Désespérés ! Les nord-américains doivent vraiment être au comble du désespoir avec la crise économique. Sinon, comment expliquer que Time magazine ait pu, dans un geste désespéré, inviter ni plus ni moins que Karl Marx au Forum Economique Mondial de Davos, en le mettant en couverture ?
Incroyable certes, mais d’une actualité incontestable. "L’Economie mondiale – qu’en dirait Marx ?" était la une du magazine, illustrée par le célèbre portrait numérisé de Marx. En effet, très pertinent et opportun l’extrait du Manifeste du Parti Communiste mis en exergue par la rédaction :
"L’actuelle société urbaine, avec ses relations de production, d’échange et sa structure de propriété qui, par un tour de magie, a créé de gigantesques moyens de production et d’échange, ressemble à un apprenti sorcier incapable de contrôler les forces souterraines qu’il a, par ses sortilèges, libérées".
Il est vrai que ces derniers temps, beaucoup en appellent à Karl Marx.
Même l’Eglise Catholique. Bien sûr, non pas officiellement par le biais du Vatican, mais par l’intermédiaire de l’Archevêque de Munich, Fraizing, qui est né à Trip, ville natale de Karl Marx, et qui d’ailleurs, par une curieuse coïncidence s’appelle ... Marx. Reinhart Marx, exactement.
Cependant, et pas fortuitement du tout, Reinhart Marx a intitulé un livre qu’il a écrit récemment est qui est très rapidement devenu un best seller Das Kapital, "Le Capital" !
Dans ce livre, l’archevêque s’adresse dans un passage à son légendaire homonyme en ces termes : "Une question me taraude toujours : à la fin du XXème siècle, quand l’Occident capitaliste a vaincu l’Orient communiste dans la lutte entre systèmes, ne nous sommes nous pas trop précipités en vous rejetant vous et vos théories économiques ? Le capitalisme n’est-il pas simplement un épisode de l’histoire qui s’achèvera à un moment donné, parce que le système s’effondrera sous le poids de ses contradictions internes ?".
Evidemment, l’archevêque ne connaitra pas la réponse à cette question maintenant. Mais quoi qu’il en soit, nous vivons une ère de confusion totale au sein des élites économiques, politiques et académiques du capitalisme.
Les uns en appellent à John Maynard Keynes et à ses analyses et propositions face aux problèmes de 1930, dans l’espoir de trouver des solutions pour le chaos du capitalisme du XXIème siècle, pendant que d’autres les cherchent dans celles de 1960 !
Et pourtant peu d’années ont passé depuis que le Parti Travailliste de Grande-Bretagne, par exemple, insultait avec mépris tous ceux qui résistaient à la libéralisation des marchés et au rouleau compresseur de la globalisation avec ce slogan "Arrêtez le monde, je voudrais descendre !". A voir les derniers évènements, le Premier-Ministre travailliste Gordon Brown serait-il donc “descendu du monde”, lui qui nationalise les banques les unes après les autres ?
L’article intitulé Mort à Davos, publié dans la dernière édition de la très sérieuse revue allemande Der Spiegel se montre particulièrement acerbe, en pointant du doigt celui qu’il nomme "l’Homme de Davos", en faisant référence aux patrons multimillionnaires, aux politiques et aux experts qui participent à ce raout mondial en tant que représentants de l’élite mondiale.
"Il semble que "l’Homme de Davos" soit devenu fou. Il n’est point besoin de disposer d’une grande mémoire pour se remémorer l’époque où les idéologues du marché diffusaient, avec un notable succès, leurs théories sur la fin des idéologies, afin que ne subsiste que la leur... L’Etat était considéré comme un grand obstacle, les organismes internationaux comme des freins archaïques et le citoyen songeant à ses droits représentait une entrave gênant le libre jeu des forces du marché. Maintenant, la catastrophe venue, les Etats doivent couvrir les dettes des banques privées, la communauté internationale doit réguler la croissance anarchique et le citoyen qui se retrouve au chômage trouver tout seul des solutions pour s’en sortir". C’est ainsi que Der Spiegel décrit avec mépris la supposée réponse du Forum de Davos face à la crise.
"La Montagne Magique a été nationalisée"
Ce titre pertinent de l’analyse du journal espagnol El País illustre le désarroi profond des participants au Forum de Davos, dont la seule proposition formulée a consisté à faire payer aux Etats, c’est-à-dire aux citoyens contribuables, toutes les pertes causées par les spéculateurs fraudeurs et les banquiers. C’est pourquoi le slogan du Forum de Davos cette année – "redessiner le monde de l’après-crise" - ne peut être apprécié qu’au second degré.
Sauf à comprendre que sa solution réside dans le "capitalisme d’Etat", le Forum de Davos confirme qu’il est une institution totalement inutile !.
Article publié sur le site brésilien MONITOR MERCANTIL INTERNACIONAL, le 6 février 2009, traduction Pedro DA NOBREGA