« L’avenir du théâtre, c’est la philosophie », disait Brecht. En tout cas, la carrière de bon nombre de femmes et d’hommes de théâtre ont commencé par la philosophie, son enseignement. Pourquoi ? Il faudrait un jour se poser la question. Mais alors sans doute retournent-ils la proposition brechtienne. Au fond, peut-être qu’une proposition retournée, c’est encore la même proposition.
Jacques Bellay n’est pas l’exception qui confirme la règle (allons-y ! brechtisons à tout vat !) Cet enseignant à l’Université Paris VIII, département Théâtre, ancien élève de l’Ecole Jacques Lecoq, est titulaire d’une licence en philosophie, d’un DES et d’un CAPES (je fais court).
Il travaille avec Daniel Benoin à la comédie de St Etienne et le suit à Nice avec la troupe des comédiens permanents. Il y trace un parcours atypique. Et on le voit dans le choix des textes – ou plutôt des auteurs pour ses mises en scène. Il y a un rapport direct au conte, au mythe, à la réflexion philosophique :Kafka avec Cage d’après Rapport à une Académie, Jonathan Swift So sweet Swift, d’après Les Voyages de Gulliver, St Exupéry, Le petit prince, Jules Verne Jules Verne, l’homme électrique, Cervantès Don Quichotte ou les ingénieux.
Et le revoici pour la mythologie des mythologies : L’Iliade . Ou plutôt un travail à partir de la version de Alessandro Barrico, qui éloigne la référence aux dieux pour nous rendre plus proche ces héros. La mise en scène s’articule autour de 4 données : les deux comédiens, Patricia Thévenet et Jacques Bellay et les deux éléments de la scénographie (Jean Pierre Laporte), sur scène, comme des statues, des armes antiques comme un musée imaginaire, en fond de scène, des miroirs, dont l’inclinaison change au cours de la pièce. Avant que la pièce ne commence, dans la petite salle Michel Simon du Théâtre National de Nice, nous nous y reflétons : sommes nous l’armée grecque attendant devant les murs d’Ilion ?
Patricia Thévenet et Jacques Bellay, sur scène occupent un judicieux partage entre le rôle de récitant et celui de personnage du récit, plus que de jouer Achille, d’Ulysse, d’Hector… il s’agit d’un travail subtil de passage vers la figure de Achille, d’Ulysse, d’Hector… Et pour cela il va y avoir un travail de symbolisation quand les deux acteurs s’emparent des figures de ce musée imaginaire. Grace à ce travail inventif, aidé par la régie lumière d’Alexandre Toscani, nous nous trouvons en réelle syntonie avec le merveilleux du récit homérien. Il ya a – comme toujours chez Jacques Bellay – une intelligence du texte à travailler et une finesse de la mise en page.
Jacques Bellay me disait : "Ce qui est très touchant, pour l’Iliade, c’est de penser que ce texte, l’un des premiers de la civilisation occidentale, soit encore étudié dans les collèges, en classe de 6ème, de 5ème …Ce qui montre une continuité de la civilisation occidentale extraordinaire. Nous sommes tellement proches, au fond, de ces gens qui étaient tellement loin dans le temps."