Un état des lieux et une mise en perspective du développement chinois sous l’œil affuté de l’économiste de la régulation. Entretien publié dans Le nouvel économiste
Mieux qu’un décryptage, c’est à un véritable voyage dans la pensée stratégique chinoise que nous convie ici Michel Aglietta, en avant-première de la publication de son prochain ouvrage. Maîtres dans l’art de manier les contraires, les Chinois ont utilisé la crise qu’ils ont durement ressentie pour mieux rebondir et accélerer la mise en place d’un nouveau modèle de croissance… durable. Et il en est persuadé : d’ici une dizaine d’années, la Chine aura réalisé des résultats spectaculaires sur la voie du développement durable. Elle ne sera plus ce pays pollueur et exploiteur que nous croyons connaître aujourd’hui. Face à cela, quelle attitude doivent adopter les Occidentaux à l’égard de cette Chine nouvelle ? Michel Aglietta, l’économiste, n’hésite pas à se faire plus politique, recommandant de jouer la partie sereinement et tranquillement avec les Chinois. “Faisons des Chinois nos alliés parce nous partageons avec eux les mêmes objectifs à long terme. La crise nous a invités à penser le monde de façon radicalement différente et l’approche chinoise peut nous y aider. Ce serait suicidaire pour les Occidentaux de ne pas l’accepter.”
“En matière de réflexion stratégique, les Chinois ont une avance décisive sur les Occidentaux. Ils sont convaincus de la nécessité de transformer de fond en comble leur régime de croissance. Ce dernier, fondé sur les exportations en direction des consommateurs occidentaux – principalement américains -, n’a plus d’avenir en raison de l’effondrement du crédit. Or là où les Chinois envisagent des changements radicaux, nous continuons à croire que la crise n’est qu’un mauvais moment à passer. Alors que le défi est le même : réinventer un modèle de croissance. Les Chinois ont utilisé la crise comme un levier pour accélérer leur mutation et ils avancent, non sans difficultés, tandis que nous, nous piétinons. Bien plus que le soutien conjoncturel de la croissance, la Chine est en train d’élaborer un nouveau modèle de croissance basé sur l’urbanisation car c’est dans les villes que l’on trouve les classes moyennes qui consomment. Or une telle mutation se gère nécessairement sur une dizaine d’années et non pas au trimestre. En chinois, le mot crise signifie “capacité de capter le moment”, “opportunité”. Pour les stratèges chinois, nulle notion d’équilibre, l’histoire est un processus permanent d’interactions entre les institutions et les structures économiques et ce processus produit à la fois ses propres contradictions et ses propres capacités à les dépasser. Le chemin est pris, on le voit dans la réduction du solde commercial. L’excédent courant extérieur, qui était monté entre 2005 et 2007 jusqu’à de 10 % du PIB, est déjà redescendu à 4 % et il devrait s’établir au niveau plus normal de 2 à 3 % d’ici quelques années.
Les enseignements de la crise
La crise financière, durement ressentie par la Chine, a entraîné la prise de conscience par les Chinois de leur trop grande dépendance au commerce international. Les autorités de Pékin ont fait preuve d’une très grande réactivité en adoptant le plan de relance le plus important de tous les pays. L’argent injecté en six mois a été utilisé dans des projets qui étaient déjà dans les cartons, tels que l’amélioration des infrastructures de transports assurant de meilleures liaisons avec l’ouest du pays qui regorge de ressources primaires (minérales et énergétiques) et qui peut développer le tourisme et aiguilleurs ecologique. Ainsi, contrairement à ce qu’on aurait pu redouter, cet énorme plan de relance de 4 000 milliards n’a pas beaucoup ajouté de capacités improductives. Le problème s’est en réalité situé au niveau des collectivités locales qui, en voulant “en rajouter”, se sont livrées à une surenchère à base de spéculation foncière. Le plan de soutien à la croissance a donc entraîné à la fois une accélération positive de la modernisation des infrastructures et – point plus négatif – contribué à gonfler encore davantage la bulle immobilière. Les Chinois ont aussi pris conscience de la vulnérabilité de leur modèle de croissance trop exclusivement tourné vers la demande des pays de la zone OCDE. Très vite, les Chinois ont compris que ces débouchés allaient inéluctablement et durablement ralentir. D’où la nécessité de redéployer leurs exportations vers d’autres zones et de mettre en place de nouveaux facteurs de croissance internes. L’autre leçon tirée de la crise est d’ordre monétaire. Puisque l’effondrement du commerce international à fin 2008 a été provoqué par la disparition des moyens de paiement en dollars sur le marché monétaire mondial, les Chinois en ont conclu que pour se prémunir d’une prochaine crise, il leur fallait désormais découpler le plus possible leur économie du billet vert en internationalisant le yuan. D’où, en juin 2010, les décisions conjointes de découpler le taux de change de la monnaie et le renforcement de la place de Hong-Kong en tant que centre financier au service des intérêts de la Chine.
L’ambition chinoise asiatique
Conformément à la philosophie ancienne chinoise des relations internationales, les Chinois ne sont aucunement tentés d’exercer une hégémonie car ils savent, leçon apprise de l’histoire, que l’hégémonie ne dure jamais. La puissance dominante épuise en effet ses ressources pour gérer son expansion et, tôt ou tard, n’arrive plus à distribuer suffisamment d’avantages à ses alliés qui dès lors se retournent inéluctablement contre elle. Autre enseignement de la philosophie chinoise : les Chinois considèrent que les conquêtes militaires se retournent toujours contre leurs initiateurs et que des relations paisibles et non agressives sont bien plus préférables. D’où l’idée de faire de la zone asiatique une véritable zone de prospérité régionale autour de la Chine. Dans cette optique, Pékin joue la carte des accords régionaux croisés qui ont pour effet de lier tous les pays de la région les uns aux autres (ASEAN +1, ASEAN + 3). Mais pas de doute : le projet est de constituer un espace asiatique et non pas transpacifique, la volonté chinoise étant clairement de refouler les Etats-Unis hors de l’Asie. En renforçant ses échanges avec l’Asie en développement (Asie du l’Est et du Sud-Est, y compris l’Indonésie) et l’Inde, la Chine est un catalyseur de l’intégration asiatique. Pékin intensifie ses relations avec les autres pays émergents du monde sous la forme de partenariats bilatéraux.
Les armes du “soft power”
Pour corriger la perception d’une Chine dangereuse et agressive, les Chinois cherchent à donner d’eux-mêmes l’image de la coopération et de la solidarité réciproque et utilisent les armes de la persuasion douce, du “soft power”. C’est ainsi qu’ils ont développé un partenariat de grande dimension avec le Brésil (portant sur la transformation de matières premières sur place), ce pays leur servant de porte d’entrée dans l’Amérique latine. Même chose avec l’Afrique et l’Australie. Ils multiplient les ouvertures de centres Confucius dans la région et, forts de leur familiarité millénaire avec le bouddhisme, ils ont commencé les travaux d’approche du Pakistan et de l’Inde. Autre axe stratégique pour se faire bien voir, les Chinois ouvrent leurs universités aux étudiants de tous ces pays “à l’américaine”. Déjà plusieurs centaines de milliers de ces étudiants résident et apprennent en Chine.
Les politologues américains qui plaquent le modèle de la guerre froide sur leurs relations avec la Chine font un total contresens sur les intentions réelles chinoises. Certes, la question épineuse de la réintégration de Taïwan dans le giron chinois reste incontournable pour Pékin et demeure source de difficultés avec les Etats-Unis. Pékin se contentera-t-il de la réussite de la stratégie “d’enveloppement” de Taïwan par l’économie ? Pour l’heure, le parti joue de façon ambigüe sur deux tableaux : l’économique et la militaire.
Les résistances au changement
L’autre aspect très important est l’internationalisation de la monnaie, sujet d’autant plus crucial qu’il est au centre de tensions et de rivalités à l’intérieur même du parti communiste et de l’Etat. Les éléments issus des secteurs traditionnels de l’économie et de la politique ne sont pas favorables à un changement de la gestion de la monnaie tant, disent-ils, que la phase de transition n’est pas achevée et surtout que le douzième plan n’a pas donné tous ses fruits en termes de productivité des facteurs et d’augmentation du surplus distribuable. Ces dirigeants des entreprises d’Etat, souvent dignitaires du parti, ont surtout fait alliance avec les gouverneurs locaux pour organiser le circuit économique et financier à leur profit et ils n’ont aucun intérêt au changement.
Or, travaillant pour la plupart dans l’industrie lourde à la tête d’entreprises en surcapacité chronique, ils voient d’un mauvais œil toute appréciation du change qui laminerait leur avantage de compétitivité (en France, on a longtemps connu cette résistance à une hausse du change du côté patronal). Un lobby très puissant relayé au niveau central par le ministère du Commerce extérieur et par l’importante commission national de réforme et de développement, l’organisme central qui, auprès du Conseil des affaire d’Etat et du secrétaire d’Etat, pilote la planification stratégique. Enfin, tout aussi opposé à modifier le change, le lobby dit de “Shanghai”, regroupement de dirigeants locaux, de dirigeants d’entreprise et de hauts fonctionnaires partisans d’une croissance forte fondée sur l’accumulation intensive. Contre cet ensemble un brin hétéroclite s’oppose autour de la Banque centrale du Trésor une partie des dirigeants politiques plus sensibles aux effets sociaux négatifs de ce modèle : creusement des inégalités de revenu, protection sociale insuffisante, question foncière non résolue…
La nature paradoxale du régime
Le régime développe une forme d’autoritarisme très particulier car en même temps, le pouvoir est très sensible à l’opinion publique. Au niveau local (pratiquement 50 % de la population vit encore à la campagne), les liens tissés entre la population et les dirigeants sont très denses et débouchent souvent sur des conflits durs. Idem dans les entreprises. Les nouvelles générations de travailleurs plient moins sous le joug que les masses précédentes, celles qui ont contribué au décollage du pays. Enfin, faute de médiation syndicale, le développement économique côtier fait aussi monter une tension sociale difficile à canaliser dans les entreprises. Tout cela remonte aux oreilles du gouvernement central via le parti communiste et ses deux millions d’adhérents. Si bien que le pouvoir, informé en temps réel, prenant très au sérieux les frustrations de la population, se montre à la fois soucieux de maintenir la croissance mais aussi de renouveler les objectifs. C’est l’axe du douzième plan.
L’internationalisation du yuan
La décision d’internationaliser le yuan s’est concrétisée par la création d’une place off-shore de libres transactions financières traitement du yuan à Hong-Kong sur la même logique que le modèle des eurodollars sur la places des cadres dans les années 60. Les exportateurs étrangers, payés en yuans, sont incités à déposer leurs recettes en yuans sur un compte rémunéré à Hong-Kong pour éviter de les échanger en dollars. Un calcul gagnant si, comme il est raisonnable de le penser, la monnaie chinoise est appelée à s’apprécier. L’objectif du yuan internationalisé ? Echapper à la dépendance totale vis-à-vis du dollar et bâtir un nouveau circuit de financement pour favoriser l’émergence de nouvelles multinationales chinoises. Une orientation portée par les dirigeants de la Banque centrale. Ses dirigeants estiment que la libéralisation sera de nature à favoriser une meilleure allocation des capitaux grâce à la fixation d’un taux d’intérêt “plus vrai”. Pour l’heure, on en reste encore loin. La Chine pratique en la matière un “gradualisme” déterminé. Meilleure preuve : la mise sur le marché d’obligations chinoises à court terme pour des montants chaque fois croissants (une troisième tranche de plusieurs milliards de yuans a été proposée en présence du vice-Premier ministre le lendemain de la dégradation de la note américaine le 5 août dernier), en attendant demain les émissions directes d’actions de sociétés. Concomitamment, les autorités ont accéléré l’appréciation du change pour contenir l’inflation, autre sujet crucial en Chine.
Le développement durable au cœur
Le nouveau régime de croissance de la Chine intègre la notion de développement durable. Le pays ne veut plus être la manufacture de la planète tout en ne captant qu’une part très limitée de la valeur ajoutée. Alors que l’essentiel de la création de valeur se trouve en amont dans la conception des produits, et en aval dans les services liés aux produits. L’axe majeur de la transformation en cours est de repositionner la Chine dans la division internationale du travail en intégrant aussi la préoccupation de préservation de la ressource naturelle, à l’inverse de ce qui était fait jusque-là. Le projet est de mettre en place un système de prix incitatif pour économiser le capital dans toutes ses composantes et prendre en compte le coût des externalités. Avec la volonté d’acquérir des positions en pointe, voire de leadership, dans les technologies d’avenir et les ressources renouvelables. Passer d’une économie administrée à prix contrôlés au pilotage d’une économie d’acteurs privés et décentralisés, tout en ayant la volonté de réduire l’intensité énergétique de l’économie : telle est la gigantesque et difficile bascule à réaliser. Je fais ici le pari que les autorités chinoises vont instaurer dès l’an prochain ou en 2013 une taxe carbone pour réduire la rentabilité des activités polluantes et augmenter celles des activités propres. Leur but est de conjuguer croissance soutenable et croissance tout court. Ils sont déjà leaders mondiaux dans l’éolien, et le seront demain peut-être dans le solaire. Leur intention est de capter la valeur ajoutée dans tous ces domaines. La force du système chinois est de voir loin, un atout considérable complètement en phase avec les préoccupations de développement durable.
Le défi urbain
Le deuxième point clé a trait à la démographie et à l’urbanisation. Le défi ? Intégrer dans un avenir proche plus de 400 millions de personnes dans des villes viables. .Il existe aujourd’hui en Chine deux méga- cités de plus de dix millions d’habitants (Shanghai et Pékin). Or il y en aura bientôt dix, sans compter une multiplication de villes de “petite” taille entre 2 et 5 millions d’habitants. L’enjeu est d’en faire des éco-cités comme Singapour, à très forte densité de population au centre, à l’inverse des villes américaines qui ont une densité constante du centre au bout de la périphérie. Cela suppose un centre compact, la construction de tours, accessibles à pied ou en vélo, et de bâtir un réseau de transports collectifs ou individuels propre. La Chine est très demandeuse de la voiture électrique et fait volontiers partie d’alliances avec les entreprises occidentales pour rendre opérationnelle au plus vite la pile à combustible. Une vaste recherche. Bref, une révolution à part entière dans la vie quotidienne est sur les rails à l’horizon des vingt prochaines années.
La modernisation des relations sociales
L’autre dimension a trait à l’évolution du marché du travail. Celui de la Chine est arrivé au point où la rareté de la main-d’œuvre dans certains segments entraîne déjà des hausses de salaires (théorie du “point tournant” de Lewis). Un mouvement soutenu par les autorités qui ont planifié une revalorisation des minima durant le douzième plan, l’enjeu étant de réguler les revendications dans les entreprises en instaurant un système “d’engagements réciproques” entre les employeurs et leur personnel. Mais comme les autorités ne veulent en aucun cas de syndicats libres susceptibles un jour de jouer un rôle politique, la solution passe par l’instauration de relations sociales à la façon du Japon des belles années. Le modèle japonais, avec ses syndicats maison, son idéologie du “nous sommes tous sur le même bateau” et l’évolution des salaires à l’ancienneté, pourrait être le bon pour les entreprises chinoises. Le gouvernement a des objectifs très précis en matière de protection sociale. Inscrits dans le deuxième plan, ces objectifs sont l’instauration d’une protection sociale de base uniforme et généralisée, y compris à la population rurale, et d’un système de retraites à trois étages (pension minimale, retraite professionnelle et retraite privée).
Cela suppose un système de collecte d’épargne recyclée en actifs financiers rémunérateurs et non plus en dépôts à vue et surtout un accroissement des ressources fiscales de l’Etat, bref d’inverser les transferts qui se font aujourd’hui des ménages vers les entreprises et à l’avantage de leurs dirigeants. Une démarche qui rencontre beaucoup de résistances de la part de ces derniers. La modernisation des infrastructures de transports et de distribution est un autre élément clé. Les circuits bien trop fragmentés entre les régions font obstacle à la constitution d’un vaste marché intérieur. La Chine, c’est encore les Etats-Unis d’avant les grandes lignes de chemin de fer intercontinentales. Il y a dans ce domaine d’énormes gains potentiels de productivité au bénéfice des consommateurs.
La mutation financière
La mutation de la finance est un autre enjeu décisif. Sur ce sujet central, les tensions sont fortes entre d’une part, ceux qui veulent garder des prix très contrôlés et pousser à la croissance selon le schéma ancien et d’autre part, ceux qui autour de la Banque centrale veulent établir un système incitant à la mutation. Pourquoi ces derniers, qui semblent avoir le vent en poupe, ne changent-ils alors d’autorité les règles ? Parce qu’une pièce essentielle de l’édifice – les collectivités locales, qui sont très endettées et dont les ressources sont assises sur les taxes foncières – ne le supporteraient pas en l’état. Il faudrait qu’elles puissent accéder aux marchés de capitaux via l’émission d’obligations. Mais qui aujourd’hui leur prêterait de l’argent ? La seule solution est d’opérer une vaste réforme fiscale organisant une redistribution entre les échelons du pays, mais je ne pense pas que la prochaine équipe se sentira capable d’ouvrir ce chantier touchant autant à la finance qu’à la fiscalité. Ou alors pas avant 2015.
L’équation du pouvoir
La Chine a besoin, comme cela a toujours été le cas depuis deux millénaires, d’un Etat central unitaire, condition de son non-éclatement. Mais en même temps, cet Etat doit être légitimé, accepté par la population, comme l’étaient en leur temps les empereurs. Les dirigeants actuels estiment mordicus que cet impératif ne peut être atteint que si le parti conserve le monopole du pouvoir. D’où ce paradoxe d’un régime autoritaire… extrêmement sensible aux besoins de la population. Et pour lequel le maintien de la croissance – seul moyen de satisfaire la demande sociale – est donc un enjeu crucial de survie. En Chine, la notion de démocratie représentative n’a aucun sens et ceux qui parient sur son implantation attendront longtemps. Je n’hésite pas à l’affirmer : ceux qui pensent que le problème de la Chine est d’abord politique et qu’elle n’a donc pas d’autre choix pour le résoudre que de s’aligner sur le modèle politique occidental se trompent. La Chine n’est pas monolithique. D’un côté, il y a de plus en plus de prise de parole et de contestation et de l’autre côté, le gouvernement est très sensible à l’état de l’opinion publique et aux remontées du terrain. Pour autant, jamais les autorités n’accepteront la constitution de forces organisées en dehors du parti au nom de la préservation de l’unité du pays. La Chine dispose de l’atout d’une administration forte pour conduire les changements nécessaires à la condition que cette dernière se déféodalise. L’arrivée de la nouvelle génération et l’élargissement de la base du parti communiste porteront aussi le changement.
Les Occidentaux et la Chine
L’Occident a tout intérêt à faire des Chinois des alliés, parce que nous partageons avec eux les mêmes objectifs à long terme. Leur volonté de ne pas s’en remettre au seul dollar rejoint la position européenne et peut aider à bâtir un nouveau système monétaire international fondé sur la coopération et non sur l’hégémonie d’une des parties. Les initiatives chinoises à l’échelon régional, loin d’entraver ce processus, s’inscrivent dans ce schéma. La Chine ne cherche absolument pas à remplacer les Etats-Unis comme maître du monde. Le monde doit être pensé différemment et l’approche chinoise peut nous y aider. Ce serait suicidaire pour les Occidentaux de ne pas le comprendre car, de gré ou de force, le monde se fera avec les Chinois et non pas contre eux. La Chine évolue rapidement – les résultats qu’elle affichera en termes de développement durable d’ici 2020 seront spectaculaires. Ce pays n’a pas fini de nous surprendre en bien. Et nous avons à apprendre de lui. La philosophie chinoise du jeu des contraires sous-tend la mise en place d’une planification flexible dans ses objectifs et adaptative dans sa mise en œuvre, l’inverse de l’esprit occidental tendu vers un idéal à atteindre et dans une sorte de tout ou rien.”
Entretien publié dans Le nouvel économiste. Propos recueillis par Philippe Plassart. Septembre 2011