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"L’écologie politique du commun du peuple", de Jacques Bidet
La critique d’Eric Le Lann

Jacques Bidet continue inlassablement de tracer son sillon pour aller au-delà de ce qu’il appelle le « marxisme commun ». Dans ses précédents ouvrages, il distinguait notamment deux pôles dans la classe au pouvoir, le pôle capital et pôle compétence, et invitait à considérer la lutte de classe comme un jeu à 3, où la classe dite « fondamentale » peut rechercher une « alliance-lutte » avec le pôle compétence.

Jacques Bidet poursuit ce travail dans son dernier livre en le confrontant aux enjeux écologiques, visant à démontrer que « ce sont les dominations de classe, de nation et de genre qui constituent, en dernier ressort, les moteurs de la destruction écologique », qu’en conséquence « seules les luttes d’émancipation sont susceptibles protéger la nature ».

Côté « pouvoir-capital », il rappelle que « le capital ne vise pas les valeurs d’usage, mais exclusivement le profit », « la pointe de l’ analyse de Marx est donc ici que le « capitalisme » est intrinsèquement pervers, puisqu’il est strictement indifférent à l’utilité sociale et à l’ordre écologique ». Côté « pouvoir-compétence », il considère qu’il y a une « pulsion compétente à la grandeur ».

Parmi les multiples thèmes abordés, signalons l’intérêt des pages sur les notions de désir et de besoins. Ces derniers « dérivent de la complexification de la vie sociale, laquelle n’est pas le seul fait de la logique du capital, et encore moins de son génie supposé, mais d’un enrichissement en valeurs d’usage, qui tient à la mise en œuvre de l’intelligence humaine à travers des institutions publiques autant que privées ». Il rappelle que Marx « a parlé, en positif, de la société moderne comme d’une « société riche en besoins » ». Renvoyant à son ouvrage Marx et la loi-travail, il insiste : « C’est là un point central de la biopolitique de Marx. On sait comment il se décline : la « vie normale » ( journée de travail limitée, congés, retraite et salaire approprié) est la condition de la « vie bonne » (santé, sureté, information, loisir, culture, ouverture au monde...). Cet élan civilisationnel vient de loin ; et, depuis plus d’un demi-siècle, une multitude de mouvements et d’ associations contribuent à l’ amplifier. Quant au besoin de « démocra-
tie » – le besoin le plus essentiel, seul capable d’ assigner leur place à tous les autres –, il est par essence un besoin
populaire,... »

Pour l’auteur, c’est surtout « du côté des peuples du Sud » qu’il faut chercher les forces à même de répondre aux périls écologiques, « la logique des « communs du peuple » du Sud, qui sont encore plus dépourvus de privilèges que ceux du Nord, les conduit à s’ appuyer sur les premiers éléments d’étaticité mondiale dotés d’une légitimité suffisante pour énoncer des critères écologiques internationaux, c’est-à-dire sur les instances de l’ONU, où les nations plus faibles l’emportent par le nombre, en même temps que sur des ONG mondiales porteuses d’exigences universelles. Mais elle les invite à compter d’abord sur eux-mêmes.... ».

Article paru dans l’Humanité, le 3 février 2022

L’écologie politique du commun du peuple . Jacques Bidet. Editions du Croquant. 20 euros


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