Dans quelques jours, le 10 février, Israël élira ses nouveaux dirigeants au cours d’élections législatives. Les trois principaux candidats sont Tzipi Livni du parti Kadima (le parti d’Ariel Sharon), Ehoud Barak du parti Travailliste et Benjamin Netanyahou du Likoud.
Avant la « guerre » de Gaza, il y avait deux chevaux dans la course : Livni contre Netanyahou, avec pour ce dernier des sondages lui donnant une bonne marge d’avance. La course est passée à trois chevaux grâce à la « guerre » de Gaza lancée par Livni et Barak. Barak a vu gonfler son score et il est à nouveau dans la course. Même s’il n’est pas élu, son parti obtiendra sensiblement plus de sièges qu’il ne l’escomptait il y a quelques mois.
Mais le favori a toujours été Benjamin Netanyahou et il reste, aux yeux de la majorité des journalistes israéliens (Gideon Lévy, de Haaretz) ou des militants (Jeff Halper de l’ICAHD), le plus que probable futur Premier ministre.
Le monde espère que cette élection sera aussi « régulière et démocratique » (comme l’ont dit Jimmy Carter et la plupart des observateurs internationaux) que les dernières élections palestiniennes qui ont eu lieu en 2006 et qui furent gagnées à une large majorité par le Hamas.
Nous savons ce qui s’est produite ensuite. Pour la faire courte, rappelons qu’Israël et la majorité de la communauté internationale ont refusé de reconnaître le Hamas comme un parti légitime et ont ensuite refusé de reconnaître le gouvernement d’unité nationale nouvellement formé (en mars 2007).
Abbas, dont le but a toujours été d’être reconnu par les Etats-Unis et Israël, a chassé le Hamas du gouvernement pour en former un nouveau avec pour Premier ministre Salam Fayyad, politicien et économiste made in USA. Une guerre préventive a été lancée par le Hamas contre le Fatah et les milices dirigées par Mohamed Dahlan et appuyées par Israël et les Etats-Unis, et le Hamas a « pris le contrôle » de la Bande de Gaza.
Même s’ils ont réagi par de l’étonnement et en condamnant fermement ce coup, les Etats-Unis et Israël avaient atteint un de leurs objectifs à long terme en Palestine. La stratégie du « diviser pour régner » (stratégie employée avec un grand succès par les Etats-Unis au cours de leur histoire) était de retour avec une Cisjordanie devenant le territoire de la respectable (comprenez : collaborante) Autorité Palestinienne et Gaza transformé en un Hamastan islamique et malfaisant.
S’en est suivi un blocus israélien - internationalement soutenu - de la Bande de Gaza et, encore une fois pour la faire courte, la « guerre » de Gaza a été lancée en décembre 2008 par Israël. Nous voilà aujourd’hui 1300 Palestiniens tués et 5000 blessés plus tard. Mais pourquoi tout ceci a-t-il eu lieu ? Quelle a été la raison officielle donnée par Israël et la communauté internationale pour ne pas reconnaître le Hamas ? La raison avancée était que le Hamas refusait de reconnaître Israël et qu’il avait une Charte appelant à la destruction de l’Etat juif.
Tout le monde (politiciens et dirigeants des groupes de médias) ont accepté cela sans poser quelques questions importantes. Quel Israël le Hamas devrait-il reconnaître ? Israël n’a pas encore déclaré quelles étaient ses frontières. Le Hamas devrait-il reconnaître l’Israël de 1948 ? L’Israël de 1967 ? L’Israël de 2009 avec son mur de l’apartheid, ses colonies (la construction y a augmenté de 60 pour cent en 2008, l’année du « Processus de Paix » d’Annapolis - selon un rapport de La Paix Maintenant), avec ses citoyens arabes de seconde classe et avec l’annexion de Jérusalem-Est ?
Tout observateur avisé aurait aussi pu faire objection en rappelant que le Hamas (par la voix de Haniyeh et de Meshal) a dit à plusieurs reprises qu’il était disposé à accepter Israël comme entité politique à l’intérieur des frontières de 1967. Il ne vous faut pas chercher beaucoup pour cela : cela a été énoncé, entre autres, dans le Guardian et le Washington Post, ce qui signifie qu’en acceptant une solution à deux Etats, le Hamas est maintenant aligné sur l’essentiel de la communauté internationale.
Une autre question n’a cessé de revenir. Il nous faudrait entendre que le problème réside dans la Charte du Hamas. Quoi que Meshal ou Haniyeh pussent être disposés à accepter, la Charte revenait les hanter en permanence. Mais qu’en est-il de la Charte du Likoud ? Avec Netanyahou et son parti de droite prêts à accéder au pouvoir, il est juste de chercher à en savoir un peu plus à leur sujet.
Le chapitre « Paix et Sécurité » de la plate-forme du Likoud, un document récent (1999), commence par déclarer : « La paix est un objectif premier de l’Etat d’Israël. Le Likoud renforcera les accords de paix existants avec les pays arabes et s’efforcera d’aboutir à des accords de paix avec tous les voisins d’Israël, dans le but d’arriver à une solution globale du conflit arabo-israélien ».
Mais alors, à propos des colonies, il poursuit ainsi : « Les communautés juives de Judée, Samarie et Gaza sont la réalisation des valeurs sionistes.
La colonisation du pays est l’expression claire du droit irréfutable du peuple juif sur la Terre d’Israël et constitue un atout important dans la défense des intérêts vitaux de l’Etat d’Israël. Le Likoud continuera de renforcer et de développer ces communautés et il empêchera leur déracinement ».
Voilà dès lors anéanti tout espoir d’une solution à deux Etats.
A propos de l’autonomie palestinienne, le texte dit ceci : « Le gouvernement d’Israël rejette catégoriquement l’établissement d’un Etat arabe palestinien à l’ouest du Jourdain. Les Palestiniens peuvent mener leur vie librement dans le cadre d’une autonomie mais pas en tant qu’Etat indépendant et souverain. Ainsi par exemple, en matière d’affaires étrangères, de sécurité, d’immigration et d’écologie, leur activité sera limitée pour se conformer aux impératifs de l’existence d’Israël, de sa sécurité et de ses besoins nationaux ».
Anéanti cette fois tout espoir de voir un Etat palestinien souverain.
Sur Jérusalem : « Jérusalem est la capitale éternelle et unifiée de l’Etat d’Israël et seulement d’Israël. Le gouvernement rejettera catégoriquement les propositions palestiniennes de division de Jérusalem, y compris le plan de partage de la ville qui a été présenté au Parlement israélien par les factions arabes et soutenu par de nombreux membres du parti Travailliste et du Meretz ». Voilà qui anéantit toute chance de futures négociations de paix puisque Jérusalem-Est comme capitale d’un futur Etat palestinien est une question non négociable pour n’importe quel Palestinien.
Nous avons par conséquent établi que la Charte du Likoud ne reconnaissait pas la Palestine et n’acceptera pas un Etat palestinien souverain. La toute prochaine non reconnaissance du Likoud par la communauté internationale et la mise en place d’un blocus contre Israël ne devrait dès lors pas apparaître comme une surprise pour les Israéliens.
Texte publié par The Comment Factory, 30 janvier 2009
Voir également sur le site des extraits de la Charte du Hamas.