La question posée par Yves Bannel en 2016 devient d’une cruelle actualité. Jean Paul Escande, dans sa préface, à l’ouvrage note que « L’humanisme aujourd’hui doit redevenir un combat. » mais, a-t-il jamais cessé de l’être si ce n’est dans une illusion bien occidentale ? L’humanisme ne relève-t-il pas du combat et de la vigilance permanents ?
« Si de nos jours, écrit Yves Bannel, l’humanisme est essentiellement considéré comme un idéalisme optimiste qui situe l’homme au-dessus de tout, il doit néanmoins se protéger de nouveaux asservissements. Car se construire hors toute référence surnaturelle, suppose la capacité à intérioriser des valeur capables de transcender l’humain. »
Il observe la disparition progressive de l’humanisme traditionnel face au développement des technosciences, du mercantilisme et de l’individualisme et avance la nécessité d’un nouvel humanisme à construire.
« Je ne sais, ajoute-t-il, si notre humanisme s’effondre comme tant de personnes le disent et le pensent avec plaisir ou effroi. Mais deux choses sont claires. La première, c’est, pour paraphraser Baudrillard, que notre humanisme s’est dissout dans sa propre parodie, qu’il fabrique du vide, et se complait à éviter les réalités dérangeantes sous l’influence du politiquement correct. Et la seconde c’est que dans notre humanisme il y a quelques perles qu’il faut absolument sauver, et qu’à cette fin il est urgent de faire un inventaire des fondements humanistes de notre société et culture, et de chercher les pistes pour une nouvelle intelligence de notre époque. »
Comme toujours, Yves Bannel ne se contente pas de dresser un constat lucide d’une situation détériorée, il cherche des réédifications possibles.
Face à l’échec politique du progrès et l’échec de la raison, il propose de relever trois défis : « le combat pour les libertés – un regard critique sur le monde moderne ou postmoderne – une attitude autonome et libre face à la vie ».
Il identifie six points névralgiques de ce début de millénaire à prendre en compte : « la perte du sens – les croyances – l’appartenance et l’identité – la violence – le libre arbitre – la fin des illusions modernes (religieuses, scientifiques, politiques) ». Il distingue trois violences, l’une issue d’une mondialisation déstructurante qui porte atteinte aux identités et aux systèmes traditionnels, la violence sociologique propre aux minorités et la violence culturelle.
Yves Bannel insiste, et c’est nécessaire, sur les valeurs intangibles de l’humanisme : la liberté, la fraternité, la vérité, valeurs qui demandent à être interrogées, approfondies, cernées et finalement libérées des préjugés par le choix conscient.
Après avoir réfléchi à la question spécifique de la laïcité et du cadre propice qu’elle propose, après avoir examiné les enjeux et les risques de « l’homme augmenté », après s’être demandé si la pensée devait être subversive, il invite à participer au vaste chantier qui s’offre à nous : restaurer un humanisme qui peut « éclairer, expliquer, accompagner et sublimer ».
« C’est un humanisme modernisé qui permettra d’actualiser les codes moraux hérités des tables de la loi, pacte humain qui pendant des millénaires a permis la coexistence entre les êtres humains et les diverses formes de vie sur la planète : nul besoin de nouveaux mythes et symboles si nous savons interpréter les anciens avec l’œil de la modernité. C’est ce nouvel humanisme qui réinscrira l’utopie du cyborg dans la mortalité du vivant et accompagnera spirituellement et philosophiquement la révolution anthropologique annoncée par l’accélération technologique. »
Le pari de l’humanisme se doit d’être relevé, non qu’il soit une réponse en soi aux difficultés, confusions, désastres présents et à venir, mais plutôt un générateur de réponses créatives.
L’humanisme reste-t-il un concept d’actualité ? Yves Bannel. Editions Télètes, 51 rue La Condamine, 75017 Paris.