C’est un roman, une histoire terrible et belle, celle d’une femme confrontée dès l’enfance à la violence et qui trouvera en elle les forces nécessaires à sa reconstruction par l’art.
Il y a débord ce terrible constat des dégâts irréparables de la violence faite aux enfants qui les fait entrer dans le labyrinthe infernal de la réplication. Francesca, enfant, se heurtera à la violence parentale puis, adulte, à la violence conjugale.
Marie Maitre, à partir des témoignages de Francesca, introduit le lecteur dans le quotidien des enfants et des femmes battus, quotidien qui, rappelons-le, n’est pas exceptionnel mais commun. Elle met en scène la violence, la peur, le clivage, le mensonge, la soumission, l’addiction, la fuite, la culpabilisation, l’auto-agressivité, la destruction de toute estime de soi… Mieux qu’un énième rapport ministériel, elle rend compte au plus près, celui de la peau.
Le tableau est très noir, très réaliste mais, il court, tout au long du livre, parfois presqu’invisible, le fil de la vie qui s’affirme. Francesca devra traverser beaucoup de souffrances et de désillusions avant de saisir ce fil et d’en faire une colonne sur laquelle se réédifier. Ce fil est fait de petites rencontres, ici une infirmière, ou une éducatrice, là un capitaine de police… tous ceux qui, à un moment de sa vie, ont su l’écouter ou lui prendre la main, lui rappeler qu’elle n’était pas objet mais véritablement sujet de sa propre vie.
En s’accrochant à l’art, en se concentrant sur ses tableaux, en rencontrant un succès mérité, Francesca a changé le paradigme de sa propre vie et s’est offert un nouvel avenir.
« Le passé est le passé, dit-elle, mais il est vrai que les gens qui ont vécu des choses pas très drôles restent encore et toujours un peu fragiles, même si elles se sentent fortes. On peut toujours s’en sortir si on le désir au plus profond de soi. »
Toutes et tous n’ont pas l’opportunité de se retrouver dans l’art. Beaucoup ne se remettent jamais de la violence subie. Ce livre, plein de nuances et de respect, souvent bouleversant, mérite d’être lu, non seulement par tout un chacun, soucieux de l’autre, mais par ces institutionnels incapables de se remettre en cause et de proposer un réel compagnonnage à tous ces enfants, ces adultes, très souvent des femmes, pris dans le terrible engrenage de la violence. Il suffit parfois d’entrouvrir une porte pour qu’ils commencent à se retrouver et s’épanouir.
Francesca, de la douleur à l’envol. Marie Maitre. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France – www.oeildusphinx.com