J’ai découvert l’écriture et l’univers de Philippe Lacoche à la lecture de Des rires qui s’éteignent. J’y avais découvert une écriture marquée au coin de la nostalgie. Des souvenirs amoureux du lycée, au son de la musique des années 70, la rencontre d’une jeunesse issue de la bourgeoisie locale comme des milieux ouvriers, cheminot pour Philippe Lacoche. Lutte des classes qui transpirait entre les lignes du roman, même si l’auteur ne la nomme jamais ainsi.
Aujourd’hui, je suis face à Philippe Lacoche sur sa terre amiennoise, le Philippe Lacoche chroniqueur, l’éternel adolescent de 58 ans. Il s’agit d’échanger sur « les dessous chics » recueil de ses chroniques au Courrier Picard depuis 2005.
Car c’est en 2005 que tout a commencé, quand Daniel Muraz, l’adjoint au rédacteur en chef du Courrier Picard lui demande d’écrire quelques chroniques sur le festival de Jazz d’Amiens. « J’ai approché ce festival par sa partie cachée, comme Blaise Cendrars, dans les soutes du paquebot Normandie lors de son inauguration. J’en ai ainsi montré une autre facette. » Cela a bien fonctionné, les textes sont appréciés. Philippe Lacoche va donc en écrire un par semaine jusqu’à aujourd’hui sauf l’été « il faut bien que mes lectrices aient le temps de bronzer ». Il précise qu’il écrit des chroniques à l’ancienne qui n’engagent pas la rédaction, une forme d’égotisme stendhalien et que ses références sont des grands noms de la chronique, Gautier, De Nerval, Mallarmé puis Vialatte, Delfeil de Ton, Neuhoff.
Il définit ses chroniques comme « républicaines et véritablement de gauche. Quand une analyse politique affleure dans un de mes textes, elle est profondément marxiste. Je suis un hussard rouge ! Mais je n’ai pas d’œillères, je peux être intéressé par l’écriture de Céline ou Drieu La Rochelle, ou réagir quand un Président de la République est presque traité de nazi par un artiste. J’étais furieux, j’ai trouvais ça grotesque. Je n’ai pas voulu le défendre, mais là, c’était banaliser la Shoah. Il y a eu des réactions de personnes qui disaient : tu es sarkoziste. Des gens qui n’ont rien compris. Ces écarts de langage desservent leurs utilisateurs ».
Quand il écrit, Philippe Lacoche s’adresse à « ses chères lectrices ». « C’est un jeu et aussi une réalité, j’aime les femmes, je le dis, je l’assume. Je m’adresse à elles avec beaucoup de respect. Ce sont elles qui m’ont encouragé à regrouper mes chroniques dans un livre en me disant que ça serait bien. J’ai rencontré Emmanuel Bluteau (édition La Thébaïde). On en a parlé pour faire une sorte de petit recueil ».
Ce monde féminin est intéressant le jour comme la nuit. C’est pourtant la nuit qui sert de décor à la plupart de ses chroniques.
Philippe Lacoche est un marcheur. Il se ballade la nuit dans les lieux de la ville chargés de vie, les bistrots, les rades, les restaurants, les vernissages d’exposition, les cocktails.
Tous ces lieux, il me les montre, me les nomme en me raccompagnant à la gare, c’est son univers, une petite lumière dans ses yeux me le confirme.
Ancien critique de rock au magazine Best, Philippe Lacoche n’oublie pas de revenir à ses anciennes amours : le rock’n’roll, en écumant les bars ou les salles de concert où se produisent des musiciens connus ou moins connus, des musiciens qui jouent ces musiques des années 60 et 70 qui résonnent en continu dans sa tête comme un lien qui ne se rompt pas avec cette époque qu’il n’en finit pas de regretter. « Un groupe généreux comme les poumons d’Ursula Andress fait plus pour son bonheur que les élucubrations d’un universitaire incontinent sur France inter. »
Pas étonnant alors que la plupart de ses chroniques nous parlent de ses rencontres avec des musiciens lors de concerts improbables, avec des femmes dont certaines chantent, dont d’autres l’aiment.
Chroniques à consommer à votre guise, en picorant, en dévorant, en savourant mais sans modération en attendant la suite, celles des années 2010-2015 à venir.
Philippe Lacoche, Les dessous chics, chroniques 2005-2010. La Thébaïde, collection Au marbre