A quoi assistons-nous s’agissant du climat : à un réchauffement ou à un dérèglement ? A cette question, James Lovelock, répond par le deuxième terme. A l’origine, avec Lynn Margulis, de la théorie Gaïa qui analyse le système Terre 1 comme un ensemble régulé, il juge que sa vision est désormais largement admise dans la communauté scientifique, mais trop tard : « nous soupçonnons l’existence d’un seuil. Une fois ce palier franchi, la hausse de la température sera irréversible jusqu’au palier supérieur ». Il est donc « beaucoup trop tard pour le développement durable, nous devons au contraire opter pour un repli durable. »
Citant le philosophe John Gray, il impute l’aveuglement de l’humanité aux fondements chrétiens et humanistes de nos sociétés, apparus « lorsque nous étions trop peu pour représenter une menace », et à leur vision anthropocentrée. Le lecteur ne doit pas s’arrêter à cette position ouvertement anti-humaniste. Car James Lovelock n’est pas sans arguments pour montrer que « l’humanité se retrouvera bientôt confrontée à la plus redoutable épreuve de son histoire. » Pour lui « rien d’aussi violent ne s’est produit depuis la longue période de chaleur de l’éocène, il y a cinquante cinq millions d’années ». Il considère en effet que « dans une période interglaciaire, le système Terre est pris dans un cercle vicieux de rétroactions positives » qui amplifient le changement induit par l’activité humaine. Lovelock cite un certain nombre de ces rétroactions, telle la réduction de l’espace vital des algues qui absorbent le gaz carbonique.
On comprend dans ces conditions qu’il compare Kyoto à Munich, puisqu’il n’a pas été question à Kyoto de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’humanité, mais seulement de limiter leur augmentation.
Les solutions qu’il préconise sont sans doute extrêmes (citons la mise en friche du tiers de la Grande-Bretagne) et le plus souvent marquées par une idéologie nostalgique et élitiste. On s’y attardera peu. Signalons toutefois l’appel adressé à ses amis du courant de l’écologie profonde pour qu’ils revoient leur position sur le nucléaire. Là encore, ses arguments sont sérieux. Ainsi alors que l’année 1962 a été marquée par la libération dans l’atmosphère d’une radio-activité équivalent à deux Tchernobyls par semaine pendant un an [1], il n’y a pas eu de catastrophe sanitaire cette année-là et l’espérance de vie a continué à progresser, comme les années suivantes. La raison : « c’est la dose qui fait le poison ». Pour Tchernobyl, les statistiques sur la mortalité supplémentaire du fait de la radio-activité répandue correspondraient en fait à une réduction moyenne de 4 jours de l’espérance de vie.
Lovelock conclut en invitant à écrire un livre des savoirs à l’intention des survivants... Si ses thèses sont justes, il reste peu de temps pour rendre cette tâche inutile.
La revanche de Gaïa, pourquoi la Terre riposte-t-elle ? Flammarion, 297 pages, 22 euros
[1] C’est en 1962 que le nombre d’essais atmosphériques des armes nucléaires fut le plus élevé, environ 140. Rappelons que ces essais ont été menés intensément pendant une quarantaine d’année, essentiellement jusqu’au début des années 90, avec plus de 2000 explosions réalisées.