’INRA, dont je respecte beaucoup les chercheurs, est obligé de travailler sur des commandes du privé, pour trouver des financements à ses recherches parce que les dotations de l’état sont insuffisantes, ce n’est pas pour accroître les connaissances scientifiques, mais pour accroître les rendements et les profits des semenciers. L’article nous masque cette vérité-là !
4/ Ce qui n’est pas dit non plus, c’est que chaque semence du catalogue et qui est obligatoirement vendue par un semencier, est accompagnée de son lot de produits chimiques : engrais, pesticides qui viennent nous empoisonner quotidiennement à notre insu, même si c’est de manière "raisonnée" !
5/ L’objet de toutes ces sélections, hybrides et OGM est de priver les paysans de la maîtrise de leurs semences et que les multinationales des semences et de l’industrie chimique détiennent l’arme alimentaire qui permet de punir et d’affamer un peuple qui, par exemple, n’aurait pas fait les bons choix politiques ! C’est un combat qui dure depuis 150ans ! Monsanto, Limagrain, même combat !
Je pourrais sans doute approfondir un peu plus encore les arguments, mais voilà déjà quelques éléments que je tenais à verser au débat en réaction à cet article mensonger par le fait qu’il masque des éléments de fonds !
[1] Compte rendu de la rencontre du 26 mai 2008 avec
Guy Kastler à la Ferme de Sylviane et Raymond Pitiot, à St-Paul en Jarez.
[2] Site du réseau Semences paysannes.
[3] Doussinault G., Cent ans de sélection du blé en France
et en Belgique, 1995.
[4] Bustarret J., Variétés et variations, Ann. Agr. XIV 336-362,1944.
[5] Mayer R., L’amélioration des plantes en France, Ann. Amél. N° hors série.
[6] Document V., Les blés d’Aquitaine et leur rôle dans la
constitution des blés actuels, Le Sélect., 1933.
[7] Schribaux E., Projet de rédaction d’un catalogue international des meilleurs blés, 1928.
[8] Colloque « L’amélioration des plantes, continuités et
ruptures », Montpellier, octobre 2002.
[9] Compte rendu de la rencontre du 26 mai 2008 avec Guy Kastler à la Ferme de Sylviane et Raymond Pitiot,
à St-Paul en Jarez.
[10] Bustarret J., État actuel de l’amélioration du blé en
France,1948.
[11] La force boulangère représente l’aptitude des farines
à s’hydrater, puis des pâtes à se développer, tout en gardant
le gaz carbonique formé pendant la fermentation.On
la mesure à l’aide de l’alvéomètre Chopin.
[12] Grignac et al., Comparaison de variétés anciennes
et modernes de blé tendre à divers niveaux d’intensification
dans un environnement méditerranéen, C.R. Acad.
Agriculture,1981.
[13] Le Buanec B., Diversité génétique des variétés de blé
tendre cultivées en France au cours du vingtième siècle,
Comptes rendus de l’Académie d’Agriculture, Vol 85, 1999.
[14] De Vilmorin H., Étude sur la rouille du froment, 1893.
[15] Doussinault G., Cent ans de sélection du blé en France
et en Belgique, 1995.
[16] Ibid.