Le président de la République se targuera donc d’avoir donné une maison à notre langue. A cette occasion, un ancien candidat à l’élection présidentielle et un spécialiste se sont affrontés dans les colonnes du Figaro pour savoir si le français était ou non une langue « créole ». Qu’il s’agisse de cette maison ou de ce débat, qui rappelle un peu celui sur le sexe des anges, tout cela paraît bien futile à côté de la question de l’apprentissage du français par des millions d’enfants. Heureusement, cette question a été posée par un collectif de linguistes et d’enseignants dans une tribune intitulée « Il est urgent de mettre à jour notre orthographe » parue dans Le monde du 17 octobre 2023.
Que dit cette tribune ?
D’abord que selon les enquêtes internationales, « les pays francophones consacrent plus d’heures à l’enseignement de la langue maternelle que les autres, pour des résultats plus faibles ». « L’opacité de notre orthographe est en partie responsable. Et le temps passé à enseigner ses bizarreries et incohérences l’est au détriment de l’écriture créative et de la compréhension ».
C’est pourquoi « il est urgent de mettre à jour notre orthographe (…) l’idée n’est pas de tout simplifier ni d’écrire en phonétique mais d’améliorer le système graphique pour mieux l’enseigner ». Trois propositions suivent :
- « le premier pas serait d’acter la réforme de l’accord du participe passé, et d’accepter de le laisser invariable lorsqu’il est conjugué avec avoir, comme le prévoyait déjà l’arrêté du ministre de l’instruction publique, Georges Leygues, en 1900, comme le demande aujourd’hui la Fédération internationale des professeurs de français et le Conseil international de la langue française ».
- « le pas suivant serait de régulariser les pluriels en « s », en renonçant au « x » final qui résulte d’une erreur de copiste » (au Moyen Age).
- enfin, « la nomination d’une commission internationale, un collège des francophones, permettrait d’aller plus loin ».
Pour les signataires, « rationaliser ne signifie pas effacer l’orthographe mais la rendre un peu plus maîtrisable » car « le coût social de notre orthographe archaïque est devenu exorbitant ».
« En l’espèce, concluent-ils, la paresse et le moindre effort serait de ne rien changer ; l’exigence et la rigueur consiste à appliquer la réforme de 1990 et à la poursuivre, à l’instar des siècles passés, pour que chacun retrouve le plaisir d’apprendre et d’enseigner, de lire et d’écrire le français ».
Parmi les signataires figurent les linguistes renommés que sont Bernard Cerquiglini et Claude Hagège, mais aussi ceux du collectif des linguistes atterré(e), ainsi que des responsables d’associations de professeurs de français de plusieurs pays.
Une dernière remarque : cette tribune ne recoure pas au « point médian » (terminaison des mot é.e.s ou é.es), pris à tort comme la pierre d’angle de l’écriture inclusive, mais elle a été cependant signée par plusieurs linguistes à la pointe du combat pour la féminisation de la langue française. Leur lucidité mérite d’être soulignée.