Hier, face au monument aux morts de ma commune, Creuzier le Vieux, je pensais à mon père, lieutenant dans les Francs tireurs et partisans, à ses frères, fils d’immigrés espagnols, tous résistants au nazisme, et plus particulièrement à mon oncle Emile, capitaine Michel, qui, la libération de l’Allier effectuée, rejoignit l’armée de De Lattre de Tassigny. Je pensais à toutes celles et à tous ceux qui, au prix de leur vie, ont lutté pour la liberté et pour un monde de paix plus juste, plus fraternel, plus solidaire. Et qui ont permis, en 1945,dans un pays dévasté par la guerre, la mise en place d’importantes politiques sociales, comme par exemple l’instauration de la sécurité sociale, ou économique avec les nationalisations de grands secteurs industriels et bancaires. Propositions qui étaient au cœur du programme du Conseil National de la Résistance, programme qui dans l’instant présent mérite une relecture tant il est d’actualité puisque qu’au delà des nombreuses propositions qu’il formulait il indiquait qu’il fallait mettre en place "une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général". Vous avez bien lu : « La subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général" !!!
Tout le contraire de ce que nous vivons aujourd’hui où l’intérêt des actionnaires, des spéculateurs et des plus fortunés priment sur l’intérêt général. Et cela avec l’aval de celles et ceux qui nous gouvernent qui, sans même parler du programme du Conseil national de la Résistance, tournent aussi le dos à la Constitution française de la 5éme république qui dans son préambule indique : "Le peuple français proclame solennellement sont attachement aux droits de l’homme et aux principes de souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789,confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946". Que disaient ces deux constitutions :
-Celle de 1789 dans son article 1er indiquait : "Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit"
-Celle de 1946 indiquaient notamment : "Chacun a le devoir de travailler et d’obtenir un emploi", "tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir propriété de la collectivité." "La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.",etc.
Je rajouterai à cela les différentes chartes et déclarations internationales signées par la France.
Comme par exemple la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui indique dans son article 23 : "Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale..." ou dans son article 25 : "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires..."
Comme également la Convention européenne des droits de l’homme adopté en 1950 à l’initiative du Conseil de l’Europe (à ne pas confondre avec l’Union européenne puisque le Conseil de l’Europe rayonne de l’Atlantique à l’Oural, projet cher au Général de Gaulle et comprend 47 Etats. Un Conseil de l’Europe dont l’action mériterait d’être réévaluée) et sa charte sociale européenne adoptée en 1961 et révisée en 1996 qui indique notamment : "Toute personne a droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale", "Tous les travailleurs ont droit à la dignité dans le travail", etc.
Que nous sommes loin dans la France de 2010 de la mise en œuvre de ces droits énumérés dans la Constitution et dans les conventions et chartes internationales signées par la France ! 8 millions de personnes vivent au dessous du seuil de pauvreté, 2 millions de travailleurs sont pauvres, 3,5 millions de personnes sont mal ou pas logées, des suicides au travail de plus en plus nombreux, etc. Et à l’autre bout de la société quelques dizaines de milliers de personnes qui vivent dans l’opulence et la richesse, bénéficiaire des largesses du capitalisme quand l’immense majorité de nos concitoyens en sont les victimes.
Et l’on nous parle d’un tour de vis supplémentaire pour les salariés, les artisans, les retraités, les sans emplois, etc. Nicolas Sarkozy met en application cette phrase d’Alphonse Allais : "il faut prendre l’argent où il se trouve, c’est à dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent mais il y a beaucoup de pauvres".
Bien sûr on disserte sur la crise financière et la mondialisation, sur la Chine et les USA et que face à cela il n’y a pas d’autres alternatives que de se serrer la ceinture pour retrouver de la « compétitivité ».
Vous avez dû noter comme moi que ces journalistes et ces économistes bien en cours, ces grands patrons, ces ministres et ces parlementaires qui, à longueur d’antennes, déversent leur idéologie libérale ne parlent à aucun moment,eux, de faire des efforts, par exemple de diminuer leur propre rémunération. Mais c’est connu les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Je me demande cependant si on ne devrait pas demander à ces apôtres de la rigueur de rendre public leur patrimoine et leur rémunération !!!
Les grands patrons et les spéculateurs peuvent dormir tranquille, ils n’ont rien à craindre de ce gouvernement. Et les références du "grand communicateur" Nicolas Sarkozy à Guy Mocquet et à la Résistance ne changent rien à cette réalité : Le Président de la République, par son action concrète, tourne le dos aux idéaux affirmés par le Conseil national de la Résistance. Il est entrain de refermer définitivement (les précédents gouvernements avaient déjà commencé à le faire) la parenthèse ouverte en 1936 avec le front populaire, qui s’était accélérée en 1945, de mise en œuvre de politiques publiques pour le plus grand nombre, en particulier pour les plus faibles. La grande bourgeoisie d’affaires qui dans sa grande masse avaient été exclue du champ politique à la Libération pour collaboration avec Pétain et les nazis se retrouvent désormais au cœur du pouvoir d’Etat.
Face à cette dégradation sociale et économique et à l’aggravation qui s’annonce, face au recul de civilisation qui se profile il est plus que temps de réagir. Comme cela a pu se faire dans les années 30 face à la grande crise et dans les années 40 face au nazisme. Certes les situations sont différentes mais l’expérience peut servir aujourd’hui.
Retour sur le Conseil national de la Résistance. Si son programme était extrêmement innovant pour l’époque, sa constitution l’était également puisqu’il regroupait tous les mouvements de résistance, les partis et les syndicats qui étaient dans la lutte contre le nazisme et le régime de Pétain. Par delà les différences et les divergences des uns et des autres, malgré les contentieux très puissants qui pouvaient exister, ils ont su les uns et les autres s’unir sur des objectifs communs et un programme à mettre en œuvre au lendemain de la Libération.
Dans une situation économique, sociale et politique aussi grave n’est-il pas temps de s’inspirer de l’exemple du Conseil national de la Résistance ? On ne va pas me dire qu’il est impossible que toutes les forces politiques, sociales, syndicales, associatives,etc qui se reconnaissent dans les valeurs de justice, de solidarité, de dignité humaine, d’égalité, d’équité, de laïcité, de citoyenneté, de paix et de coopération, ne se retrouvent pas pour construire du commun dans la riposte mais aussi pour une politique alternative au libéralisme ? L’heure étant grave il est temps de sortir de l’esprit de « chapelle », de cette atomisation mortifère pour notre démocratie. Je partage l’idée exprimée par certains de construire un nouveau Front populaire, mais cela doit se faire sans exclusive, ouvert sur toutes les forces de la transformation sociale qu’elles soient associatives, politiques et syndicales et bien entendu sans esprit de pouvoir. Par une telle démarche soyons en certains nous redonnerons espoirs à nos concitoyens.
Il est donc temps pour le politique de se tourner vers la société civile, de faire confiance à celle ci, de construire avec elle et d’arrêter de ne jurer que par l’élection présidentielle, simple expression d’une monarchie républicaine qui n’a rien à voir avec une démocratie citoyenne, indispensable pour faire face aux enjeux sociaux et économiques auxquels notre pays est confronté. L’avenir d’une Nation ne dépend pas d’un seul homme, ou d’une seule femme mais de la participation et de l’intervention de tous. C’est ce qui fait la force d’une Nation. Comme ont su le démontrer les forces de la Résistance il y a plus de 65 ans Malheureusement à droite comme à gauche, alors que l’orage dévastateur gronde au dessus de nos têtes certains sont déjà branchés sur 2012, année de l’élection présidentielle, preuve là aussi que pour un certain nombre d’homme et de femmes politiques l’ambition personnelle a remplacé l’intérêt général. Ayons le courage de remettre en cause l’élection au suffrage universel du Président de la République, monarque des temps moderne et de proposer une 6éme République solidaire et citoyenne faite par et pour le peuple ! Loin du règne des élites et des experts.
Décidément 65 ans après le Conseil National de la Résistance et son programme sont d’une extraordinaire modernité.
9 Mai 2010