C’est la chronique d’une mort annoncée. Ou plutôt devrait-on dire d’un assassinat. Depuis l’adoption de la loi relative à la langue française, dite loi Toubon, en 1994, les principaux dirigeants de la France ont pris un certain nombre de décisions qui ont gravement affaibli la langue française.
De la signature du protocole de Londres sur les brevets par Lionel Jospin jusqu’aux dernières mesures scolaires prises par Luc Chatel, ou par l’ « angliciseur » en chef de l’enseignement supérieur qu’était feu Richard Descoing, tout a été fait pour saborder délibérément la langue de la République.
Désormais, l’histoire ou les maths peuvent être enseignées en « langues étrangères » dès le collège. Formule hypocrite qui désigne la substitution de l’anglais au français comme langue de l’enseignement en contradiction avec la constitution. Et il en va de même au lycée, dans plusieurs grandes écoles et dans certaines universités, sans évoquer les crèches ou les écoles maternelles (privées) où l’on s’adresse aux bambins dans une autre langue que celle de Victor Hugo et de Louise Michel.
Le monde du travail est aussi pleinement concerné puisque l’anglais y est maintenant obligatoire pour nombres d’offres d’emplois, y compris sans aucune relation avec l’étranger. Au point que la CFE-CGC vient de tenir colloque pour dénoncer cette dérive qui aggrave le mal-être de nombreux cadres et employés, désormais sommés de travailler en langue étrangère dans leur propre pays !
Il ne faut pas s’y tromper. Cela ne relève en aucune façon d’une nécessité. Des linguistes aussi renommés que Claude Hagège ou Alain Bentolila ont dénoncé cette inféodation. La récente publication du rapport Apprendre les langues. Apprendre le monde, par un comité stratégique pour les langues, dont la composition laissait à elle seule deviner la conclusion, relève dans ce contexte d’une complète malhonnêteté. A l’inverse, le rapport de François Grin, publié en 2005 (L’enseignement des langues étrangères comme politique publique), et qui prônait une diversification accrue de l’offre de langues, a été purement et simplement ignoré, de même que le rapport présenté au Sénat par M. Jacques Legendre. En effet, à l’heure de la soumission à l’ordre américain, il ne saurait être question d’apprendre autre chose que l’anglais. Et ce même si cela va à l’encontre des recommandations de la Commission Européenne ! Pis, on en arrive à l’incohérence la plus complète puisque dans le même temps, on prétend développer les baccalauréats bilingues avec l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie.
Et ne parlons pas de l’attitude du patronat de ces entreprises privées et « publiques » qui appliquent avec zèle la recommandation du syndicat patronal européen Business-Europe, alors présidé par le Baron Seillière, désignant l’anglais comme LA « langue de l’entreprise et des affaires » : systématiquement, tous les produits et enseignes nouveaux sont nommés en anglais, y compris quand le marché français est le seul visé (la SNCF et France Telecom, - sans trait d’union ni accents -, bat tous les records en la matière).
Aucun programme politique, ou presque, ne comporte quelque disposition que ce soit en faveur de la langue française en France même. Certes la francophonie est évoquée. Mais quel sens cela revêt-il alors qu’il est de plus en plus difficile d’étudier en français certaines disciplines, notamment scientifiques, dans notre pays ? D’aucuns parleraient de schizophrénie. Et cela d’autant plus que nombre de mouvements régionalistes, appuyés par certains « présidentiables », exploitent la référence, légitime en elle-même, aux langues régionales, pour demander le dés-établissement de fait du français et pour promouvoir ce que le MEDEF nomme pudiquement la « reconfiguration des territoires » : en clair, l’éclatement de la République une et indivisible dans le cadre d’une Europe des régions privée de toute défense face au « tout-marché ».
Les enjeux de ces attaques convergentes contre le français et les francophones, - durement attaqués au nom de l’anglais en Suisse et au Québec (sans parler de la Belgique où le « Ramina-Globish pourrait bien avaler à la fois la « belette » francophone et le « petit lapin » néerlandophone !) -, sont multiples : mise à mort de la diversité culturelle mondiale au nom d’une novlangue unique porteuse de politique et de pensée uniques (et qui, faut-il le dire, sera moins la langue de Shakespeare que le Business Globish), discriminations linguistiques massives vue frappant les gens modestes et les populations défavorisées, et plus globalement tous ceux qui ne sont pas « English mother tongue », destruction de ce premier service public de France qu’est la langue de Molière.
Alors, snobisme, cynisme, auto-colonisation ou inconséquence ? Ce qui est certain c’est que les « élites » de l’hexagone sont en passe d’assassiner en silence, sans le moindre débat public, donc de manière insidieusement totalitaire, la langue de la France et de la Francophonie internationale. Il revient donc au peuple français de prendre la parole pour ne pas se laisser couper la langue.
L’heure est donc venue pour les vrais amis de la République et de sa langue si malmenée de briser l’omertà linguistique en imposant le débat sur la barbare politique d’arrachage du français que d’aucuns prétendent travestir en « ouverture sur la modernité ».
Georges Gastaud, Guillaume Baudouin, Gaston Pellet, animateurs du COURRIEL ; André Bellon, ancien député ; Jean-Jacques Candelier, député (PCF) ; Aurélien Djament, mathématicien au CNRS ; Denys Ferrando-Durfort, président de l’ONG Le Français en Partage ; Georges Hage, président d’honneur du PRCF, ancien doyen de l’Assemblée nationale ; Jean-Pierre Hemmen, fils de Fusillé de la Résistance, vice-président du PRCF ; Ivan Lavallée, professeur des universités, Docteur d’Etat ès Sciences ; Annie Lacroix-Riz, historienne ; Léon Landini, président de l’Amicale Carmagnole-Liberté des anciens FTP-MOI ; Maurice Le Lous, militant associatif ; Vincent Flament, Nadia Majdzerdzak, Laurent Nardi, Jany Sanfelieu, professeurs de français ; Dominique Mutel, agrégé d’anglais ; Dominique Noguez, écrivain ; Pierre Pranchère, ancien FTPF, ancien député ; Jean-Luc Pujo, président des Clubs Penser la France ; Régis Ravat, délégué CGT à Carrefour-Nîmes ; Noëlle Vesser, animatrice de l’Association Francophonie Avenir.
Site de l’association Courriel : http://www.courriel-languefrancaise.org/