Extraordinaire témoignage sur la défaite de 1940 de cet historien cofondateur de l’école des Annales avec Lucien Febvre, engagé volontaire au grade de capitaine d’Etat Major. Qu’on en juge.
"Je ne prétends nullement écrire une histoire critique de la guerre, ni même de la campagne du Nord. Les documents pour cela ne manquent, et aussi, la compétence technique. Mais il est, dès maintenant, des constations trop claires pour qu’on hésite à les formuler, sans plus attendre. Beaucoup d’erreurs diverses, dont les effets s’accumulèrent, ont mené nos armées au désastre. Une grande carence, cependant, les domine tous. Nos chefs ou ceux qui agissaient en leur nom n’ont pas su penser cette guerre. En d’autres termes, le triomphe des Allemands fut, essentiellement, une victoire intellectuelle et c’est peut-être là ce qu’il y a eu en lui de plus grave. (...)
Nous n’avons pas seulement tenté de faire, pour notre part, une guerre de la veille ou de l’avant-veille. Au moment même où nous voyions les Allemands mener la leur, nous n’avons pas su ou pas voulu en comprendre le rythme, accordé aux vibrations accélérées d’une ère nouvelle. Si bien, qu’au vrai, ce furent deux adversaires appartenant chacun à un âge différent de l’humanité qui se heurtèrent sur nos champs de bataille. Nous avons en somme renouvelé les combats, familiers à notre histoire coloniale, de la sagaie contre le fusil. Mais c’est nous, cette fois, qui jouions les primitifs".
A lire absolument...
L’étrange défaite de Marc Bloch. Folio Gallimard