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Faire de la langue française un bien vraiment commun
Eric Le Lann

Ce texte a été rédigé comme contribution à la convention nationale pour l’Art, la culture et l’Education populaire organisée par le PCF les 28 et 29 septembre 2018

Au travers de l’intitulé d’un atelier, « Histoire, langues, culture », les langues figurent à l’ordre du jour de cette convention. Certains y verront peut-être un sujet secondaire, tant sont nombreux les sujets brûlants qui préoccupent nos concitoyens.
Je rappellerai que le grand dirigeant communiste Palmiro Togliatti considérait la langue italienne comme "un élément important de la politique nationale" du PCI, selon des propos rapportés par Giulio Ceretti.

Si nous admettons cette idée que la langue est une affaire politique, et quelque part cela semble être le cas de toutes celles et ceux qui la mettent au rang des biens communs, reste à identifier quelle est l’idée communiste à mettre à l’ordre du jour, ici et maintenant. Les réponses sont sans doute multiples, mais pour ma part, j’en vois une : l’idée de réforme de la langue française, comme grand projet démocratique, ouvert sur le monde.

J’ai lu avec intérêt que l’un des animateurs de l’atelier, Pierre Boutan, avait écrit dans une de ses publications à propos de l’enseignement du français que « les pratiques d’enseignement relèvent, comme toutes les pratiques humaines, du domaine rationnel, et donc sont susceptibles de progrès ». Si c’est le cas de l’enseignement du français, pourquoi ne serait-ce pas le cas de la langue française elle-même ?

C’est pourquoi je ne suivrai pas François Taillandier qui expliquait dans l’Humanité au sujet du débat sur le prédicat que débattre du prédicat, c’est « pédaler dans sa propre choucroute », avec comme argument que « la particularité du français à l’école, c’est qu’il faut apprendre une langue que l’on parle déjà », concédant tout juste de ce point de vue une difficulté pour « certains enfants d’origine immigrée pour qui la chose est moins évidente, car ce n’est pas forcément la langue qu’ils entendent le plus chez eux ».

Evidemment, je prends cet exemple non pas pour qu’on se focalise sur le prédicat qui n’est pas le sujet de mon propos, mais pour interpeller. « Apprendre une langue que l’on parle déjà » ? Comment peut-on négliger à ce point les longs mois passés, gâchés, par les enfants et leurs professeurs à l’apprentissage des multiples variantes de transcription des sons, les inimbrables exceptions, à un moment crucial de leur développement intellectuel ? Comment ne pas comprendre que cela éloigne, décourage des enfants au départ enthousiastes, ce malgré les efforts et la passion des enseignants ? Comment ne pas voir que le travail sur ces scories se fait au détriment du temps passé sur des enjeux autrement plus important quant à la langue comme outil de structuration de la pensée ? Comment ne pas percevoir le rôle sélectif que joue la familiarisation des familles avec l’écrit acquise ou non au fil des générations ?

A ceux et celles qui douteraient de l’importance cet enjeu, je rappellerai l’exemple de la révolution chinoise : après 1949 une des transformations majeures entreprises fut la réforme de l’écriture chinoise, qui se traduisit par la simplification ou la rationalisation de plus de 1500 caractères !

J’ajouterai que cette question de la langue française peut mobiliser d’autres peuples, afin de faire vraiment de cette langue un bien commun. On peut ainsi riposter de manière offensive aux tentatives d’hégémonie de la langue anglaise, qui favorisent des dominations dans d’autres domaines.

Pour conclure, je suis persuadé que la réforme de la langue française est bien un enjeu social, politique et démocratique.


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