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Solidarité avec Dominique Vidal
Serge Grossvak répond aux attaques diffusées sur le "Réseau Voltaire"

Je me dois de clamer mon écœurement face aux propos diffusés à l’encontre de Dominique Vidal sur le site « réseau Voltaire ». Je veux exprimer ma solidarité à l’égard du militant et mon inquiétude d’un enchaînement où la haine répondrait à la haine.

J’ai connaissance de Dominique Vidal comme militant à l’AFPS, une des organisations de notre pays pour la solidarité à la Palestine et la paix au Proche Orient. Je le connais comme un infatigable journaliste spécialiste des pays de cette région. Je peux éventuellement ne pas partager telle ou telle de ses positions, il demeure que j’apprécie vivement ses rigoureux efforts d’informations. C’est toujours avec un grand intérêt que je retrouve ses écrits dans le «  Monde Diplomatique » ou dans la « Presse Nouvelle Hebdomadaire » (journal de l’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide).

Lorsque l’attaque est basse, sale, et, disons le, salement antisémite, je veux témoigner de mon amitié et de ma solidarité à l’égard de celui qui est visé. Le choix du site contre Dominique Vidal relève de l’infamie raciste.

Dominique Vidal est connu comme Dominique Vidal, son nom de plume. Le site a choisi de faire figurer le nom de son père, cela ne relève pas du hasard. Ce nom est bien de consonance juive, essentiel pour que le lecteur du site comprenne la traîtrise du journaliste.

Comprendre que ce traître, infiltré dans les rangs de la solidarité à la Palestine, ne peut être là que pour manipuler et détourner les sincères militants qui liraient le Monde Diplomatique.

Et il y a preuve de cette traîtrise : des articles rendant compte de la société israélienne.

Pour ce site rendre compte d’une réalité qui lui déplait devrait-être censuré. Ce n’est pas l’opinion du journaliste sur la situation en Israël qui est l’objet du pamphlet, ce qui aurait été respectable. C’est bien le droit de parler d’une réalité qui est déniée. La réalité d’Israël. C’est un appel à l’obscurantisme.

Vidal est un juif, un manipulateur et un traître. Voilà ce que véhicule le « réseau voltaire » que j’ai connu en un temps lointain d’une autre valeur.

Moi qui suis juif, qui ai combattu et combats toujours les juifs qui dénient aux palestiniens leur existence, leurs droits, je ne peux abandonner au silence cette expression de haine en retour. Chaque pays a ses moments de grandeurs et d’autres de déshonneur. Je sais bien, et avec douleur, que l’Etat israélien est dans ce sombre passage sanglant et honteux, de déshonneur. Je veux combattre pour que la justice triomphe, qu’Israel et Palestine vivent en égalité de respect et de droit, dans les frontières sûres et intégrales de 67, que le Tribunal International soit saisi pour juger des « crimes de guerre, voir contre l’humanité ». Je veux que la paix se construise sur le droit. Comme en tout lieu de la planète.

Je suis soucieux face à ces expressions de haine. Une haine que je sais nourrie du mépris des lois par l’Etat d’Israël, par les crimes perpétrés et lâchement abandonnés sans réaction par les gouvernements, par un colonial dédain des hommes et femmes de Palestine. Mais la haine ne peut être l’avenir de l’humanité.

Je suis du camp de la paix, dans notre diversité d’origines et de convictions. Se taire serait laisser la « bête immonde » nous envahir. Si nous laissons s’insinuer les saletés antisémites dans notre camp, alors c’est l’espoir de paix et de dignité que nous abandonnons.

Une lettre de Dominique Vidal

Chères Amies, Chers Amis,

Depuis que cette (modeste) liste de diffusion reprend l’essentiel des communiqués et analyses de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), c’était, hier, la première fois que j’y intervenais de manière personnelle.

Mon message d’hier matin a poussé beaucoup d’entre vous à m’écrire leur solidarité, et je les en remercie très sincèrement. Plusieurs ont émis un doute sur l’opportunité d’un droit de réponse sur le site du Réseau Voltaire. De fait, le webmaster de celui-ci n’a, jusqu’ici, pas répondu à ma demande, et je partage l’idée qu’il y a mieux à faire, à commencer par assurer la réussite de la manifestation d’après-demain contre le racisme et la xénophobie…

Que le Réseau Voltaire me présente comme un « militant sioniste » chargé de « faire aimer les Israéliens par le lectorat réputé pro-palestinien » du Monde diplomatique est, à vrai dire, plus grotesque que diffamatoire. Comme je l’écrivais hier matin, si le ridicule tuait, Thierry Meyssan serait mort - et j’ajoute : depuis longtemps. Sauf que le responsable de l’articulet me visant a cru utile d’ajouter le nom de mon père (Sephiha) au mien (Vidal) et de publier une photographie où je figure à ses côtés lors de la légation de sa bibliothèque au « Mémorial de l’Holocauste ».

Cette ligne jaune, sournoisement mais nettement franchie, mérite quelques commentaires :

1) Oui, mon père - comme presque toute ma famille paternelle - a été déporté, en l’occurrence à Auschwitz. Quelques années après son retour, il a choisi de consacrer sa vie à la renaissance de la langue et de la culture judéo-espagnoles. A 85 ans, c’est tout naturellement qu’il a voulu, via le Mémorial de l’Holocauste, rendre sa bibliothèque linguistique unique plus accessible aux chercheurs et aux étudiants du monde entier, et je l’y ai évidemment accompagné ;

2) C’est pour une bonne part cette histoire familiale qui – avec l’engagement de ma mère dans les réseaux de « porteurs de valise », pendant la guerre d’Algérie - m’a conduit, à 17 ans, en pleine guerre de 1967, à m’engager dans le soutien aux droits nationaux du peuple palestinien, convaincu que j’étais que leur réalisation conditionnait l’instauration d’une paix durable pour tous les peuples du Proche-Orient, Israéliens compris – je rappelle aux plus jeunes qu’à l’époque, on ne parlait que d’un « problème de réfugiés ». A cet engagement, comme on sait, j’ai consacré, depuis, l’essentiel de ma vie de journaliste, d’écrivain et de militant. Pour trois raisons :

parce qu’il faut tirer une fois pour toutes les leçons universelles du génocide des juifs, paradigme de tous les génocides de l’Histoire – et, au XXe siècle, des Herreros aux Rwandais, en passant par les Arméniens et les Khmers, et d’autres encore. Car l’Humanité n’a pas été vaccinée contre l’horreur, quand bien même nos aînés ont juré : « Plus jamais ça ! » ;

parce que la terrible injustice commise en Occident à l’égard des juifs ne saurait entraîner ou légitimer une autre injustice : la dépossession de la terre et de la souveraineté d’un peuple qui n’a eu aucune responsabilité dans le génocide. La Nakba n’est bien sûr pas la Shoah, mais sa reconnaissance et sa réparation constituent une des principales clés d’un avenir pacifique ;

parce que la colonisation, la répression, l’humiliation des Palestiniens entachent le judaïsme, surtout lorsqu’elles sont perpétrées au nom des survivants du génocide. Vieux débat, en vérité : entre Spinoza et ses excommunicateurs, entre Martin Buber et Vladimir Jabotinsky, entre la MOI [1]et l’UGIF, entre Taayouch et Nétanayahou-Barak-Lieberman, il est temps, plus que temps que les juifs eux-mêmes choisissent ;

parce que seul un règlement juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, fondé sur le droit, permettra aux uns et aux autres, ainsi qu’à toute la région, de vivre enfin en paix et, je l’espère jusqu’à y croire, en harmonie.

3) Ce que d’aucuns ne comprennent pas - plus exactement : qu’ils comprennent, mais redoutent -, c’est que la défense des leçons universelles que l’on peut et que l’on doit tirer de la Shoah et celle des droits des Palestiniens non seulement ne sont pas contradictoires, mais s’inscrivent dans un seul et même combat. On peut l’appeler combat pour la liberté, pour les droits humains, pour la fraternité, pour l’humanité ou même pour la civilisation. D’ailleurs, hier, dans la nuit et le brouillard, « ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel »

4) Ceux qui affirment servir la cause palestinienne en la transformant en bataille ethnico-religieuse et en s’en prenant aux juifs, a fortiori en niant leur génocide, servent en fait – grossièrement, mais clairement - la stratégie anti-palestinienne de Netanyahou et consorts. La force de la bataille des Palestiniens pour leurs droits imprescriptibles, c’est justement qu’elle n’est pas religieuse et encore moins raciale, mais politique : il s’agit d’imposer le droit international, qui doit s’appliquer à eux comme à tous les peuples, israélien compris.

L’antisémitisme, comme l’islamophobie et toute autre forme de racisme, ne profitent pas à la Palestine, ils l’assassinent. Faut-il encore l’écrire aujourd’hui ? Je n’aurais pas imaginé, il y a peu, que ce soit encore nécessaire. Hélas, c’est même indispensable. Comme le soulignaient les intellectuels palestiniens et arabes qui protestaient, en 2002, contre les violences antisémites en France, « nos partenaires et nos partisans les plus précieux sont les Israéliens et les juifs qui œuvrent, au côté des Palestiniens, contre l’occupation, la répression, la colonisation et pour la coexistence de deux États souverains palestinien et israélien. Un grand nombre d’entre eux ont une histoire familiale tragique, marquée par l’Holocauste. A nous (...) de les rejoindre sur cette ligne de crête qui consiste à savoir quitter la tribu quand il s’agit de défendre les droits et les libertés universels ».

Dominique Vidal.

Lettre publiée sur le site de l’Association France Palestine Solidarité le 5 septembre.

Notes :

[1Main d’oeuvre immigrée, qui fut une organisation du PCF


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