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Pour une nouvelle gouvernance territoriale, par Jean-Claude Mairal

La décentralisation telle qu’elle a été organisée depuis 1982 avec ses retouches successives qui visait à rapprocher les lieux de décision des citoyens n’a pas été menée jusqu’au bout de sa logique, sans moyens adéquats, avec un désengagement de l’État national garant pourtant de la cohérence des politiques publiques. Elle a entraîné, outre une organisation institutionnelle des plus complexes au monde et illisible pour les citoyens, une atomisation et une segmentation des politiques publiques favorisant la concurrence entre territoires. En effet, chacun, maître de ses décisions en son fief, peut s’il en a les capacités financières, mener les projets qu’il souhaite, sans tenir compte des autres strates institutionnelles et territoires. C’est la conséquence pour une part de la clause générale de compétence voulue par le législateur en 1982, mais surtout du système politique français qui renforce la logique de fief électoral notamment au niveau des grandes collectivités.

C’est conscient de cela que depuis 15 ans, de la commission Mauroy au rapport Atalli en passant par les lois Chevènement et Voynet ainsi que l’acte 2 de la décentralisation initié par Jean-Pierre RAFFARIN, les gouvernements successifs ont essayé de simplifier ce « mille feuilles » institutionnel en promouvant l’intercommunalité, la disparition de telle outelle strate en particulier les Conseils Généraux, voir les communes les plus petites. Le Président de la République vient d’annoncer qu’il veut relancer ce chantier.

Même si les communautés de communes et d’agglomération, et les Pays ont permis d’avancer dans la mise en œuvre d’une coopération renforcée entre les collectivités, force est de constater qu’en 2008 le système français est toujours aussi complexe, sinon plus.

En effet, toute proposition d’évolution et/ou de suppressions se heurte à la réaction indignée des élus concernés, mais aussi des citoyens (on a ainsi constaté avec l’évolution des plaques minéralogiques combien ceux-ci étaient attachés à leur département).

De ce fait, on reste dans un statut quo qui,peu à peu devient, mortifère. Il faut donc développer d’autres pistes de réflexions et d’actions qui ne reposent ni sur la disparition de strates institutionnelles, ni sur le partage de compétences entre collectivités locales, départementales, régionales et administrations d’Etat. Personne n’est prêt à cela. Car si la société se transforme rapidement le système de pensée évolue lentement.

Pourtant l’urgence est là, pour l’avenir des territoires et de leur population. Il faut penser une nouvelle gouvernance territoriale qui articulerait entre elles les différentes instances (Conseil régional, Conseil Général et intercommunalité) dans l’exercice d’une responsabilité partagée dans les territoires, en synergie avec l’ensemble des acteurs et citoyens présents sur ceux-ci. Et ainsi construire une nouvelle culture de gestion, une gouvernance territoriale basée sur la coopération et non sur la concurrence, sur la transversalité et non sur la verticalité, entre les différentes strates institutionnelles et administratives.

Il faut désormais promouvoir une logique de co-construction, de co-élaboration et de co-mise en œuvre, à l’image de l’intercommunalité, des politiques publiques des Conseils Régionaux, Généraux et des communautés de communes et d’agglomérations.

C’est d’autant plus indispensable qu’il faut avoir la modestie de considérer la réalité de la taille et des moyens de la plupart des collectivités françaises dans un monde ouvert.

C’est d’autant plus nécessaire que la vie des citoyens d’aujourd’hui n’est plus celle des années 70 et qu’elle ne recoupe pas les divisions et strates administratives. On habite à un endroit, on se forme, on travaille et on fait ses courses à un autre. On exerce sa vie professionnelle dans une région et on effectue sa retraite dans une autre. La mobilité est devenue un des éléments majeurs de la vie de la plupart des individus. Les évolutions sociétales, sociales, économiques et des moyens de communication, la révolution informationnelle, les modes de consommation, le poids des enjeux et défis planétaires, les questions environnementales font que les citoyens et les territoires sont de plus en plus interdépendants. Ce qui se fait à un endroit a des répercussions (positives ou négatives) à un autre endroit.

Bref il est temps de repenser la gouvernance territoriale, de faire de la transversalité et de la coopération l’axe majeur de toute politique publique, dans le respect de chacun.

Ainsi nous ne pouvons que nous féliciter de voir que six régions (Auvergne- Bourgogne – Languedoc Roussillon – Limousin – Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes) viennent se s’unir au sein d’un groupement d’intérêt public interrégional pour construire l’avenir du Massif Central. Une première en France.

Une telle démarche pourrait se décliner dans la plupart des secteurs de la vie humaine où, sur la base de la co-construction de schémas de développement régionaux (mais aussi interrégionaux si nécessaire) dans les domaines de l’économie, de la formation, du développement durable, du social, des transports, etc,. ceux-ci seraient déclinés dans chaque territoire par la collectivité concernée dans une démarche de co-mise en œuvre. Des groupements d’intérêts territoriaux pourraient être créés et gérés par l’ensemble des partenaires, toujours dans le respect de chacun. Avec une implication forte des citoyens par le développement de pratiques de démocratie participative.

Avec une telle évolution n’est-il pas temps aussi pour l’État national, l’État déconcentré de retrouver son rôle de garant de la cohésion sociale et de l’égalité territoriale ?

Certes une nouvelle loi de gouvernance et d’organisation territoriale devra voir le jour. Mais sans attendre celle-ci il est possible d’aller de l’avant, de créer les conditions de cette coopération entre territoires et collectivités. Il suffit pour cela que les élus en aient la volonté et le courage politique. Avec une seule ambition celle de répondre aux intérêts des territoires et des citoyens.

Jean-Claude MAIRAL est Vice-Président du Conseil Régional Auvergne, conseiller communautaire à Vichy Val d’Allier, ancien Président du Conseil Général d’Allier


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