Ce ne serait pas potentiellement si tragique que l’hystérie occidentale autour de « l’imminente » invasion russe de l’Ukraine prêterait à rire. Qui peut croire en effet que Vladimir Poutine, qui affirmait en juillet dernier que Russes, Biélorusses et Ukrainiens constituaient « un même peuple », puisse lancer ses troupes à l’assaut du voisin du sud ? Qui peut croire que les Russes, qui honnissent tant la guerre, soutiendraient une telle opération alors que plus 3 millions d’Ukrainiens vivent en Russie que nombre de Russes ont de la famille en Ukraine ?
L’idée selon laquelle la Russie voudrait envahir une partie de l’Ukraine est une « une ineptie », déclarait, le 21 janvier, lors d’une réunion d’un groupe de réflexion à New Delhi le chef de la Marine allemande, Kay-Achim Schönbach, contraint aussitôt à la démission. Quant au très versatile président ukrainien lui-même, Volodymyr Zelensky, il a appelé, le 28 janvier, les Occidentaux à ne pas semer la panique. « La probabilité de l’attaque existe, elle n’a pas disparu et elle n’a pas été moins grave en 2021, a-t-il déclaré, mais nous ne voyons pas d’escalade supérieure à celle qui existait » l’année dernière.
Ces paroles n’ont guère été relayées par les médias occidentaux et totalement ignorées. Ce même 28 janvier, Joe Biden a déclaré qu’il enverrait un petit nombre de militaires américains en Europe de l’Est, tandis que Florence Parly, la ministre des Armées, assurait, le lendemain, sur France-Inter, que « La France est prête, si l’Otan le décidait, à déployer des éléments militaires en Roumanie, pays frontalier de l’Ukraine ». Pourquoi en Roumanie ? Parce qu’on y a combattu les bolcheviks en 1920 ?
Ce 28 janvier, encore, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se sont entretenus au téléphone : « le président Poutine n’a exprimé aucune intention offensive, a commenté l’Elysée, (…). Il a dit très clairement qu’il ne cherchait pas la confrontation ». Tandis que, dans une interview accordée aux stations de radio russes, l e ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov affirmait : « Si cela dépend de la Fédération de Russie, il n’y aura pas de guerre. Nous ne voulons pas de guerre, mais nous ne permettrons pas d’ignorer nos intérêts ou de les réprimer brutalement ».
Difficile de penser, en effet, qu’on obtiendra un quelconque apaisement des tensions en Europe en envoyant des troupes de l’OTAN sur les frontières de la Russie. C’est déjà la présence de bases militaires occidentales dans son « étranger proche » (les anciennes Républiques soviétiques ou les Etats membres du Traité de Varsovie avant sa dissolution en juillet 1991), qui inquiète les Russes qui se disent, à juste titre, trompés alors que la promesse orale avait été faite à Gorbatchev, en 1989, qu’il n’y aurait pas d’élargissement de l’Alliance atlantique en Europe de l’Est. Il est vrai que de fut une grave erreur du président de l’URSS de croire sur parole les occidentaux. Il eut fallu exiger la signature en bonne et due forme d’un traité dans le que tout cela aurait dû être consigné.
Trente et un ans après la dissolution du Traité de Varsovie, trente ans après la liquidation de l’URSS, Vladimir Poutine exige donc de Washington et de l’OTAN des traités prévoyant un renoncement de l’Alliance atlantique à tout élargissement à l’est et un retour à l’architecture sécuritaire construite en Europe après la fin de la guerre froide. La réponse occidentale est « non » ! Et l’OTAN arme l’Ukraine ! Le 25 janvier de 200 millions de dollars (environ 178 millions d’euros) de matériel militaire en provenance des Etats-Unis sont arrivés à Kiev. L’ambassade de Russie à Washington a régi en déclarant que des armes envoyées par les Etats-Unis en Ukraine pourraient se retrouver entre les mains « de militants et de terroristes », en référence à des groupes néo-nazis agissant dans l’est du pays. En effet, depuis quelques années les groupes armés néonazis comme le Bataillon Azov de triste réputation, ont été intégrés avec armes et bagages à la Garde nationale ukrainienne qui a elle-même adopté comme insigne le Trident, emblème des fascistes ukrainien alliés de Hitler durant la seconde guerre mondiale.
La duplicité de l’Occident dans l’Affaire ukrainienne est totale. En particulier celle de Biden. On ne sait s’il a retenu de son expérience de vice-président et chargé de l’Ukraine par Obama en 2014, au moment du putsch du Maïdan, les leçons de l’Affaire, mais, en tout cas, il s’y connaît en affaires. Trois mois après qu’il ait pris en charge le dossier ukrainien, son fils Hunter est devenu membre du Conseil d‘administration de la société Burisma, un groupe gazier ukrainien. « Je pense qu’ils ont vu que pour eux, mon nom valait de l’or », confiait-il lors d’un entretien à l’émission radio de la BBC Today. Ce ne devait pas être très clair pour que Biden fasse pression, en 2016, sur les fonctionnaires du gouvernement ukrainien pour qu’ils licencient un procureur qui enquêtait sur Burisma. Hunter Biden n’avait absolument aucune compétence pour faire partie de cette société ukrainienne.
Les déclarations de Biden sur une invasion russe de l’Ukraine en rappellent d’autres que nos médias fébriles ont « oubliées ». Celles du secrétaire d’Etat américain de l’époque, Colin Powell. Le 5 février 2003, il affirmait devant le Conseil de sécurité des Nations qu’« il ne fait aucun doute que Saddam Hussein possède des armes biologiques et la capacité de produire rapidement plus, beaucoup plus ». Il brandissait même des « preuves ». Toutes entièrement fabriquées comme il apparaitra des années après. Mais entretemps, la guerre aura ravagé l’Irak et totalement déstabilisé le Moyen-Orient jusqu’aujourd’hui.
Nos médias, totalement irresponsables, reprennent en chœur l’antienne de Biden. On peut voir de tout à la télévision, y compris sur des chaines nationales comme cette pauvre Maryse Burgot dans les tranchées au Donbass, côté nationaliste, évidemment, donc tendant son micro à des néonazis ! Ce qui fait dire au Ministère russe des Affaires étrangère que « le battage autour des relations russo-ukrainiennes a atteint un point d’ébullition, ou plutôt, le stade extrême de sénilité, dans les médias occidentaux ».
Qu’est-ce que Américains et Européens reprochent à une Russie qui a activement détruit l’Union soviétique en 1991 et laissé ses alliés d’hier devenir ses ennemis d’aujourd’hui en Europe centrale ? D’avoir repris des forces ? D’être fière de ses combattants qui ont pris Berlin en 1945 après avoir libéré Auschwitz ? Ou encore de résister aux sanctions qu’on lui impose : on fabrique maintenant non loin de Moscou, un camembert tout à fait honorable, me disent mes amis russes, des amateurs !