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"Géopolitique des énergies" de Cedric Tellenne
la critique de Didier valette

Voilà un ouvrage pédagogique qui tombe à pic. Le monde est agité par la résurgence de conflits, jusqu’au retour d’une guerre froide, qui ont pour cause souvent les sources et les voix de l’énergie. Des ressources énormes y sont gâchées, des peuples martyrisés, les pollutions aggravées. C’est donc le grand mérite de C.Tellenne de nous rappeler que si l’énergie, moteur de l’histoire, est facteur de guerres et de dominations (celles des majors pétrolières et d’un état toujours à leur service, celui des États-Unis), elle peut être aussi vecteur de paix, de coopérations et d’un développement désormais pensé comme impérativement durable. Dans cette exigence grandissante d’une économie à terme décarbonée donc moins polluante et au service de l’humanité, on lui pardonnera de sous-estimer le poids de l’intervention des usagers, des travailleurs, des populations et des peuples, luttant pour l’accès sûr et à un prix modéré, aux énergies. Il reste objectif sur la réalité de cette nécessaire transition écologique bien lente. Attire aussi notre attention sur le fait que relever les multiples défis posés au monde, qui ne résument pas à la seule lutte contre le réchauffement climatique, nécessite des réponses diversifiées, reposant sur plusieurs énergies et usages. Ainsi le charbon, le pétrole et le gaz qui peuvent devenir moins polluants, sont loin d’avoir dit leur dernier mot. Un nucléaire civil, essentiel contre le réchauffement, est toujours de la partie. Des disruptions technologiques (hydrogène, fusion, captation du Co2) peuvent radicalement changer la donne. L’UE, durablement dépendante, coincée entre voisins autoritaires et hégémonie nord-américaine, divisée entre ses membres qui ont des politiques énergétiques différentes, n’a pas de réponse cohérente, pas de politique énergétique ; celle d’une concurrence dogmatiste affaiblissant dangereusement ses potentiels et entreprises. Et pire elle s’engage trop souvent dans des sanctions économiques et expéditions militaires qui ne régleront rien les questions géopolitiques posées. C.Tellenne nous dit cependant que le temps des privatisations et de la guerre commerciale, économique et énergétique, bref du néolibéralisme conservateur qui sévit depuis quarante ans, est peut être révolu. Evénements climatiques majeurs, tensions militaires redoublées, réapparition de pandémies meurtrières, sans un grand retour des états et leur coopération continentale et internationale, sans non plus faire cesser le pillage des ressources naturelles, marchés et multinationales auront, comme tous les acteurs, un avenir condamné. Une conclusion générale importante en ces temps de retour malsain des nationalismes, corporatismes et localismes : l’énergie se pense à l’échelle planétaire et ce qui se décide à ce niveau à des effets immédiats sur la vie, la santé et le travail quotidien des citoyens, usagers et salariés. Avec des grandes entreprises énergétiques internationalisées, toutes nationalisées encore dans les années 90 nous rappelle l’auteur, la France à une carte à jouer pour bâtir des coopérations mondiales (voire une gouvernance énergétique mondiale) porteuse de pacification des relations et respectueuses des ressources et potentiels des nations et de l’humanité. Charbon et chemin de fer (formes symbolique de l’énergie et de la communication) caractérisèrent la première industrialisation ; pétrole et automobile, la deuxième ; renouvelables et internet, la troisième en cours. De telles mutations dans le capitalisme, avec la concurrence, les privatisations, la spéculation effrénée, mais aussi et surtout les monopoles et les régimes autoritaires, engendrent crises, conflits et gâchis. Il y a urgence à les penser et à les mettre en œuvre totalement autrement. Il en va du devenir humain. Puisque désormais il est en notre pouvoir de modifier notre environnement global notamment par l’usage que nous ferons des énergies. Comparaison utile : 2 000 milliards de dollars, c’est ce que les états dépensent en armement par an, exactement ce qu’il faudrait pour la transition écologique.

Géopolitique des énergies. Cedric Tellenne. Collection repères, éditions la découverte. Février 2021


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