Connaissez-vous l’Institut International de Théâtre Méditerranéen ? En fait, rien de moins institutionnel que cet institut-là.
L’origine de l’IITM remonte au Festival de Mérida de théâtre classique, en Espagne, qui dans les années 83-88 et sous la direction de José Monleón, critique d’art, est devenu une rencontre avec la tradition méditerranéenne. En 1989, la création de l’IITM comme fondation autonome a été envisagée pour enrichir la défense du dialogue culturel méditerranéen dans l’assurance qu’il s’agissait d’une tâche essentielle pour réduire les tensions de la zone, qui sont souvent le fruit d’interprétations intéressées et fausses de l’histoire.
« Si nous admettons que la culture, mémoire active et critique, joue un rôle dans la création d’une Europe solidaire et démocratique, alors la tradition méditerranéenne s’affirme aussitôt comme une valeur fondamentale, notamment l’expression scénique, d’où surgisent, depuis le drame antique grec jusqu’à nos jours, des débats philosophiques et politiques, des conflits, des images, des personnages et des formes de spectacle qui sont à la base de l’identité de tous les peuples du bassin méditerranéen.
L’Histoire politique et économique a introduit une série de facteurs qui, non seulement, a minimisé ou déformé des valeurs méditerranéennes spécifiques, mais encore rendu difficile la rencontre réelle entre ses peuples, la connaissance de leurs différences ainsi que l’affirmation de ce qui les unit.
Dans la dynamique historique actuelle -toujours difficile- nous pensons devoir jouer un rôle actif pour la création de circonstances qui favorisent la rencontre méditerranéenne, en associant les efforts aujourd’hui isolés et en organisant notre collaboration, étant entendu que notre projet méditerranéen intègre les cultures de ses différentes rives. Tel est les sens de notre Institut International du Théâtre de la Méditerranée (IITM), parmi d’autres initiatives qui, dans divers pays, concourent au même objectif, l’Institut veut contribuer au rapprochement entre les animateurs, créateurs, institutions et organismes liés au théâtre méditerranéen, en assurant la continuité du dialogue initié à Mérida.
La culture méditerranéenne possède, parmi l’ensemble de ses vertus, sa dynamique, sa diversité, son polycentrisme, son irréductibilité politique, géographique ou conceptuelle. L’IITM est, au-delà de sa dimension, absolument fidèle à ces vertus et répond, à partir de la réalité politique actuelle, à la volonté de contribuer- grâce à l’information, la recherche, aux éditions dans les langues méditerranéennes et au maintien d’un espace de dialogue et d’échange artistique- au développement d’une voix, ouverte et collective, qui défende la valeur des traditions, recherches et expérimentations de la scène méditerranéenne dans la vie culturelle de notre époque..En définitive, il est, ou voudrait être, une part de la réponse active et responsable du monde théâtral méditerranéen à la réalité contemporaine. » José Monléon – Mérida, le 28 juillet 1990.
L’IITM France est sous la présidence de Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille (voir : Un théâtre entre en résistance et Trois mois se sont passé, Quand le théâtre traitait du syndicalisme).
L’IITM regroupe, dans 24 pays de la zone méditerranéenne, des institutions et des représentants de la société civile pour permettre une mise en réseau dynamique dans chaque pays. Chaque année au mois de mai, depuis 1991, se tiennent au Théâtre Toursky les Rencontres Internationales du Théâtre Méditerranéen. Le premier avait pour thème « Paix et violence en Méditerranée » celui de 2011 « Union des marchands ou Union de fraternité. L’union pour la Méditerranée aujourd’hui : bilan ».
En 2001 apparaît une autre aventure « L’Odyssée pour la paix ». Il s’agit de relier des ports de la Méditerranée, avec à bord des artistes, des poètes, des musiciens : chaque port voit des échanges de spectacles… En 2001, un partenariat avec l’Etat-major de la Marine Nationale Roumaine a permis de relier 14 ports de la Méditerranée, du 3 juin au 6 août, à bord du porte-hélicoptères Le Constanta et de développer un programme artistique porté par plus d’une centaine d’artistes internationaux : Marseille, Sagunto, Valence, Nador, Mostaganem, Alger, Annaba, Cagliari, Pescare, Split, Kotor, Ithaque (la moindre des choses pour une odyssée), Varna, Braïla, Constanza.
Je me rappelle, au départ de Marseille, être resté les 3 jours que durait l’escale de départ : souvenir très fort de la cohabitation entre deux mondes que tout séparait et qui s’est pourtant déroulé, volens nolens : parfois nolens mais à l’arrivée volens.
Tellement volens que, comme en 2001, l’IITM et la marine nationale roumaine ont organisé conjointement le périple de l’Odyssée 2003 ; la réalisation du projet servant également de missions d’études pour la centaine de cadets embarqués à bord du Constanta. Incluant de nouvelles étapes du coté des iles méditerranéennes et des pays tels que la Tunisie et la Lybie, le périple s’étendait sur 17 villes portuaires, entre le 2 juin et le 23 juillet 2003.
En 2007, ce périple se réalise sur le Danube, axe mythique de l’Europe établissant un trait d’union entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale. A bord du navire fluvial, le Théodor Körner, des artistes, musiciens, poètes, photographes, écrivains, danseurs, saltimbanques mais aussi des journalistes et des hommes politiques se sont fédérés. Les étapes, du 1er au 15 septembre : Vienne, Hainbourg (Autriche) Bratislava (Slovaquie), Budapest (Hongrie), Belgrade (Serbie) Turnu Severine, Cetate (Roumanie) Syisthov (Bulgarie), Giurgu, Bucarest (Roumanie).
En 2013, l’Odyssée retrouvera le Constanta et s’inscrit dans le cadre de la politique du développement de la coopération culturelle dans l’espace euro-méditerranée, et "Marseille Provence, capitale européenne de la culture".
Le bateau partira du port de Constanta (Roumanie) pour faire des escales de 3 jours dans les ports de Varna (Bulgarie), Pescara (Italie), Kotor (Monténégro) Dubrovnik (Croatie) Saranda (Albanie) Principauté de Monaco, Marseille (France) Valencia (Espagne), Tanger (Maroc), Alger et Veïja (Algérie) Hammamet (Tunisie) Tripoli (Lybie) Alexandrie (Egypte) Rhodes (Grèce) et Istanbul ((Turquie).
Tout au long du périple, chaque escale s’inscrira dans un programme artistique d’échanges, de découvertes et de rencontres autour de l’organisation de plusieurs chantiers artistiques :
-Les débats Poètes et Politiques, pilotés par Jean Poncet [1], poète, écrivain, ancien conseiller au Ministère des Affaires étrangères, avec entre autre Jean Glavany, ancien ministre, Jean-Marc Coppola, vice-président du Conseil Régional PACA , Pierre Laurent, secrétaire national PCF, Pierre Darhèville, secrétaire départemental PCF des Bouches du Rhône.
-Union des journalistes, journalistes de la méditerranée, piloté par Jacqueline de Grandmaison, journaliste, vice-présidente de l’Union des clubs de la presse de France et Francophone.
-Le marathon de la Poésie, piloté par Jean Poncet, parrainé par Armand Gatti
-L’arrivée de l’autre dans l’imaginaire de l’enfance et de l’adolescence, piloté par Salem Mekki, président de l’Organisation pour l’éducation et la famille (Tunisie)
-L’éducation, la culture et les médias des pays méditerranéens, piloté par Fredj Chouchane, auteur-animateur et scénariste à la télévision tunisienne.
Le bateau disposera d’une mise en écho permanente par un réseau international de journalistes, piloté par Emilio Garrido, Radio Nationale Espagnole et Jacques Hubinet, Les Films du Soleil, Marseille.
Deux temps artistiques forts :
-La création mondiale de « L’Opéra du Pauvre » de Léo Ferré, pour le vingtième anniversaire de la mort de Léo. La mise en scène est de Richard Martin, la direction musicale (sous réserves) Jean Paul Casadesus. Cette création mondiale sera présentée dans tous les ports d’accueil. La constitution de la troupe internationale repose sur la mise à disposition de plusieurs comédiens et chanteurs par chaque pays partenaires.
-14 juillet 2013 : « Nuit Léo Ferré ». Cette date, choisie pour l’escale du bateau à Marseille, correspond à la célébration du vingtième anniversaire de la mort de Léo Ferré. Cette soirée sera retransmise en simultané sur écran géant et en plein air dans le XIIème arrondissement de Paris, Place Léo Ferré, à Monaco, Place Léo Ferré, et en Italie, à Castellina, ville où Léo Ferré est décédé le 14 juillet 1993.
Avec Pierre Arditi, Michel Bouquet, Bernard Lavilliers, Michaël Lonsdale, Marie Claude Piertragalla, Luca Lombardo, Didier Lockwood, Michel Bourdoncle, Caroline Casadesus, Angélique Ianatos, Sapho, Alkaz, Julien Derouault, Yerso, Sonia M’Barek, Richard Martin, Rufus, Michel Hermon
« Nous, les poètes nous haïssons la haine et nous faisons la guerre à la guerre. » (Pablo Neruda)
Jusqu’où s’arrêtera Richard Martin ? Il va même jusqu’à embarquer en 2013 des artificiers chinois, de ceux qui ont signé le feu d’artifice des JO de Pékin. Au moment du départ de chaque escale ceux-ci feront tirer depuis le canon, non des obus, mais le mot « Paix »
Soyons réalistes, demandons l’impossible ?
[1] Co-gréviste de la faim avec Richard Martin, voir « Un théâtre entre en résistance »