Je n’apprécie pas la poésie romantique à cause de ses épanchements et pourtant j’ai dans ma bibliothèque une anthologie et Les Contemplations de Victor Hugo. Il est vrai que je suis sensible à l’infini car la physique met ce dernier concept en évidence. Et c’est une réalité que Pierre Dhainaut, qui est le responsable de ce choix et de cette présentation de dits et de maximes de vie de Victor Hugo, écrit : « L’infini, disait-il, est le premier personnage des Misérables, il l’est de toute l’œuvre. Que nous le nommions Dieu ou que nous le laissions anonyme, l’infini est une réalité sensible » (p 18). C’est à cette réalité anonyme que je suis sensible.
Pierre Dhainaut mêle dans ses citations, strophes et groupes de vers, notes et fragments divers. Ce qui accroche, ce sont sans doute les vers (p 52) : les sentiments mondialistes ou simplement européens sont indépendants de ce système économique honni par Hugo lui-même (les politiciens ne sont que des boutiquiers, et ce depuis des dizaines d’années !). Je n’exagère pas, page 53, on a droit à une tirade sur l’inégalité sociale et la Révolution tirée d’un discours jamais prononcé. Ailleurs, c’est « la manière dont l’être se modifie et (dit n° 41), se transforme constamment, sans secousse », ou une définition de l’art (dit 47), ou encore sur la marche (dit 53)… Mais je ne vais pas relever tous ces dits ou toutes ces maximes de vie.
Sans doute est-il difficile de déchiffrer les Œuvres complètes de Victor Hugo, aussi est-il préférable de lire ce choix de formules brèves. Page 73, Hugo s’interroge sur le mot étranger et il trouve cette réponse : « Nous sommes ici chez nous et vous n’êtes pas chez vous. Où ? Ici ? Vous n’avez qu’à y creuser une fosse et vous verrez que la terre m’y recevra tout aussi bien que chez vous ». Je donne tout Hugo pour ce fragment tiré de Tas de pierres : « Dans le noir encrier une étoile s’allume » (dit 163). Victor Hugo n’évite pas de se répéter mais Pierre Dhainaut n’y peut rien. Mais voilà qu’il se rachète avec ces mots : « Tournez votre livre à l’envers, et soyez dans l’infini » (dit 176). Il y a dans ces paroles une grande liberté de ton : c’est grâce à Pierre Dhainaut qu’elles sont ici réunies. On ne trouve pas le nom de l’inventeur de la boussole parmi ceux qui ont taillé en pièces ou qui ont passé au fil de l’épée (note 250 p 121). C’est là signe d’une profonde sagesse ! Il faut une audace certaine pour écrire : « Ma vie se résume à deux mots : Solitaire. Solidaire » (dit 301). Mais Victor Hugo n’ignore pas le pouvoir des termes : « Mûrir, mourir : c’est presque le même mot » (dit 327). Le mot de la fin , ce sera « Aimer, c’est agir » (dit 340, daté du 19 mai 1885) : Hugo mourra le 22 mai 1885.
Ainsi parlait Victor Hugo : dits et maximes de vie choisis et présentés par Pierre Dhainaut. Editions Arfuyen, 176 pages, 14 euros. En librairie.