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Retour sur les erreurs et approximations du groupe d’experts qui alimentent la polémique, sans toutefois remettre en cause le changement climatique.
Par Sylvestre Huet

De quoi le Giec est-il accusé ?

D’avoir commis une série d’erreurs factuelles dans son dernier rapport,
publié en 2007, la plupart dans l’un de ses douze textes, celui du groupe
2, consacré aux impacts du changement climatique. Un pourcentage erroné sur
le territoire des Pays-Bas situé sous le niveau de la mer (55 % a lieu de
26 %). Les glaciers de l’Himalaya, promis à une « disparition » dès 2035,
alors que rien dans la littérature scientifique n’appuie une telle idée.
Pas moins de 14 références à des publications d’ONG, comme Greenpeace ou le
WWF, dans ce même texte - celui qui traite des conséquences du changement
climatique - alors qu’on attend un rapport fondé sur la science. L’équipe
de Phil Jones (université d’East Anglia en Grande-Bretagne) est accusée de
ne pas vouloir rendre publique ses données météo brutes. Les rapports
seraient alarmistes de manière infondée comme cette phrase « Dans certains
pays [d’Afrique], le rendement de l’agriculture pluviale pourrait chuter de
50 % d’ici 2020. »
Les scientifiques qui rédigent les rapports du Giec ne
seraient pas représentatifs de la diversité d’opinion, voire politisés. A
ces accusations ponctuelles s’ajoute le discours déjà ancien déniant aux
modèles climatiques la capacité à prévoir l’évolution du climat sur un
siècle.

Que répondent les responsables du Giec ?

Ils ne nient pas ces erreurs et se mordent les doigts de ne pas avoir été
aussi sévères dans leur processus d’écriture des rapports sur les
conséquences du changement climatique que dans celui consacré à la physique
du climat, pour l’instant indemne. Mais ils soulignent, comme son président
indien Rajendra Pachaury, que ces erreurs limitées « ne mettent pas en cause
l’essentiel des rapports » - plus de 3 000 pages très denses pour ceux de
2007.

« Il est vrai que les résumés pour décideurs sont adoptés en séance plénière
par les délégations gouvernementales, mais elles ne peuvent pas modifier
les chiffres ou le texte en profondeur, souligne Amadou Thierno Gaye qui
dirige le laboratoire de physique de l’atmosphère et des océans de
l’université de Dakar. De plus, expliquez-moi pourquoi les gouvernements
n’osent plus mettre en doute notre travail alors que nous les confrontons à
leurs contradictions. La Conférence de Copenhague à bien montré qu’ils ne
sont pas prêts à agir. »

Que sait-on vraiment du climat actuel et futur ?

Au regard de l’évolution des sciences du climat depuis 1990 - le premier
rapport du Giec - cette soudaine offensive semble étrange. Les moyens à la
disposition des scientifiques se sont en effet considérablement améliorés.
L’observation satellitaire continue du Soleil date de 1978, celle des
températures de 1979, celle du niveau marin de 1992. Les simulations
informatiques du climat ont suivi les progrès des ordinateurs, dont les
capacités ont explosé, les modèles prennent en compte de manière beaucoup
plus détaillée et réaliste le relief terrestre, la biosphère, la chimie de
l’atmosphère. En outre, les équipes capables de réaliser ces simulations
sont plus nombreuses.

La connaissance des relations passées entre climat et effet de serre s’est
étendue sur 800 000 ans, contre 150 000 ans en 1990, confirmant que les
niveaux actuels de gaz carbonique n’ont pas de précédent depuis près d’un
million d’années ? Bref, le dossier scientifique est bien plus solide qu’en
1992, quand fut signée la Convention climat de l’ONU.

En outre, depuis 1990, le climat comme les émissions de gaz à effet de
serre ont suivi les prévisions. La décennie 2000-2009 est la plus chaude
jamais enregistrée par des thermomètres. Le niveau marin grimpe à 3,3 mm
par an, soit le triple de ce qui était observé durant la première moitié du
XXe siècle. La stratosphère s’est refroidie alors que la basse atmosphère
se réchauffe, signe clair du renforcement de l’effet de serre qui est
directement observé par satellite.

Ces évolutions n’interdisent pas au débat scientifique de se poursuivre. La
querelle sur l’étendue de l’épisode chaud médiéval « n’est pas close »,
souligne Phil Jones. L’épineuse question de la représentation des nuages
dans les modèles climatiques - responsables de la moitié de l’incertitude
sur la réponse du climat au renforcement de l’effet de serre - n’est
toujours pas résolue.

Les rapports du Giec sont bourrés de conditionnels, d’avertissements sur le
manque de « confiance » des scientifiques dans tel ou tel résultat, et de « 
barres d’erreurs » dans leurs graphiques. Pourtant, au lieu d’un débat
serein, la violence des échanges a conduit les scientifiques à s’enfermer
dans des « bunkers », regrette Phil Jones. Il plaide aujourd’hui pour que
l’ensemble des données brutes de températures soient publiées afin d’en
finir avec le soupçon qui pèse sur leur traitement.

Publié sur le blog Sciences-Libération. Février 2010


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