Depuis plus de 20 ans je participe et initie des projets de coopération en Afrique et dans les Balkans. Mali, Sénégal, Madagascar, Burkina Faso, Niger, Bosnie Herzégovine, Roumanie, etc.
J’ai rencontré au Sénégal des mères dont les enfants sont morts noyés en tentant de rejoindre l’Europe. J’ai le souvenir en 1999 de cette femme malienne dont le fils était parti en France faire des études et qui devenu avocat, n’est jamais revenu au Mali voir sa mère ; de ces villages et petites villes de Bosnie (mais c’est également vrai dans tous les Balkans et au-delà dans les ex pays communistes) qui se meurent faute d’avoir pu garder leurs jeunes ayant migré vers l’UE ou l’Amérique du Nord. (Voir les reportages remarquables des jeunes reporters en Bosnie-Herzégovine, de l’itinérance 2017 de "sur les pas d’Albert Londres" publié dans un Carnet de voyage). J’ai constaté au Mali un manque cruel de médecins alors qu’il y a beaucoup plus de médecins maliens en Europe et aux USA. Peux-t-on accepter une telle situation ?
Certes il faut accueillir dignement les migrants qui arrivent sur notre sol, mais en même temps et surtout il faut travailler à mettre fin aux migrations de la misère. Il faut créer les conditions pour que jeunes et moins jeunes puissent vivre dans la dignité dans leur pays. Car la question des migrations économiques ne concerne pas que les migrants eux-mêmes et le pays d’accueil, mais aussi le pays de départ. L’émigration comme je l’indique plus haut à des conséquences souvent dramatiques pour les pays et les territoires ainsi que pour les familles des migrants. Il y a urgence ! Sinon on ne réglera aucunement les questions migratoires.
A Ouagadougou le Président de la République a pris l’engagement dans son discours devant les étudiants « d’avoir une France au rendez-vous du défi de développement. », en faisant un constat que « l’argent va trop peu sur le terrain, trop peu justement aux jeunes ou ceux qui en ont le plus besoin »
On ne mettra pas un terme aux migrations économiques qui ne pourront que s’amplifier avec les évolutions démographiques du continent africain, si on ne pose pas, avec force la question du développement des pays concernés. Car ces migrants ne viennent pas en France ou en Europe par plaisir, mais parce qu’ils fuient la misère, la fin, les aléas climatiques.
Or depuis plus de 20 ans, malgré les déclarations et de multiples études, les différents gouvernements ont été mis en échec. Et ce n’est pas qu’une conséquence de la faiblesse du montant de l’APD, certes insuffisante.
C’est aussi et d’abord parce que l’on n’a pas su mettre en synergie et dans des stratégies partagées l’ensemble des acteurs de la coopération et de la solidarité.
II)Mettre en synergie et dans des stratégies partagées l’ensemble des acteurs de la coopération et de la solidarité.
Ces acteurs sont très nombreux au plan national et dans chaque département : l’Etat central et ses différentes administrations et opérateurs dont l’AFD, les collectivités territoriales avec les coopérations décentralisées et les jumelages, les établissements scolaires, de l’école à l’Université, les ONG et les associations dans tous les domaines de la vie des territoires, les associations de migrants, les associations de jeunes, les entreprises et les organisations professionnelles, etc. Il y a là un potentiel de centaines de milliers d’acteurs, voire plus qui agissent à l’international et dans le domaine de la coopération, souvent en ordre dispersé, quand ils ne sont pas en concurrence. Cela concerne aussi nombre d’acteurs européens. C’est le constat que j’ai fait et que je fais encore dans les actions de coopération que je mène.
Il est temps de créer les conditions d’une mutualisation des actions des différents acteurs dans les territoires de coopération :
-en faisant vivre concrètement l’interministériel
-en créant au plan national une instance de coordination des tous les acteurs de la coopération (Un Haut Conseil de la coopération)
-En créant dans chaque département un délégué bénévole, issu des acteurs de la coopération auprès du Préfet chargé d’animer et de promouvoir des mutualisations entre tous les acteurs de la coopération et de la solidarité, en lien avec les réseaux régionaux de la coopération et le Haut Conseil
-En apportant des co-financements conséquents aux projets et actions mutualisés. Dans un 1er temps, expérimenter des actions ciblées au niveau territorial pour élaborer une méthodologie à appliquer ensuite au niveau national. Trouver des territoires partenaires. Créer un fond d’expérimentations
Cette mise en synergie de tous les acteurs de la coopération donnera ainsi une force de frappe considérable pour répondre aux défis et enjeux du développement.
Il est temps également de favoriser dans tous les territoires et collectivités le développement de coopérations décentralisées et des jumelages. La coopération décentralisée par sa proximité peut permettre de faire avancer des solutions aux problèmes rencontrés par les territoires partenaires et leur population, ainsi qu’une prise de conscience chez nos propres concitoyens des moyens à mettre en oeuvre pour avancer vers un monde plus solidaire et plus pacifique. Aucun territoire et aucune collectivité ne devraient être absents de cet effort de coopération et de solidarité.
Dans ses vœux du nouvel an, le président de la République a appelé nos concitoyens à se mobiliser et à agir. Ils sont déjà nombreux à le faire. Ils pourraient l’être encore plus. Pourquoi ne pas décréter l’action extérieure de la France pour le développement et la coopération comme « Grande cause nationale 2018 » ?
Pourquoi ne pas faire de la jeunesse dans toute sa diversité, le vecteur de cette mobilisation pour le développement ? Ce serait une manière de sortir du débat mortifère entre acteurs de la solidarité envers les migrants et l’impérieuse nécessité du développement des pays d’émigration.
Il faut aussi faire cesser cette maladie française qui consiste à réaliser des études pourtant pertinentes et à ne jamais les mettre en application ou à vouloir à chaque changement au sein des gouvernements et des administrations, faire table rase du passé et ne pas tenir compte des réflexions passées ou en cours. Depuis que je suis engagé dans la coopération décentralisée, j’ai eu connaissance de nombreuses réflexions qui répondaient parfaitement aux enjeux du développement et de lutte contre les migrations de la misère. J’ai ainsi eu l’occasion de travailler avec la Ministre Annick Girardin sur l’engagement de la jeunesse à l’international. Ses préconisations concernant la jeunesse peinent à se concrétiser.
Jean Claude Mairal a été président du conseil général de l’Allier (1998-2001) et vice-président du Conseil régional d’Auvergne en charge de l’Europe et de la coopération internationale (2004-2010). Il est président de la plateforme de coopération France/ Balkans-Europe du Sud Est de la CNCD et de « Sur les pas d’Albert Londres »