Le numéro 60 des HsE débute par un éditorial de Fernando Arrabal sur l’exil, l’exil, véritable terre des poètes comme des immortels jusqu’à l’arrivée de l’exil de l’exil :
« En exil, la science et l’art font le lien entre l’esprit et la beauté. Serait-il excessif de dire que précisément l’art et la science n’ont nul besoin « d’assis » mais de saints… plutôt même que de révolutionnaires ou de réformateurs avec leurs plans tirés au cordeau ? L’exilé peut être confiné comme une chauve-souris… pour écrire comme un aigle royal. Avec talent, il utilise tout ce dont il se souvient, et avec génie tout ce qu’il oublie. Grâce à cela, il espère se libérer de la dégradante obligation d’être un artiste de son temps. L’art pour l’exilé c’est la patrie qui l’accompagne. L’amour charnel ne l’émeut que lorsqu’il est peint come désastreux ou maladroit. L’exilé n’est pas suspendu au désir stupide de provoquer. La provocation surgit, imprévisible comme le succès ou l’amour. C’est en exil qu’il est le plus facile de se passer du bonheur. L’histoire, plus que le fait, répercute son écho dans la légende. Mais chaque époque se nourrit d’illusions pour ne pas mettre un linceul au présent. Puissé-je jouir toujours de cette immense aurore et de cette patineuse nommée théâtre et poésie ? »
Sommaire :
Editorial : "Quand j’ai quitté mon pays...", par Fernando ARRABAL
Les Porteurs de Feu : Josep Vicenç FOIX, par Boris MONNEAU, Jordi Pere CERDA, par César BIRÈNE, Poèmes de Josep Vicenç FOIX, Jordi Pere CERDA
Ainsi furent les Wah 1 (Mémoire et exil) : Poèmes de Ramon LLULL, Miguel de UNAMUNO, Pablo NERUDA, Luis BUNUEL, Salvador DALI, Lucia SANCHEZ SAORNIL
Focus 1 : Le chemin de Collioure ou le romancero de la poésie espagnole, de Lorca à Machado, en passant par Hernandez : par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Federico GARCIA LORCA, Antonio MACHADO, Miguel HERNANDEZ
Focus 2 : La Catalogne en poésie, par Christophe DAUPHIN
Dossier : J. V. FOIX & le surréalisme catalan, par Boris MONNEAU, avec des textes de Josep Vicenç FOIX
Ainsi furent les Wah 2, Poètes catalans d’avant-garde : avec des textes de Boris MONNEAU, Poèmes de Carles SINDREU, Alexandre PLANA, Sebastia SANCHEZ-JUAN, Agusti BARTRA, Joan BROSSA, Joan PERUCHO, Josep-Ramon BACH, Benet ROSSELL, Carles SANTOS, Joan PALOU, Vicenç ALTAIO, Felicia FUSTER
Une Voix, une oeuvre : Robert Rius le passeur surréaliste, par Rose-Hélène ICHÉ, Olivier BOT, Poèmes de Robert RIUS
Ainsi furent les Wah 3, De Catalogne et d’ailleurs : Poèmes de Paul PUGNAUD, FRANKETIENNE, Alain FREIXE, Jaume PONT, Norbert PAGANELLI, André-Louis ALIAMET, Aytekin KARACOBAN, Marie MURSKI, Patrick TAFANI, Catherine BOUDET, Frédéric TISON, Jumana MUSTAFA
Les pages des Hommes sans Epaules : Poèmes de Marc PATIN, Jean ROUSSELOT, Jean BRETON, Elodia TURKI, Henri RODE, Christophe DAUPHIN, Alain BRETON, Jacques ARAMBURU, Paul FARELLIER
Etc.
Ce numéro est principalement consacré aux poètes et peintres catalans, notamment à ceux qui luttèrent contre le franquisme. L’exil, de corps ou d’esprit, est ainsi très présent dans leurs œuvres. Au côté de noms familiers comme Miguel de Unamuno, Federico Garcia Lorca ou Antonio Machado, nous découvrons bien des talents peu connus en France.
Le dossier nous présente Josep Vicenç Foix (1893-1987), prononcez « Foch », qui fut proche du surréalisme mais s’en différencia également. Il laissa une œuvre considérable, très variée, à la fois littéraire et politique, saluée surtout dans ses dernières années de vie. Le dossier, dirigé par Boris Monneau rend compte des divers axes de recherches de ce grand penseur.
« Nous désirions la mort en de sombres traverses,
Les bras levés, et nous disions : – Toi, qui es-tu ?
Et lui ? – Puisque nous étions maints, moirés, nous y étions tous.
Voyez : elles aussi, opulemment nues,
Les bras levés, et moirées, au bord
Des abîmes du soir, par des sentiers d’errance,
Cueillant sur l’Arbre Intact le fruit iridescent,
Ou de frêles fils de nuit tissant une maille secrète… »
Il est aussi question du catalanisme roussillonnais avec Jordi Père Cerdà, poète-passeur et passeur tout court pendant la deuxième guerre mondiale quand il fait passer Juifs, résistants et clandestins du côté espagnol entre 1942 et 1944.
« Je me souviendrai de ce jour
où la Gestapo nous suivait
pistant dans la neige le sang tiède.
Je me souviendrai des maisons
qui nous ouvraient leur porte,
brèche dans la nuit glacée.
Je me souviendrai de Mas
passant des gens fuyant la France
un jour de tempête.
Je me souviendrais de Jean,
Josep, Boris et Maurice
qui mourut là-bas à Neuengamme.
L’hiver nous mord l’échine ;
chien fou déchaîné,
hurle le vent comme sirène.
A présent, les camarades entreront
s’enlevant la neige à la porte.
Leurs yeux étincelleront… »
Mais ce n’est là qu’un aspect de la création catalane que nous pouvons découvrir dans ce volume. Tous les domaines de la vie, les domaines d’intensité sont présents à la fois dans les œuvres et dans les parcours de leurs auteurs.
Les Hommes sans Epaules n°60
Les Hommes sans Epaules Editions, 8 rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen –
www.leshommessansepaules.com
Christophe Dauphin rédige une véritable contre-histoire féministe de la poésie contemporaine en rétablissant les femmes, corps, âme et esprit, à leur place, autour de la grande table solaire de l’art. Elles sont 41, conviées enfin au festin souvent frugal de la création, 22 dans ce premier volume.
Elles ont pour noms : Lucie Delarue-Mardrus, Thérèse Martin, Jeanne Bucher, Nusch Eluard, Suzanne Césaire, Gisèle Prassinos, Madeleine Novarina, Joyce Mansour, Virginia Tentindo, Annie Le Brun, Renée Brock, Thérèse Plantier, Thérèse Manoll, Cécile Miguel, Alice Colanis, Maria Breton, Jocelyne Curtil, Jacquette Reboul, Francesca Caroutch, Janine Magnan, Marie-Christine Brière & Claude de Burine. Elles sont femmes du surréalisme ou d’ailleurs, de littérature ou de poésie, de lettres et de l’être.
« Les textes consacrés à nos soleils sont de longueur inégale et vont de l’essai au portrait, en passant par la chronique. Ils sont inédits mis à part certains extraits qui ont paru en revues ou dans des magazines. Ils ont été écrits séparément les uns des autres, sans le souci de constituer un livre. Cela explique les absences, que certain(e)s pourraient déplorer, d’« icônes » du féminisme ou de la création. Dresser un tel panorama n’est pas notre dessein, mais nous ne perdons pas au change, avec les femmes dont il est question ici, qui méritent d’être découvertes ou redécouvertes. »
Cet hommage, amoureux, n’exclut pas la lucidité sur le talent, le rayonnement, l’influence bienfaisante comme sur les combats que chacune, en son propre style, a dû mener, bien souvent contre les hommes qui disaient les aimer ou prétendait les protéger, d’elles-mêmes bien sûr. « Le combat fut long, constate Christophe Dauphin, pour que la femme s’écrive elle-même. »
Cette contre-histoire de la littérature, de la poésie et de l’art, si nécessaire, éclaire l’histoire tout court.
Chaque femme est absolument unique, un univers impossible à cerner mais que Christophe Dauphin cherche à révéler avec respect, éclairant des recoins inconnus où sont dissimulés des trésors. Leurs mondes croisent tous les mondes, ceux de la banalité à l’horreur, ceux de la beauté, du secret et de l’amour. Les découvrir c’est aussi nous découvrir. La poésie féminine porte la fonction philosophique de l’interrogation des évidences. Les entendre, c’est traverser les formes accoutumées pour accéder aux champs de la liberté car elles sont à la fois du centre et des marges, elles voient au plus près, la peau, et au plus loin. Elles ne sont pas seulement poètes par leurs textes, elles le sont par leurs vies dont elles font tantôt un champ de bataille, tantôt un laboratoire alchimique, tantôt une œuvre d’art.
Christophe Dauphin n’écrit jamais sans faire coïncider l’intention et l’accomplissement. Ce livre est important, il ne fait pas seulement œuvre de réparation ou de réhabilitation, il découvre, dévoile, laisse le temps et l’espace au féminin, aux féminins, car ils sont innombrables. Il invite au retournement.
Pour un soleil de femmes vol. 1. Christophe Dauphin
Les Hommes sans Epaules Editions, 8 rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen –
www.leshommessansepaules.com