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Michel Clouscard : compte-rendu de la rencontre du 6 avril 2009
Par Aymeric Monville

La rencontre était organisée par la Fondation Gabriel Péri, en collaboration avec La Faute à Diderot. Etaient invités Aymeric Monville, directeur des Editions Delga qui ont entrepris d’éditer l’œuvre complète de Michel Clouscard, et Dominique Pagani, ancien professeur de philosophie et proche collaborateur de Clouscard. Laurent Etre, journaliste à L’Humanité animait la rencontre.

Nous avons rappelé à grands traits les caractéristiques de ce que Clouscard appelle « le capitalisme de la séduction » ou encore « le libéralisme libertaire ». Il s’agit d’un type de société qui se met en place à la faveur du plan Marshall et des mutations dans le mode de production. Une société permissive pour le consommateur et répressive envers le producteur. (cf. texte d’A. Monville sur Mai 68 dans l’oeuvre de Michel Clouscard publié sur ce site).

Nous avons insisté sur l’originalité de Clouscard par rapport à un marxisme traditionnel, en ce qu’il articule les classes sociales non simplement sur la production, mais aussi sur la consommation.

Des précisions ont été apportées concernant la différence qu’instaure Michel Clouscard, dès Néo-fascisme et idéologie du désir, entre les « biens d’équipements » et les « biens de consommation ». Contrairement à ce que disait un certain gauchisme marcusien, à partir des années 60, la classe ouvrière ne s’est pas « vendue pour un plat de lentilles » en participant de plain-pied à la « société de consommation ». Au contraire, elle n’a eu, à partir de l’après-guerre, accès peu à peu qu’aux biens d’équipements qui, de toute façon, s’avéraient nécessaires à la production. Par exemple, une voiture pour se rendre au travail en centre-ville (vu l’exode rural imposé et l’augmentation des banlieues), une machine à laver pour que la femme puisse mieux participer à la production. Mais la classe ouvrière n’a pas accès à ce que Clouscard appelle la « consommation libidinale, ludique marginale ». Bref, la classe ouvrière est exploitée non seulement dans la production, mais également dans la consommation.

D’où le caractère très actuel de l’oeuvre de Clouscard face au discours "écolo", en réalité néo-malthusien, mis en œuvre dès le Club de Rome.

Mais l’œuvre de Clouscard ne se limite pas à une analyse sociologique. Elle repose avant tout sur un projet philosophique qui consiste à articuler praxis et psyché, c’est-à-dire à expliquer en quoi l’individualité s’articule à partir de la production. Sont évoqués à ce propos L’Être et le Code, Le Traité de l’amour fou.

Chez Kant, le sujet transcendantal est une donnée atemporelle. Chez Clouscard – dans la lignée de Hegel et Marx – il est le résultat d’une pratique historique.

L’œuvre de Clouscard demande un travail non seulement de connaissance, mais également de reconnaissance. C’est une oeuvre non seulement théorique mais également politique.

Pour ce faire, il faut comprendre l’idéologie de l’adversaire et comprendre à quelles caractéristiques générales elle se rattache, autrement dit il faut identifier ce que Clouscard appelle le néokantisme (qui prend chez lui une dimension plus large qu’elle ne l’a dans l’histoire classique de la philosophie). Nous avons précisé l’application large que Clouscard en fait, en cernant quatre de ses caractéristiques :
- dichotomie du noumène et du phénomène qui permet de séparer la morale de la politique
- dichotomie du formalisme et de l’empirisme (loi abstraite / cas concret)
- donation de sens selon l’antéprédicatif (ex. de Lévy-Strauss), c’est-à-dire mise en avant d’un élément prétendu explicatif avant la rationnalité humaine ; l’ontique heideggérien a également la même fonction
- donation de sens selon le signifiant (ex. Lacan) ; qui permet d’évacuer la question du référent

Le discours psychanalytique, quand il prétend à un impérialisme théorique centré sur l’inconscient, a pour fonction de cacher l’inconscient de l’inconscient, la production.

Nous avons également précisé le combat de Clouscard contre l’influence du structuralisme au sein du marxisme, notamment ses différends avec Althusser. Là où Althusser parle de "procès sans sujet", nous avons montré en quoi chez Clouscard, l’histoire permet une production du sujet.

Les questions portaient principalement sur la légitimité à parler, comme le fait Clouscard, de néofascisme ou encore de « pré-fascisme comportemental ». Les orateurs ont précisé que le préfixe « néo » rendait bien compte d’une différence, et que, sans tomber dans l’amalgame gauchiste, le risque d’un retour à la répression ou pour reprendre les termes de Dimitrov, à la « dictature terroriste de la bourgeoisie », n’était pas exclu. Clouscard montre bien que « le capitalisme de la séduction » est une société transitoire. Nous avons donc montré en quoi Clouscard ne cesse d’anticiper la crise actuelle et ses développements.

Une autre question mettait en cause la légitimité de présenter mai 68 comme la défaite des deux forces de la résistance, gaullistes et communistes, en reprochant aux orateurs de ne pas voir les divergences profondes entre ces deux mouvements. Sans bien sûr nier non seulement les divergences mais également les antagonismes entre ces deux mouvements, les orateurs ont souligné l’importance du positionnement pro ou anti-atlantiste que l’on doit superposer au clivage droite gauche, sous peine de ne rien comprendre à notre situation nationale.

Une autre intervention contestait la chronologie proposée. Ce à quoi il est répondu que l’œuvre de Clouscard ne porte pas sur les grands événements macroéconomiques (il renvoie le plus souvent aux analyses du CME développées par le PCF), mais sur les conséquences au niveau social, des mœurs etc. Ce serait donc sombrer dans le mécanisme que d’imaginer une répercussion immédiate au niveau des moeurs à chaque grand événement macroéconomique.


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