"Six personnages en quête d’auteur" se joue à Paris, au Théâtre National de la Colline (rue Malte Brun, Paris 20e, métro Gambetta) du 5 septembre au 7 octobre.
Je voyais en Avignon, au Cloître des Carmes, l’une des œuvres à la fois les plus emblématiques et des plus mystérieuses du XXème siècle, « Six personnages en quête d’auteur » de Luigi Pirandello, même si elle est moins jouée ces dernières années. Elle est à l’affiche du Théâtre National de la Colline.
Ces six personnages sont une famille entière, comprenant la mère, le père, la belle-fille, le fils, l’adolescent et la fillette (ces deux derniers rôles sont muets), à la recherche d’un auteur pour écrire leur pièce. Ce sont six personnages cachant en eux un drame sous une apparence tranquille. Qui sont-ils, ces six personnages qui entrent dans un théâtre en dérangeant une répétition en cours ? Six membres d’une même famille à la recherche d’un auteur qui voudrait bien terminer le travail commencé par un écrivain qui ne les a pas « terminés », et qui n’a donc pas terminé le récit de leurs aventures fictionnelles. Cette histoire, leur histoire inachevée, est devenue emblématique du théâtre pirandellien, ce théâtre qui ne cesse de se questionner sur lui-même. Cette pièce, c’est au fond le réel face à l’imaginaire, elle brise la notion de temporalité.
Cette pièce est fondée sur la mise en abyme : tout le long, les spectateurs sont ignorés comme s’il s’agissait vraiment d’une répétition et qu’ils n’étaient pas là. Stéphane Braunschweig, le directeur du Théâtre National de la Colline, la mettait en scène au Cloître des Carmes mise en scène dont la grande force est d’avoir mis en présence des gens de théâtre de maintenant, avec à la fois des problèmes contemporains de théâtre et de société et finalement des caractères qui eux n’ont pas à être datés qui ont existé et existeront toujours à l’état latent jusqu’à ce que des corps de comédiens, hic et nunc s’en emparent… ou pas. Braunschweig confronte des crises, crise du théâtre, crise des comédiens face à une société et aussi peut-être crise de l’écriture : que raconter ? A qui ? Pourquoi ?
J’y ai senti une justesse de ton dans cette confrontation temporalité-universalité, j’ai senti que l’on s’amusait avec le jeu et avec le je. Pas de musique, ce sont les comédiens qui en quelques sortent donnent le la. Voilà un metteur en scène qui leur fait confiance. Peut-être quelques retouches de textes, mais y a t-il à s’en plaindre ? Après tout Pirandello s’adressait aux spectateurs des années 20, Braunschweig à ceux du XXIème siècle Et au fond, la mise en scène nous renvoie, entre autres par des jeux de miroirs de séparation d’aire de jeu (de je ?) vers un double questionnement : qu’est-ce qu’un personnage et que veut dire jouer un personnage ? Questionnement qui s’adresse aussi bien à l’acteur qu’au spectateur.
Peut-être des éléments de réponse sont-ils à chercher dans cette lettre de Pirandello à Benjamin Crémieux, son premier traducteur en français, qui lui demandait des éléments autobiographiques : « De sorte que si vous voulez savoir quelque chose de moi, je pourrais vous répondre : Attendez un peu, mon cher Crémieux, que je pose la question à mes personnages. Peut-être seront-ils en mesure de me donner à moi-même quelques informations à mon sujet. Mais il n’y a pas grand-chose à attendre d’eux. Ce sont presque tous des gens insociables, qui n’ont eu que peu ou point à se louer de la vie. »
"Six personnages en quête d’auteur". Du 5 septembre au 7 octobre au Théâtre National de la Colline, rue Malte Brun, Paris 20e, métro Gambetta. Tél : 01 44 62 52 52,