Le 12 juillet 2007 j’ai eu une expérience particulière au festival d’Avignon. J’avais repéré sur mon programme une pièce au titre assez mystérieux, mise en scène par quelqu’un qui me « parlait ». C’était « Le silence des communistes » mis en scène par Jean Pierre Vincent.
Jean-Pierre Vincent ? Son parcours, son dynamisme, sa jeunesse d’esprit, son intelligence, en font pour moi l’une des « données » du théâtre en France, et depuis 4 décennies. C’est l’un des rares – je ne sais pas d’ailleurs s’il y en a d’autres- à avoir imposé à coté du metteur en scène la présence d’un dramaturge, actuellement Bernard Chartreux. Pour être succinct, le parcours de Jean-Pierre Vincent, c’est le Théâtre National de Strasbourg, la Comédie Française, Les Amandiers de Nanterre, et actuellement une liberté retrouvée.
Les organisateurs du festival auraient-ils sous-estimé le succès qu’allait rencontrer une telle pièce ? En tous cas les dix représentations prévues étaient rapidement « plein de chez plein », succès tel qu’il faudra, je crois, en rajouter 5 supplémentaires. Et tous nous retrouvions dans une salle d’une jauge de 200 personnes, dans la salle Montfleury, à 5mn des remparts, lieu et jauge soigneusement choisi par Jean-Pierre Vincent.
En fait, plus que d’une pièce, il s’agit d’un ensemble de lettres échangées entre trois militants de la gauche italienne. Il n’y a donc pas une unité stylistique au sens où l’on entendrait celle qui viendrait d’un auteur commun, mais une harmonie cependant. L’un d’entre militants pose une série de questions aux deux autres, communistes, sur ce qu’il appelle le silence des communistes, c’est – à dire les non-réponses que les militants apportent, si je puis dire, depuis l’autodissolution du PCI. C’est à Turin et dans la mise en scène de Luca Ronconi que Jean Pierre Vincent a rencontré ce texte, qu’il a traduit. Une première lecture en est faite le 28 août 2006 aux « Rencontres de la Mousson », à Pont à Mousson.
Le choix de Jean Pierre Vincent -en faire une lecture mise en place- renforce l’emotion du spectateur- auditeur avec la sincérité de texte, l’honnêteté des « rédacteurs », leurs doutes, leurs certitudes incertaines. Les deux « interrogés » ont des parcours de militants différents -ils ont aux alentours de 70 ans – à la fois dans leurs attitudes, leurs choix, leurs expériences. Leurs expériences de vie, leurs expériences politiques. Une estrade, une table, trois chaises. Tout nous arrive « en plein dans la gueule ». « Le silence des communistes » est profondément humain parce qu’au-delà des engagements, des choix de vie, ce sont des paroles de femmes et d’hommes qui s’adressent à femmes et à des hommes. Le théâtre, quoi.
Avant d’arriver dans la salle disons un peu décrépite de Montfleury, le spectateur entend par un haut-parleur des musiques tels qu’on les entendait dans les fêtes populaires et politiques italiennes, des drapeaux rouges et italiens, et marquée au sol, une silhouette de l’Italie. Le spectateur est déjà mis en scène avant d’être mis en lecture... A citer les nom des comédiens, Gilles David, Mélania Giglio, Charli Nelson, qui lisent-bougent les lettres de Vittorio Foa, Mélania Giglio, Alfredo Reichlin
Cette pièce, ce texte, cette rencontre, me font dire qu’il y a encore de l’espace à rêver, de l’espace à réfléchir, de l’espace à débattre, de l’espace à vivre, enfin. Malgré tout.
« Le silence des communistes » est paru aux Editions de l’Arche