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Mènis KOUMANDARÈAS : « Play ».
La critique de Lucien Wasselin

Mènis Koumandarèas semble être un écrivain grec important mais je connais mal la littérature de ce pays en dehors de la poésie ( Ritsos, Séféris, Elytis, Cavafy et quelques autres…). Ce qui saute aux yeux dans Play dès le départ de la lecture, c’est la multiplicité des points de vue : le lecteur assiste, via l’enregistrement à divers moments de l’entretien qu’un jeune journaliste mène avec un écrivain célèbre, depuis les négociations avec ce dernier par téléphone pour décrocher une date, jusqu’à (sans transition) la visite au domicile de l’écrivain où l’interview va avoir lieu. Sans transition toujours, on entend les propos de l’écrivain mais aussi le bruit du cellophane du paquet de cigarettes qu’il déchire et que le magnétophone a enregistré. Mise en abysse car c’est Mènis Koumandarèas qui écrit, on ne sait plus s’il est le personnage principal de cette prose (court roman ou longue nouvelle, je ne sais trop) ou s’il est l’auteur des remarques que se fait le journaliste !

L’intrigue est mince mais l’intérêt n’est pas là. Il est dans le portrait de l’écrivain qui répond aux questions de son "tourmenteur". Portrait qu’on devine être, peu ou prou, celui de Mènis Koumandarèas... Sans doute à force d’écrire, on écrit bien comme le dit excellemment l’écrivain. Et l’écriture "peut parfois fonctionner comme une autothérapie et parfois tourner à l’autodestruction. Tout dépend des circonstances." Ou encore : "peut-être perd-on son innocence première en écrivant, mais en persévérant on la regagne"… Ce qui pourrait s’appliquer à la poésie ! Mais les traits autobiographiques sont nombreux : l’origine bourgeoise, le deuxième métier (à moins que ce ne soit le premier), et même ce que la quatrième de couverture laisse entendre par ces mots "… pourrait bien en dire sur le compte de l’écrivain"… Or Mènis Koumandarèas fut victime fin 2014 d’un crime crapuleux non élucidé apparemment à ce jour. Et le lecteur attentif ne manquera pas de relever l’indétermination sexuelle de l’écrivain quand il évoque ses souvenirs de jeunesse (p 40) comme il remarquera l’inclination pour les garçons : Koumandarèas était connu pour ses fréquentations louches, il éprouve une double fascination pour la jeunesse et la beauté ; mais je fais peut-être fausse route car la mise en abysse empêche toute certitude…

À quoi il faut ajouter les allusions à la politique et aux vicissitudes de l’histoire grecque (qu’on trouve aussi dans les poèmes de Ritsos), le tableau de la culture de ce pays (qui peut parfois être comme une gêne pour le lecteur non averti mais il n’est jamais trop tard pour apprendre !) : on aura ainsi mille raisons de lire "Play".

Ménis Koumandarèas : « Play ». Ginkgo éditeur, 128 pages, 15 euros. (Traduction de Nicole Le Bris).


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