Deux recueils de nouvelles pour le prix d’un ! Jadis publié chez le même éditeur, Vivre intensément repose fait l’objet d’une réédition ; La revanche de Michel-Ange, au titre mystérieux, d’une première publication originale…
Pour ce qui est du second recueil cité, je retrouve Valère Staraselski. Cible importante pour les histoires psychologiques, le langage est une violence. La revanche de Michel-Ange évoque les moyens d’étouffer la nouvelle ou la création véritable : « Et si c’était l’inverse ? coupa Charles Dolnay, son regard trahissant de l’excitation. Et si justement l’adhésion du public à une oeuvre dépendait, qu’on le veuille ou non, de la pensée sous-jacente - pensée sous-jacente que je ne confonds pas avec les idées, l’idéologie, énonça-t-il, l’index levé - pensée sous-jacente qui ne se sépare pas plus de la réalisation artistique que le fond n’est séparable de la forme ? » (p 78). Pensée que Valère Staraselski prend le soin de différencier de l’idéologie : discussion oiseuse ou nulle, allez savoir ! Dolnay est photographe, Mariani est écrivain : cela suffit-il à expliquer les discussions entre les deux ? Je ne sais… « Là commencent à se créer les conditions de sa singularité », note Valère Staraselski (p 84). Et si cela était une métaphore du rôle du prosateur ? Sans doute faut-il lire toutes les nouvelles à la lumière de ce recueil : « l’émotion se faisant création » (p 89). Peut-être est-ce là qu’est le sens de ces nouvelles ? Du point de vue de leur qualité, juste où les hommes politiques se situent au-dessus des prostituées (p 99), lis-je dans le texte suivant. Car changement de ton avec Constant Fresnoy : la définition des rapports sociaux, la solitude de l’individu définissent le personnage. Les Parisiens sont de gros consommateurs des transports collectifs, on le sait… La scène se passe dans ce type de transports, dans le métro précisément : « la mise en adéquation de l’individu dans le monde dit libéral tant en économie qu’en politique ou dans l’imaginaire lui paraissait, dans cette période-là, la plus sûre voie menant à un prévisible désastre » (p 102). Mais, libre, le maire ne l’est plus depuis longtemps ! Depuis qu’il est passé à droite… Lors de sa visite au domicile de Juliette, il découvre que le maire n’est qu’un frustré et qu’un minable ! (pp 115 & 116) : la nouvelle intitulée Constant Fresnoy serait-elle autobiographique ? Mais voilà que je sombre dans le romanesque ! L’Organisation a son siège place du colonel Fabien, je ne sais quel responsable du PC a écrit comme ces lettres le prouvent !
La première nouvelle donne son titre au recueil éponyme. Elle est même reproduite dans le texte L’auteur joue l’indifférence jusqu’au bout. Des échanges par mails qu’il reproduit, il a supprimé les siens (p 172). La seconde, intitulée L’anniversaire, raconte un bien triste anniversaire : elle laisse le soin d’en informer le lecteur, que c’est sa fille qui le soigne ! La troisième nouvelle joliment intitulée Sous le réverbère nous apprend que le flic surnommé le philosophe n’arrête pas les prostituées qui lisent Hegel, en raison de ses études et de ses souvenirs… Je m’interroge sur le titre de la nouvelle suivante, Les barricades ; c’est l’histoire d’une d’une locataire d’un studio trop bruyant, car situé face à une gare de marchandises. Le mystère qui se dégage de ce texte est troublant : s’agit-il d’un rêve ou non ? Je suis dans l’impossibilité de répondre à cette dernière question. Le texte ayant pour titre Paris, Perpignan, la maîtresse m’a dit… va jusqu’à traiter des classes de perfectionnement. Je ne révélerai pas la fin de la nouvelle, le réalisme dut-il en souffrir. Dire de La commande, le texte suivant, qu’il est l’histoire de vacances à Cogolin. La tempête se lève la nuit, sans prévenir, le mistral se met à souffler. Seul écho, les évènements de Yougoslavie se font entendre. Un cri perce la nuit, ce n’est que Ginette, l’accompagnatrice du groupe qui joue les vieilles ; la nouvelle est écrite, mine de rien, avec sa note fantastique qui s’explique en plus (p 266). La barricade Perronet raconte l’histoire d’une rencontre avec Louise Michel qui survécut à l’attaque de la barricade et à son bombardement par les Versaillais puisqu’elle fut condamnée au bagne où elle enseigna… La plus brève, un tiers de page au maximum, Le jeune inconnu, date de 1994 !
On le constate, ce recueil de nouvelles est novateur : suspens, humour, fantastique… Valère Staraselski ne choisit pas ! Il n’oublie pas les échos de l’actualité.
La revanche de Michel-Ange suivi de Vivre intensément repose, de Valère Staraselski. Editions La Passe du vent, 284 pages, 15 euros. En librairie ou sur commande (7 place de la Paix. 69200 Vénissieux).