La Madeleine Proust est de retour
Lola Sémonin, connue surtout sous son pseudo de « la Madeleine Proust » nous revient avec son franc-parler et son style original. D’entrée de jeu, cette artiste, auteur et comédienne, provoque des rires spontanés et des réflexions qui perdurent dans la tête. Les deux à la fois. Et c’est sur la scène du Théâtre Rive Gauche.
Son thème de prédilection est, de nouveau, le vécu journalier d’une femme de la Franche Comté profonde, une rurale aux moyens modestes et vivant seule. Son esprit d’observation et son esprit critique accompagnent un sens de la formule qui percute. Pour l’équilibre de son psycho, sans doute. Egalement pour notre jubilation de spectateur ! Sans aucun doute !
Tout en vaquant aux travaux permanents de sa (vieille) maison et en empêchant ses poules de traverser la route (les voitures les écrasent) elle pense tout haut sa solitude : « Cinquante-quatre ans… Qu’est ce que tu veux trouver ? Un veuf qu’a des gosses ou un bonhomme qu’a la prostate à soigner ! »
Puis elle débouche volontiers sur l’Universel ou sur une critique sociale imagée : « C’est pas toujours les hauts placés qui voient le mieux. » De plus, elle maîtrise la brève insolite qui ne jaillit pas d’un comptoir mais qui vous donne aussi un moment de béatitude émerveillée : « On peut remercier l’bon dieu d’avoir été bien élevé. » Vous sentez tout de suite que les pensées de la Madeleine s’alimentent d’un quotidien « pas souvent rose » mais qu’elle réagit positivement. Elle pratique une sorte d’espérance lucide.
Pourtant, cette méritante qui met en avant une tradition paysanne méfiante nous réserve bien d’autres surprises. Elle aime la crête des sapins bleus courant sur son horizon, l’odeur du foin coupé et de la terre mouillée après l’orage. Poète ? Evidemment. Et elle qui se méfie instinctivement de l’Etranger, vieille crainte de l’inconnu, va inviter Kamel, un petit Marocain. Où ? Dans sa maison ! Et en lieu et place d’un choc culturel annoncé, quelque chose d’étonnant va se passer entre la Madeleine et ce petit d’immigré au vocabulaire limité.
Entre les rires qui fusent, l’émotion est au rendez-vous. Suite aux réflexions de la Madeleine Proust qui sont autant de cris d’aujourd’hui que d’aphorismes pour demain, je m’étais promis de ne pas piller son talentueux texte pour alimenter cette rubrique mais, avant de vous quitter, je ne résiste pas à vous citer une dernière brève pêchée parmi ses réjouissantes pensées. Entre ingénuité dans l’expression et clin d’œil potache : « Moi je trouve que le petit Robert c’est bien mieux que le p’tit Larousse parce qu’il a les deux parties bien séparées. »
Les autres, je vous suggère d’aller les entendre, rue de la Gaité.
À 19 heures 30. Vous aller rire ! Et vous pourrez vous coucher tôt.