Geneviève KRICK, psychanalyste, Janine REICHSTADT, professeur d’Institut Universitaire de Formation des Maîtres, et Jean-Pierre TERRAIL, sociologue, ont élaboré un ouvrage sur l’apprentissage de la lecture et la querelle des méthodes.
Si les générations de la massification du lycée et de l’Université ont bénéficié de la rénovation pédagogique de l’enseignement primaire ainsi que de la généralisation des méthodes mixtes de l’apprentissage de la lecture, demeure la crise actuelle de notre système éducatif. En effet, deux élèves sur trois sont exclus de l’enseignement général pour cause de résultats insuffisants dans les matières fondamentales de la culture écrite, un sur six sort de l’école dans un état proche de l’illettrisme. Quant à l’université, il suffit de se reporter au témoignage du professeur de lettres de Nanterre, l’écrivain Danièle Sallenave dans "Lettres mortes", pour saisir le niveau déplorable voire catastrophique du maniement de la langue écrite par de trop nombreux étudiants.
Aussi, l’un des auteurs, Jean-Pierre Terrail pose la question : "Comment ne pas réexaminer, au vu de ces constats, la façon dont nous assumons l’entrée initiale dans le lire-écrire-compter ?"
Et à Lucette Finas qui lui demande dans La Quinzaine Littéraire "s’il faut pour autant revenir à la (méthode) syllabique alors que ses détracteurs lui reprochent de méconnaître que lire, c’est comprendre et pas seulement déchiffrer", Jean-Pierre Terrail, répond :
"On peut d’abord souligner que les données comparatives dont nous disposons, issues notamment de nombreuses enquêtes menées aux Etats-Unis, convergent pour souligner la plus grande efficacité de la syllabique, y compris en matière... de compréhension du déchiffré. Ce résultat me semble dû pour l’essentiel à deux facteurs. D’une part la syllabique assure un apprentissage beaucoup plus rapide et beaucoup plus systématique du décodage graphophonologique (et, pourrait-on ajouter, un enseignement beaucoup plus facile, souvent directement assuré par les parents "cultivés"). D’autre part la syllabique est la seule méthode permettant d’éviter toute pratique de " lecture devinette ", où le sens du texte est reconstruit grâce à l’impasse sur le déchiffrage de certaines syllabes, de certains mots, des signes de ponctuation. Les élèves que l’on habitue ainsi à se précipiter sur le sens en faisant l’impasse sur la forme acquièrent des habitudes d’approximation langagière et de flou sémantique qui leur porteront inévitablement préjudice pour toute la suite de leur carrière scolaire et de leur vie intellectuelle..."
S’adressant aux auteurs d’Apprendre à lire, Lucette Finas conclut "Bien qu’aucun de vous trois ne se réfèrent à un passé dont il serait nostalgique, vous constatez globalement, après tant d’essais infructueux et de querelles, que les méthodes actuelles laissent trop d’enfants au bord du chemin, en particulier dans les milieux culturellement défavorisés et vous penchez, selon nous à juste titre, pour "l’appropriation systématique du code écrit permise par la méthode syllabique".
Après lecture d’Apprendre à lire, la querelle des méthodes, selon nous également.
Apprendre à lire, la querelle des méthodes - Editions Gallimard Le Débat - 125 p - 13,50 euros.