Le populisme est partout. Dans les comportements, les discours, les écrits. Il y a d’abord eu la peur de l’étranger flattée par la droite, la chasse aux Roms érigée en distraction de l’été par le chef de l’Etat, tandis que son ministre de l’intérieur moquait les "bien-pensants". Et il y a aujourd’hui, à gauche, l’offensive populiste menée et assumée comme telle par Jean-Luc Mélenchon. Le fondateur du Parti de gauche ne prend pas pour cible les Roms, mais il a une longue liste d’ennemis qu’il prend plaisir à dézinguer en optant tantôt pour la diatribe tantôt pour l’insulte.
Au début, lorsque cet amoureux des mots avait qualifié de "petite cervelle" un étudiant en journalisme qui le serrait d’un peu trop près, on avait mis cela sur le compte d’un tempérament trop entier. Puis il y a eu ces insultes : "Salaud !", "Laquais des puissants !" lancées contre David Pujadas, le présentateur du journal télévisé de "20 heures" de France 2 et, pour le coup, parfaitement assumées. "Je suis un responsable politique, pas un prêtre ni une autorité morale !"
Et encore ce livre au titre explicite Qu’ils s’en aillent tous (Flammarion, 10 euros) qui vient de paraître et dans lequel l’ex-socialiste règle ses comptes, tirant à boulets rouges sur "les barons des médias", "la clique du Fouquet’s", les "ultra-riches gorgés de fric", les "antihéros du sport, blindés d’ingratitude". Un à un désignés puis jetés dans une même bulle de détestation que le peuple est appelé à crever d’un spectaculaire "coup de balai". Mélenchon, c’est du Besancenot revisité par Le Pen.
La période est fébrile, excessive, émotive. Pour se faire entendre, il faut parler fort, transgresser. M. Sarkozy a donné l’exemple au sommet de l’Etat. Et il trouve partout du répondant. La droite impuissante érige l’étranger en "bouc émissaire" du mal-être national. La gauche radicale alimente une colère verticale. "Populiste, ça veut dire détester les élites. J’assume !", expliquait récemment M. Mélenchon à la journaliste du Monde qui l’interrogeait sur la radicalisation de son verbe.
Le peuple contre l’élite. Vieille bataille, qui reflète la crise non résolue du politique. Elle nourrit les extrêmes et met sous pression le camp des gouvernants.
L’offensive de l’été n’a rien rapporté à M. Sarkozy. Depuis la crise, le président a perdu le fil de son quinquennat. Il mène la réforme des retraites à l’aveugle. La gauche gouvernementale espère récupérer la mise mais ne s’en donne pas les moyens : pas de leader, pas de projet clair, donc pas de confrontation raisonnée avec la droite gouvernementale. Le populisme est aussi le syndrome de cela : l’absence de perspectives.
Article paru dans Le Monde du 16 octobre 2010