Le Mouvement du 4 mai a été mené par des étudiants et intellectuels afin de protester contre les décisions prises lors de la Conférence de la Paix réunie à Paris entre janvier et août 1919.
Il est commémoré chaque 4 mai en Chine continentale et à Taïwan, sous des significations un peu différentes. En Chine, la Fête de la Jeunesse est célébrée ce 4 mai, tandis qu’à Taïwan, c’est la Fête de la Littérature. Depuis 2006, Hong Kong célèbre aussi le Mouvement du 4 mai 1919.
Durant le XIXème siècle, les puissances occidentales et le Japon ont imposé à la Chine des échanges commerciaux intense, allant à l’encontre des intérêts de la Chine. Ces échanges se sont traduits par des traités inégaux obligeant la Chine.
Les deux guerres de l’opium, la guerre sino japonaise de 1895, l’affrontement avec l’Allemagne en 1897 à la suite de l’assassinat de deux missionnaires allemands, la révolte des boxers en 1900, sont quelques uns des épisodes les plus marquants des échanges houleux entre l’Occident, le Japon et la Chine, toujours au détriment de l’empire du Milieu.
Ainsi, l’accès aux ports chinois, l’ouverture de comptoirs, l’octroi de concessions de chemins de fer, de mines, chaque incident était un prétexte à une guerre ou à un affrontement militaire, en vue de faire pression sur la Chine.
La Chine se présente donc très affaiblie à l’aube du XXème siècle. L’empire mandchou des Qing ne résiste pas à la vindicte populaire et à la volonté des élites de moderniser le pays (réforme des Cent jours), dont les fondations remontent à près de 4 000 ans.
En 1911, l’empereur est renversé et la République de Chine se crée un an plus tard, sur les décombres d’un système impérial devenu obsolète. Cependant, la situation au sein du pays reste très instable et les modes de gouvernement se succèdent.
La Chine entre en guerre en 1917 aux côtés des Alliés (Première Guerre mondiale 1914-1918). Cette guerre aura un lourd bilan économique, politique et humains, mais il aura aussi pour conséquence le démembrement de la Chine, dont les territoires auparavant aux allemands sont donnés au Japon.
La conférence de paix de Paris de 1919 est une conférence internationale, organisée par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale afin de négocier les traités de paix entre les Alliés et les vaincus.
La conférence débute le 18 janvier 1919 et se termine en août 1919, après 6 mois de discussions. Elle prépare le traité de Versailles qui sera signé en juin 1919.
Cette conférence se consacre à la disparition de trois empires, l’Empire allemand, l’Empire austro-hongrois et l’Empire ottoman, et la création de nouveaux États en Europe : renaissance de la Pologne, création de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie.
Le traité de Versailles est lui un accord de paix entre l’Allemagne et les Alliés à l’issue de la Première Guerre mondiale. Élaboré au cours de la Conférence de Paris, le traité est signé le 28 juin 1919.
Le traité annonce la création de la Société des Nations (SDN) et détermine les sanctions prises contre l’Allemagne et ses alliés. Les allemands ne sont pas présents au cours de la Conférence de Paris, et le pays est amputé de certains territoires et privé de ses colonies. De plus, l’Allemagne est astreinte à de lourdes réparations économiques et à d’importantes restrictions de sa capacité militaire.
En Asie, les prétentions japonaises entraînent en Chine une agitation nationaliste et anti-japonaise connue sous le nom de mouvement du 4-Mai, qui pousse le gouvernement chinois à refuser de ratifier le traité.
La République de Chine, bien que mentionnée parmi les parties contractantes, refuse donc de signer le traité, parce qu’il prévoit la cession à l’empire du Japon des droits allemands sur le Shandong.
D’ailleurs, durant la Première Guerre mondiale, le Japon tente d’établir sa suprématie coloniale sur le territoire chinois. En 1915, le gouvernement japonais présente à la Chine « 21 demandes » visant à faire du pays un véritable protectorat japonais.
En entrant en guerre aux côtés des Alliés en 1917, la Chine pense obtenir un siège à la table des négociations de paix, afin de freiner les ambitions coloniales japonaises.
La Chine espère également que les États-Unis, conformément à la politique de la Porte ouverte, lui offriront leur soutien. Mais lors des pourparlers de Versailles, le président Thomas Woodrow Wilson se désolidarise de la Chine.
Les anciennes possessions allemandes reviennent au Japon, provoquant immédiatement une indignation populaire. Des centaines de groupes, depuis les villes de Chine et les communautés chinoises d’outre-mer, envoient à Paris des télégrammes de protestation.
Pourtant durant une dizaine d’année, jeunes et intellectuels chinois recherchent en Occident des modèles et des idéaux pour réformer en profondeur la Chine.
Lorsque la nouvelle de ce cession arrive en Chine, la population est largement choquée par ce qu’elle juge comme une trahison du président Thomas Wilson. Un vaste mouvement de protestation antijaponais éclate, le 4 mai 1919, à l’université de Beijing et se propage dans tout le pays.
La colère est d’autant plus forte que le gouvernement chinois, alors dominé par la faction du Premier ministre de la République de Chine, Duan Qirui, est fortement soupçonné de corruption pour avoir reçu un prêt du Japon, par un traité secret conclu en 1918.
Le 4 mai 1919, 3 000 étudiants se réunissent pour manifester devant la porte de la place Tian An’Men. Ils diffusent un manifeste proclamant que « le territoire de la Chine peut être conquis, mais il ne peut pas être donné ! Les chinois peuvent être tués, mais ils ne peuvent pas être soumis ! Notre pays risque sa perte ! Citoyens, mobilisez-vous ! ».
Au cours de la manifestation, un fonctionnaire chinois pro-japonais est battu chez lui et la maison d’une autre personne est brûlée. La policée intervient. Bilan : un mort et plusieurs arrestations.
Outre le Traité de Versailles, les nationalistes chinois dénoncent l’ensemble des prétentions japonaise, symbolisé par les « 21 demandes », visant à accroitre et à pérenniser la domination japonaise sur la Chine.
La manifestation étudiante entraîne de forte réaction nationaliste à travers le pays. Les marchands décrètent le boycott des produits japonais et une grève générale est déclenché à Shanghai. Elle finit par paralyser toute l’économie du pays.
Devant l’agitation étudiante de plus en plus importante, les Seigneurs de la guerre au pouvoir à Beijing emprisonnent 1 150 meneurs, avant d’être obligé de les relâcher sous la pression populaire.
Guidés par de jeunes intellectuels progressistes, les étudiants dénoncent également le poids des traditions, le pouvoir des mandarins et l’oppression des femmes. Ils sont favorables à la modernité et aux sciences nouvelles. Ils veulent également que le Beihua, langue chinoise moderne, remplace le chinois littéraire comme langue officielle et langue de l’enseignement.
Le Mouvement du 4 mai pousse le gouvernement à refuser de signer le traité de Versailles. Même si il n’a pas d’effet sur les puissances impérialistes occidentales, le mouvement marque l’émergence d’une conscience patriotique, opposée aux Occidentaux, aux Japonais, et à l’abolition de l’empire mandchou.
Le mouvement a fortement contribué au développement de la pensée marxiste en Chine ainsi qu’au fondement idéologique du PCC. D’ailleurs, plusieurs personnalités politiquent, comme Chen Duxiu ou Li Dazhao, sont poussés par le Mouvement du 4 mai à adopter des positions de plus en plus à gauche. Ces militants fonderont en 1921 le Parti Communiste Chinois, dans le but de régénérer la Chine.
Le mouvement du 4 mai renforce le « Mouvement de la nouvelle culture » (1915-1921) qui avait commencé quelques années avant 1919. Un nationalisme moderne s’affirme, il y a une remise en question de l’héritage culturel chinois confrontée à la civilisation occidentale et au rejet du confucianisme, symbole de la culture traditionnelle et du passé chinois. La Chine, dominée par l’impérialisme, veut reconquérir son indépendance.
Dès 1915, un jeune intellectuel Chen Duxiu (1879-1942) lance la revue Nouvelle Jeunesse qui contient diverses prises de position en rupture avec la tradition : critique du confucianisme, appel aux valeurs de la jeunesse, soutien à l’espéranto, etc.
Ils abordent des questions de société et traite de débats économique, politiques et sociétaux. Les idées parmi les étudiants sont : la coopération, la vie commune, l’union du travail et de l’étude. Ils se montrent favorables à la modernité et aux sciences nouvelles.
Les intellectuels, pionniers du mouvement
Deux hommes émergent de ce mouvement : Chen Duxiu et Li Dazhao. Le premier a reçu une formation à l’étranger et souhaite introduire en Chine ses connaissances. Il est à l’initiative de la revue Nouvelle Jeunesse et appelle, au contraire, à la rébellion et à la lutte contre les conservateurs et critique le confucianisme.
Li Dazhao, de son côté, est inspiré par les éléments du marxisme. Un troisième homme est parfois cité : Hu Shi. Il réclame que la langue parlée Baihua) soit pratiquée, et non plus la langue écrite (wenyan). La langue parlée va donc remplacer le chinois littéraire comme langue officielle et langue de l’enseignement. Ce changement acte cette « révolution littéraire ».
En recommandant l’adoption de la langue parlée, le but social était de rendre les œuvres littéraires accessibles à tous, impliquant un renouvellement de la littérature, des genres et des styles.
Le Mouvement pour la Nouvelle culture passait aussi par des idées comme l’importance de la science dans les études techniques, la démocratie, les droits du travail contre le capitalisme, l’émancipation des femmes.
En même temps, la croissance de l’industrie dopa celle des centres urbains, où la population bénéficia d’un meilleur accès à l’éducation. Les journaux se multiplièrent. Il y a eu la création du Commercial Press à Shanghai, ou bien le « mensuel de la nouvelle » (ou de la littérature de fiction).
Le journaliste dénommé Shen Dehong, nom de plume Yanbing, qui par la suite a pris le surnom désormais célèbre de Mao Dun fut chargé d’une rubrique inédite intitulée « la nouvelle vague de la littérature de fiction ». En outre, il devint l’organe officieux de la première société littéraire chinoise moderne : l’Association de recherche littéraire, créée en 1921 à Pékin.
Dans les années qui suivirent, une floraison de nouvelles sociétés littéraires émerge avec pour objectif de publier livres et revues pour leurs membres, dans une atmosphère riche en débats et controverses.
Au total, il y avait en 1925, dans toute la Chine, plus de cent nouveaux journaux littéraires qui publiaient les œuvres des jeunes auteurs, œuvres de création, mais aussi de théorie et de polémique, ainsi qu’une foule de traductions d’auteurs américains, russes, européens et japonais dont l’influence fournissait des techniques et modèles nouveaux pour l’écriture narrative.
L’écrivain le plus remarquable des années 1920 était Lu Xun (1881-1936). Après avoir étudié les sciences, il publia le Journal d’un fou dans la revue La Jeunesse.
Chine Magazine | Avr 21, 2019