Nous devons à Thierry Nélias un excellent ouvrage intitulé L’humiliante défaite, consacré à la guerre de 1870. Avec cette nouvelle recherche, il remonte aux sources de la situation algérienne et identifie ce qui conduira au drame de la guerre d’Algérie et à ses conséquences terribles, encore très actuelles.
Le livre débute par la découverte d’Alger en 1860 au côté de Napoléon III et de son épouse, l’impératrice Eugénie, qui, dans le cadre d’une « tournée provinciale », débarquent dans la ville blanche. Toute la ville s’organise pour accueillir le couple impérial. Napoléon III se veut à l’écoute des populations autochtones. Il veut faire de l’Algérie « le cœur de son Royaume arabe ». Mais, défait par les Prussiens, dix ans plus tard, son projet qui se voulait respectueux des différences laissera place à un projet républicain beaucoup plus radical.
Après cet épisode marquant, qui fait revivre pour nous toute la complexe Alger et, plus largement, la colonie et ses enjeux, Thierry Nélias reprend le récit historique à partir de 1830. Alger est en effet un haut lieu de la piraterie qui règne sur la Méditerranée mettant à mal le commerce international des grandes puissances occidentales. L’expédition d’Alger se prépare. Elle permettra de faire tomber Alger et le dey, sapant ainsi la base de la piraterie mauresque. Mais, l’intervention de la France ne s’arrêtera pas là, elle s’étendra loin à l’Ouest et à l’Est de la Cité. Des troupes s’enfonceront aussi vers le Sud. C’est le début de l’Algérie française.
Très vite, la haute figure d’Abd-El-Kader entre en scène. Il unit les tribus alors divisées et se présente comme le principal résistant à une colonisation encore incertaine mais qui ne tardera pas à s’affirmer.
Le récit chronologique de cette conquête rend compte des mécanismes mais aussi des hasards qui conduiront à la création de l’éphémère Royaume arabe. Thierry Nélias rend compte des actes civils ou militaires qui bornent ce processus mais il n’oublie pas de faire vivre sous nos yeux le quotidien des autochtones comme celui des colons, dans les expérimentations mises en place, par exemple la création des nouveaux villages, ou dans la constitution des Bureaux arabes. Si globalement, la recherche historique a permis d’éclairer cette période, ce récit particulièrement vivant permet au lecteur d’approcher les méandres politiques, militaires (l’influence des généraux), sociales, culturelles, de rencontres qui furent aussi violentes que parfois fraternelles. La question de la Kabylie, souvent révoltée, est également traitée dans ses multiples dimensions.
Thierry Nélias s’est appuyé sur de très nombreuses sources, témoignages européens ou arabes d’acteurs importants ou au contraire d’anonymes, pour réussir cette fresque dont nous avons beaucoup à apprendre. Sur notre histoire, sur l’histoire de cette Algérie dont nous sommes si proches et si éloignés mais aussi plus largement sur les conséquences à moyen et long terme de nos décisions, petites et grandes. Nous oublions trop souvent de nous demander quelles sont les changements favorables ou défavorables qui découleront de nos choix, notamment dans le temps long.
Ce n’est pas seulement une leçon d’histoire passionnante, c’est une leçon de vie citoyenne.
Algérie, la conquête, 1830-1870. Comment tout a commencé . Thierry Nélias
Editions Vuibert, 5 allée de la 2° D.B., 75015 Paris.