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La Chine au XXème siècle, d’Alain Roux
Par Eric Le Lann

Voici quelques faits qui figurent parmi bien d’autres, commentés et expliqués, dans le livre d’Alain Roux La Chine au XXème siècle qui nous aident à mesurer le chemin parcouru par la Chine en quelques décennies :
- la grande famine de Chine du nord en 1877-1878 tue plus de 9 millions de personnes ; lors de celle de 1928, au paroxysme de la guerre civile, alors que Jiang Jieshi et les seigneurs de guerre se livrent à des combats furieux, il meurt dans la même région, deux millions de personnes et plusieurs millions d’autres émigrent vers les villes
- à Shanghaï, la Bande Verte, société secrète, a ses bases dans la concession française. En mai 1925, le consulat de France passe un accord secret : seule la Bande Verte peut commercialiser l’opium dans les fumeries patentées de la concession. La police française opère des saisies dans les fumeries des concurrents et reçoit en récompense une coquette somme d’argent. Le consul et les principaux agents consulaires ne sont pas oubliés dans la distribution
- vers 1930, on estime que la Chine compte 20 millions de bandits, soit 10% de la population masculine totale, on parle d’elle comme de la "terre des bandits"
- en 1937, face à l’agression japonaise, pour ralentir la progression des troupes, l’aviation nationaliste fait sauter les digues du fleuve jaune, ce qui inonde la plaine sur 5 200 000 hectares. Quatre millions de paysans doivent fuir, tandis que 893 000 personnes meurent noyées...

De fait, la fin du XIXème siècle et la première partie du XXème ont été marquée par la lente décomposition de l’Etat et de la société. Pour Alain Roux, "jadis centre civilisateur rayonnant sur toute l’Asie orientale, l’Empire du Milieu a raté le rendez-vous de la révolution industrielle et n’est plus qu’une province déshéritée du monde moderne". Il ajoute : "Pourtant à la fin du XXème siècle la Chine est redevenue une grande puissance. Le développement économique est spectaculaire. Les réformateurs chinois de jadis se fixaient comme objectif le fu-qiang, c’est-à-dire la richesse (collective) et la puissance (militaire). Ce développement dans l’indépendance, ce rattrapage sur un retard dramatique semblent en passe d’être atteints. Le déficit de modernité est presque comblé".

Quelques chiffres aident à percevoir cette réalité dans toute son ampleur : "La Chine a produit, en 2004, 85% des tracteurs du monde, 75% des montres, 70% des jouets, 60% de la pénicilline, 55% des appareils photos, 50% des ordinateurs portables, 29% des climatiseurs, 15% de l’acier, pour ne rien dire des 65% des souris d’ordinateurs, 22% des parapluies, 40% des vêtements de cachemire, 30% des cravates, 80% des boutons et fermetures éclairs, 50% des chaussures... La Chine est devenue l’atelier du monde et a contribué largement, avec l’Inde, à la hausse considérable des prix de l’acier, du ciment, du charbon, du pétrole dont elle est le premier ou le second importateur". Ce modèle de croissance est caractérisé par une inscription marquée dans les échanges mondiaux : le degré d’ouverture de l’économie chinoise (obtenu en rapportant la demi-somme des importations et des exportations rapportée au PIB) est de 40%, contre 16% en moyenne pour l’Inde et le Brésil. Au passage, Alain Roux montre à cet égard que la sous-évaluation du yuan est un élément clé de la politique économique chinoise et mets en évidence l’interdépendance entre la Chine et les Etats-Unis : "On aboutit à un étrange équilibre : un effondrement de la Chine (ou du Japon) serait un désastre pour les USA, car elle (l’économie américaine) a besoin de ces achats de bons du trésor pour combler son déficit commercial abyssal dont le tiers provient du commerce sino-américain. Réciproquement, un krach de l’économie américaine entraînerait un krach de l’économie chinoise !"

Alain Roux analyse les étapes, et parfois les errements tragiques (on pense au désastre effroyable du Grand bond en avant dans les campagnes, aux persécutions de la Grande révolution culturelle prolétarienne dans les villes), de la transformation du pays avant d’en arriver là. Il évoque les évolutions du Parti communiste chinois, les confrontations qui ont marqué son histoire, et les contradictions du mouvement de la société actuelle. Il le fait avec sérieux et modestie. Regrettons cependant la faible place accordée à la politique démographique et à ses résultats, qui paraît pourtant constituer un élément majeur du tableau. La lecture de ce livre n’en reste pas moins indispensable.

La Chine au XXème siècle, Alain Roux, 2006, éditions Armand Colin


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