Le roman d’Adriana Langer introduit le lecteur dans le quotidien du milieu médical et notamment celui des étudiants en médecine en cadre hospitalier. Les étudiants en médecine doivent aujourd’hui intégrer un volume de connaissance largement supérieur à celui auquel leurs enseignants furent confrontés pendant leurs propres études dans un temps plus court. Par ailleurs, la pensée médicale ne cesse de se complexifier ce qui interroge les modes de transmissions des savoirs. Les stages en milieu hospitalier tiennent une place prépondérante à la fois dans cette transmission et dans le positionnement des futurs médecins vis-à-vis des patients et de l’institution médicale.
Aude, étudiante en médecine découvre cette complexité et les difficultés qui l’accompagne au fil de ses stages hospitaliers. La tension entre la démarche scientifique et la dimension humaine du soin est exprimée subtilement à travers les rencontres, les dialogues, les réflexions personnelles, les questionnements. Aude dessine volontiers et avec talent, elle porte sur la vie le regard de l’artiste qui tantôt se juxtapose au regard médical, tantôt entre en conflit avec lui ou parfois, rarement, fait alliance. La pensée analytique et la pensée perceptive se mêlent dans son expérience, souvent de manière antagoniste.
« Le regard médical effleure la personne, la soulage si elle peut, mais n’en donne jamais un aperçu intérieur aussi poignant. Pendant les visites, Aude est attentive à ce qu’elle apprend d’un point de vue médical, mais de temps en temps surgit en elle, incontrôlée, rebelle, celle qui voit, soudain, l’espace d’un instant, le personnes et objets et les chambres et les couloirs – autrement. Elle la réprime : ce n’est pas le moment, plus tard. Elle la retrouve parfois, intacte, tel le captif qu’un gardien aurait attrapé juste avant sa fuite. Mais la plupart du temps, elle doit se rendre à l’évidence, malgré la nostalgie qui l’étreint ; c’est perdu, c’est trop tard. »
Le regard du peintre, le regard médical et le regard amoureux tissent la trame de ce roman de la vie dans ses moments les plus difficiles, quand la mort se rappelle à tous. Le rêve apparaît parfois comme le dernier espace de création dans un monde trop contracté.
Adriana Langer réalise une belle peinture du milieu médical, par impressions délicates. Elle peint les portraits de ces femmes et de ces hommes qui soignent mais qui aussi se déchirent intérieurement ou entre eux, confrontés à une responsabilité trop vaste pour un être humain, comme de ces patients qui se révèlent à la fois uniques et insignifiants. C’est un roman sur les difficultés de l’empathie, et sa nécessité dans une médecine qui ne cesse de progresser techniquement mais, en même temps, de s’éloigner de la compréhension du réel.
Aude par Adriana Langer. Editions Valensin, 16 boulevard St-Germain, 75006 Paris.
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