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Les Mamelles de Tirésias
Le texte d’Appolinaire d’où nous vient le vers "Il est grand temps de rallumer les étoiles"

En juin 1917, revenu du front où il était mobilisé pour se remettre d’une blessure à la tête due à un éclat d’obus, Appolinaire écrit la pièce Les Mamelles de Tirésias. En voici le début du chapitre IV, d’où est tiré le vers "Il est grand temps de rallumer les étoires" que le PCF a pris pour thème de son dernier congrès.

Les Mamelles de Tirésias, chapitre 4, scène unique

Le Directeur de la Troupe :

Me voici donc revenu parmi vous
J’ai retrouvé ma troupe ardente
J’ai trouvé aussi une scène
Mais j’ai retrouvé avec douleur
L’art théâtral sans grandeur sans vertu
Qui tuait les longs soirs d’avant la guerre
Art calomniateur et délétère
Qui montrait le péché non le rédempteur

Puis le temps est venu le temps des hommes
J’ai fait la guerre ainsi que tous les hommes

C’était au temps où j’étais dans l’artillerie
Je commandais au front du nord ma batterie
Un soir que dans le ciel le regard des étoiles
Palpitait comme le regard des nouveau-nés
Mille fusées issues de là tranchée adverse
Réveillèrent soudain les canons ennemis

Je m’en souviens comme si cela s’était passé hier

J’entendais les départs mais non les arrivées
Lorsque de l’observatoire d’artillerie
Le trompette vint à cheval nous annoncer
Que le maréchal des logis qui pointait
Là-bas sur les lueurs des canons ennemis
L’alidade de triangle de visée faisait savoir
Que la portée de ces canons étaient si grande
Que l’on n’entendait plus aucun éclatement
Et tous mes canonniers attentifs à leurs postes
Annoncèrent que les étoiles s’éteignaient une à une
Puis l’on entendit de grands cris parmi toute l’armée

ILS ÉTEIGNENT LES ÉTOILES À COUPS DE CANON

Les étoiles mouraient dans ce beau ciel d’automne
Comme la mémoire s’éteint dans le cerveau
De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir
Nous étions là mourant de la mort des étoiles
Et sur le front ténébreux aux livides lueurs
Nous ne savions plus que dire avec désespoir

ILS ONT MÊME ASSASSINÉ LES CONSTELLATIONS

Mais une grande voix venue d’un mégaphone
Dont le pavillon sortait
De je ne sais quel unanime poste de commandement
La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria

IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES ÉTOILES

Et ce ne fut qu’un cri sur le grand front français

AU COLLIMATEUR À VOLONTÉ

Les servants se hâtèrent
Les pointeurs pointèrent
Les tireurs tirèrent
Et les astres sublimes se rallumèrent l’un après l’autre
Nos obus enflammaient leur ardeur éternelle
L’artillerie ennemie se taisait éblouie
Par le scintillement de toutes les étoiles

Voilà voilà l’histoire de toutes les étoiles

Et depuis ce soir-là j’allume aussi l’un après l’autre
Tous les astres intérieurs que l’on avait éteints

(…)

Mis en ligne sur le site www.bouquineux.com


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