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Brigades Internationales : levés avant le jour
Il y a 75 ans, le départ des volontaires. Par José Fort

Il y a 75 ans, 30.000 volontaires du monde entier (9000 Français) partaient défendre la République espagnole contre le putsch fomenté par Franco avec la complicité d’Hitler, de Mussolini et l’indifférence de Paris et de Londres. A la fin de ce mois d’octobre 2011, à Madrid, Albacete et Barcelone, les survivants de cette épopée vont commémorer cet anniversaire en compagnie de leurs enfants, petits enfants et leurs amis [1].

« Nous nous sommes levés avant le jour », aimait répéter le Colonel Henri Rol-Tanguy lorsque nous l’interrogions sur le rôle des Brigades Internationales (BI) parties défendre la République espagnole. « Nous avions compris, ajoutait-il, que partant défendre Madrid, nous défendions Paris et l’Europe de la menace nazi ». Les 9000 Français membres des BI (près de 3000 sont morts sur la terre espagnole) avec près de 30.000 volontaires venus de toute l’Europe, des Amériques et d’Asie n’ont pas seulement fait acte de courage et de solidarité. Ils ont fait preuve de lucidité alors que les puissances occidentales prônaient la « non intervention » tandis que Hitler, Mussolini et Salazar armaient les putschistes menés par Franco.

En février 1936, le « Frente Popular » remportait les élections avec 52% des suffrages. A l’époque, l’Espagne c’était 24 millions d’habitants dont 12 millions d’illettrés, 8 millions de pauvres, 2 millions de paysans sans terre, 5000 couvents, 110.000 prêtres, moines ou religieux, 800 généraux, une police sauvage. Au lendemain de la victoire électorale, le nouveau pouvoir républicain libérait les mineurs asturiens victimes de la répression de 1934 (5000 morts, 3000 blessés, 4.500 emprisonnés), augmentait les salaires, légalisait les occupations de terres non cultivées. La grande bourgeoisie et l’armée décidait alors, après avoir obtenu le
feu vert de Berlin, de mettre un terme à cette « révolution ». Le 18 juillet 1936, le signal était donné depuis le Maroc par Franco : « Dans toute l’Espagne, le ciel est sans nuages ». La majorité des officiers se ralliait au putsch.
A Londres, la City souhaitait une défaite de la République pour préserver ses placements dans les mines espagnoles qui fournissaient cuivre, tungstène et mercure et éliminer le jeune pouvoir « bolchévik » installé à Madrid. A Paris, la droite hurlant « plutôt Hitler que le Front populaire » s’enthousiasmait de l’aide massive en avions, mercenaires, blindés, armements lourds allemands et italiens à Franco alors que le gouvernement de Léon Blum se refusait à honorer les livraisons à la République espagnole d’armes pourtant déjà payées. La politique de « non intervention » des dites « démocraties » occidentales ouvrait les portes à une intervention directe des nazis et des mussoliniens dans les affaires intérieures de l’Espagne.

Les Brigades internationales ont surgi comme la réplique des démocrates du monde entier face à l’invasion fasciste. Le plus grand nombre passait par Paris. Après une visite médicale et un entretien d’incorporation venait le temps de prendre les différents chemins de la lutte : par le train à bord du célèbre Paris-Perpignan de 22h17, par camions vers Marseille ou directement mais par des routes discrètes vers la frontière espagnole. Au même moment, André Malraux achetait des avions et recrutait des pilotes pour former l’escadrille « España ». Malgré la « non intervention » des avions et des armes passaient de France en Espagne avec la complicité de quelques ministres (Pierre Cot avec Jean Moulin et Gaston Cusin). La Compagnie maritime France-Navigation créée par des militants communistes français avec à leur tête Georges Gosnat organisait des navettes entre l’URSS et l’Espagne. A bord, de l’armement lourd.

Les « volontaires de la liberté » étaient rapidement envoyés au front pour défendre Madrid. Quelques semaines avant l’entrée dans les combats des brigadistes, le ministre espagnol Martinez Barrio avait reçu André Marty et une délégation venue discuter des conditions d’envoi des volontaires étrangers. Il avait posé la question suivante : « Dans quelle condition voulez-vous participer à notre lutte ? » « Nous ne posons
aucune condition »
, avait répliqué Marty. « Nous ne désirons qu’une chose : que les Brigades internationales soient considérées comme des unités uniquement subordonnées au gouvernement et à ses autorités militaires ; qu’elles soient utilisées comme troupe de choc en tous lieux où ce sera nécessaire ». Les brigadistes seront envoyés sur les points les plus chauds. Ils auront un comportement héroïque face aux putschistes et à leurs complices allemands et italiens.

La Brigade internationale des Français sera la « XIV » dite « La Marseillaise » avec à sa tête Jules Dumont (fusillé par les nazis en 1943), Boris Guimpel, Jean Hemmen (fusillé en 1942), Putz (tué en Alsace fin 1944), Henri Tanguy qui ajoutera « Rol » (du nom d’un de ses copains tué en Espagne) et dirigera plus tard la libération de Paris. Les brigadistes seront de tous les combats jusqu’à la dernière grande bataille, la plus sanglante de toutes, la Bataille de l’Ebre. Et c’est en pleine bataille de l’Ebre que les Brigades internationales sont retirées par le Président espagnol Negrin qui pensait ainsi faciliter le départ les troupes allemandes et italiennes d’Espagne. Vaine illusion. Les jeux étaient faits. L’Angleterre et les Etats-Unis avaient déjà reconnu le régime franquiste dit de « Burgos ».

Le départ des Brigades internationales donna lieu à des adieux grandioses. Dolorès Ibarruri, « Pasionaria » prononça ce jour là un discours émouvant : « Mères ! Épouses ! Quand passeront les années et que seront cicatrisées les blessures de la guerre, quand le souvenir des jours douloureux et sanglants sera estompé dans un présent de liberté, de paix et de bien-être, quand les rancoeurs iront s’atténuant et que l’orgueil de la patrie libre sera également ressenti par tous les Espagnols, parlez à vos enfant, parlez-leur de ces hommes des Brigades internationales. »

Les Brigades Internationales dissoutes, beaucoup d’hommes n’ont pas pu rentrer dans leur pays. Nombreux ont trouvé refuge en France et ont été rejoints par 500.000 exilés espagnols fuyant Franco et les persécutions. Les autorités françaises de l’époque les ont parqués dans des camps comme ceux d’Argelès, le Vernet, Gurs, St Cyprien... D’autres se sont échappé, d’autres prendront le chemin des Amériques, d’autres encore rejoindront la Résistance à l’occupant nazi. De nombreux « Espagnols
rouges » marqués du triangle bleu d’ « apatrides » seront envoyés dans le camp de concentration de Mauthausen.

Les anciens de la guerre d’Espagne ont formé l’ossature des premiers groupes armés de la Résistance. Ils continuaient en France le combat commencé en Espagne en se levant « avant le jour ». Le 25 août 1944, les premiers blindés de la 2ème DB du général Leclerc portant les noms de « Madrid », « Teruel », « Brunete » entraient dans Paris. A bord, des républicains espagnols guidés dans les rues de la capitale par des résistants eux aussi espagnols et placés sous les ordres du chef de l’insurrection parisienne, le colonel Henri Rol-Tanguy.

Article publié dans « Vie Nouvelle ».

Voir également sur le site l’article de José Fort sur Dolores Ibaruri.

Notes :

[1Les Amis des Combattants en Espagne Républicaine, 16 Villa Compoint, 7517 Paris et sur internet tapez ACER


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