Le processus ambitieux de consultation de l’ensemble des acteurs concernés, appelé Grenelle de l’environnement, avait pu faire croire à une véritable volonté politique du gouvernement en matière d’écologie. Certains parlaient même de révolution ! Or, presque trois ans après, alors que ce processus est arrivé à son terme avec le vote de la loi Grenelle 2, il apparaît désormais clairement que cette volonté affichée d’entendre tous les acteurs a fait naître des attentes, qui ont finalement été déçues, et que les objectifs initiaux annoncés ont été revus à la baisse.
Le texte qui nous a été présenté couvrait un très grand nombre de domaines (bâtiments et urbanisme, transports, énergie, biodiversité, santé et gestion des déchets, gouvernance) et prévoyait une large panoplie de mesures dont certaines allaient dans le bon sens. Mais au fur et à mesure de son examen, d’abord au Sénat, ensuite à l’Assemblée nationale, le texte a été raboté par des amendements déposés sous l’influence trop évidente des différents lobbies. L’urgence ayant été déclarée, ce texte, extrêmement fourni et complexe, n’a pas reçu le traitement approfondi qu’il méritait, une double lecture par exemple qui aurait peut-être permis d’éviter ce sentiment de confusion dans les débats.
Parmi les reculs les plus flagrants, on notera la mention « haute valeur environnementale » (HVE) prévue pour les exploitations agricoles. Cette mention pourra être attribuée y compris à des exploitations faisant de la culture OGM, c’est dire la grande ambiguïté de cette appellation. L’étiquetage carbone est repoussé, la technologie peu fiable et très chère de stockage du carbone est encouragée, l’écotaxe poids lourds est reportée, le plan de réduction des pesticides est remis en question, sur la base du récent rapport – très contestable – de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Par ailleurs, le texte souffre d’insuffisances, puisque l’application d’une quantité impressionnante de dispositions sera soumise à la publication d’un décret ou d’une ordonnance. Les nombreux amendements que nous avons déposés pour tenter de préciser certaines dispositions ont toujours été refusés, les arbitrages finaux se faisant au niveau de l’exécutif, loin des parlementaires. Il nous était donc demandé de voter des mesures sans que nous puissions réellement savoir quels effets elles allaient produire. Aujourd’hui, alors que la plupart des dispositions ont été détricotées, on est en droit de se demander ce qui ressortira des décrets d’application des quelques mesures intéressantes qui ont survécu.
Nous avons voté contre ce texte. En effet, nous ne pouvions soutenir un projet qui a pour seule solution à la crise écologique de placer les individus seuls face à leurs responsabilités et de les renvoyer à leur culpabilité de consommateurs, dans un grand marché plus ou moins peint en vert. Ce qu’il faudrait, c’est agir à la source, au niveau des modes de production. Cela suppose un État fort, capable de faire face aux intérêts de l’industrie et du commerce, pour prendre les décisions qui s’imposent avec le courage politique que la situation exige. Car la « révolution verte » passe nécessairement, d’une part, par une remise en cause du dogme capitaliste qui nous pousse à consommer toujours plus ; et d’autre part, par une révolution sociale, parce que la réduction des inégalités est au cœur de la question écologique. C’est ce que nous continuerons à défendre lors des débats de la Commission mixte paritaire chargée d’élaborer le texte final, qui se réunira au mois de juin. Sans grande illusion…
Article paru dans l’Humanité le 27 mai 2010