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Pétain et De Gaulle : "Deux hommes que tout pouvait réunir et que tout va séparer"
Philippe Pivion a lu "Pétain en vérité" et "De Gaulle-Pétain, le destin, la blessure, la leçon"

Les éditions Taillandier nous livrent deux ouvrages sur Pétain, l’un de Marc Ferro, l’autre de Salat-Baroux. Ce dernier croise les destinées de Pétain et de De Gaulle. Cela se lit comme un roman. Très documenté, le livre aide à mieux comprendre ces deux hommes que tout pouvait réunir et que tout va séparer. C’est une genèse de la mort du père pour de Gaulle et de la trahison du fils, qu’il n’a jamais eu, pour Pétain.

L’écriture alerte accompagne le lecteur dans la découverte d’une foule d’informations qui donnent du sens à l’Histoire. Concernant Pétain, la débandade de juin 1940 est remarquablement rendue jusqu’au piège de l’armistice dont il ne sortira pas. Pétain est l’homme de la droite la plus réactionnaire, et le programme qu’il appliqua a été publié par Gustave Hervé dès 1936, sans doute avec la plume de Rafael Alibert, sous le titre « C’est Pétain qu’il nous faut ». C’est dire si Pétain n’est pas un accident de l’Histoire mais le produit d’une démarche politique conduisant l’essentiel de la classe politique de l’époque à composer avec Hitler, perçu comme le meilleur rempart contre le bolchevisme, et ce, dès 1934.

Pour De Gaulle les chapitres abordant l’Algérie et les relations avec Roosevelt donnent froid dans le dos [1]. Ils démontrent aussi que nous n’en avons pas fini avec la recherche historique concernant cette période.

Le livre de Marc Ferro est d’une autre nature. Présenté sous la forme d’une interview, il se lit avec facilité. Un de ses intérêts provient du fait qu’il croise le regard du témoin de l’époque, Ferro prend le maquis, et celui de l’historien. On est captivé par l’atmosphère qui s’en dégage. Deux regrets concernant cet ouvrage, le manque de références et parfois quelques raccourcis historiques, peut-être dus à la forme de l’ouvrage : ainsi, l’instabilité ministérielle n’existe-t-elle pas après le 6 février1934, mais avant ou bien ce n’est pas pendant le Front populaire que Pétain est nommé auprès de Franco, mais en mars 1939.

Les deux ouvrages sont utiles à l’appréhension de cette période charnière, même s’ils sous-estiment l’apport de la gauche la plus consciente dans l’évolution du rapport des forces, notamment l’apport communiste, tout comme sa répression. Comment peut-on passer sous silence que l’Humanité est interdite dès 1939, que le PCF est dissout et que les parlementaires communistes ont déjà été déchu de leur mandat par Daladier et qu’ils sont, pour l’essentiel emprisonnés, lorsqu’à Vichy se déroule le pathétique sabordage de la République ? Mais le lecteur saura rétablir ces dimensions.

Marc Ferro : Pétain en vérité éditions Taillandier
Frédéric Salat-Baroux : De Gaulle-Pétain, le destin, la blessure, la leçon, éditions Taillandier.

Notes :

[1Citons ainsi ce passage du livre : "Roosevelt considère, en effet, qu’il faut soumettre la France libérée à une administration militaire alliée : l’AMGOT. La monnaie doit être émise par les alliés. Il n’est pas question de restaurer le pays dans sa souveraineté avant les élections générales. Il est encore moins question de reconnaître un quelconque rôle à De Gaulle et au Comité d’Alger. La doctrine américaine reste au fond celle du "Darlan Deal" : traiter au cas par cas avec les autorités administratives en place" (page 202-203)


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