Nombre d’entre nous se souviennent, vaguement ou avec précision, du livre Le Tour de la France par deux enfants, classé soigneusement dans une bibliothèque ou prenant la poussière dans un grenier. L’auteur, qui signait G. Bruno, a publié ce livre à succès en 1877. Il avait déjà publié, en 1869, un premier essai de livre scolaire, intitulé Francinet.
Le Tour de la France par deux enfants connut une réception exceptionnelle par le public sous la IIIe République. Le livre célèbre les valeurs de l’époque : devoir, patrie, progrès industriel… Sa réédition en 1977, à l’occasion du centenaire de sa parution, lui permit de dépasser les huit millions d’exemplaires vendus alors qu’en 1877, il était déjà vendu à trois millions d’exemplaires. C’est un succès sur le long terme pour des raisons évidemment différentes selon les décennies. S’il répond à un besoin civique en 1877, un siècle plus tard, il entre dans les champs de la nostalgie comme de l’histoire.
Michèle Dassas nous présente le véritable auteur de ce « Tour de France » devenu célèbre. Il s’agit d’une femme, institutrice, Augustine Tuillerie (1833-1923) qu’elle fait vivre pour nous dans un roman historique basé sur ses très nombreuses recherches dans les archives, les correspondances et des témoignages parfois inattendus. Elle a fait œuvre d’historien afin de nous plonger dans une France en pleine réforme intellectuelle et morale après les blessures profondes de 1870.
L’histoire d’Augustine commence par un mariage imposé et douloureux avec un homme qui lui rend la vie impossible et dont elle s’éloignera deux ans plus tard pour vivre avec Alfred Fouillé, philosophe et universitaire, d’abord en concubinage, en attente de la légalisation du divorce qui lui permit de l’épouser en 1885. Sa vie faite de joies et de tristesses fut toujours irriguée par la pensée et les valeurs qu’elle défendit dans ses manuels. Si celles-ci peuvent nous paraître désuètes et même étrangères, elles n’en sont pas moins constitutives de la France que nous connaissons et font partie d’un certain patrimoine culturel dont Michèle Dassas veut témoigner.
Destin de femme, travail d’écriture, histoire d’une France au quotidien constituent les matières de ce livre captivant.
« Après avoir bâti l’ossature de son histoire et recensé les différentes parties avec les thèmes à développer ainsi que les illustrations à fournir, Augustine écrit la préface qui va lui servir d’énoncé et l’aidera à maintenir le cap, tout au long de la rédaction des chapitres. A la manière d’un artiste qui jette une esquisse sur la toile, elle suggère les contours de son œuvre en devenir dans cette introduction en totale adéquation avec les consignes de l’Instruction publique de la IIIe République. Quant aux prénoms des deux personnages principaux, ils sont inspirés par ceux du père d’Alfred (Julien) et de son propre père (André). Doit-on y voir une allusion à leur couple et aux enfants qu’ils auraient pu avoir ? »
Deux lettres d’Augustine, disponibles en annexe, permettent de mieux comprendre sa démarche, ses objectifs et son engagement pour l’égalité des chances des enfants.
Augustine Tuilerie. L’histoire extraordinaire de l’institutrice aux millions d’élèves . Michèle Dassas
Editions Ramsay, 222 boulevard Pereire, 75017 Paris – www.ramsay.fr