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"Un Français à Weimar" de Paul Laveau
Claude Cossard évoque un livre qui revient sur la RDA

Un Français à Weimar : un livre qui réhabilite la RDA

Analyser la RDA sans a priori ? C’est possible : voici la preuve par Paul LAVEAU.

Paul LAVEAU, professeur d’université, a vécu pendant sept ans, à diverses périodes en RDA. Il a même été salarié et assuré social dans ce pays. Ces écrits ne sont certes pas parole d’évangile mais ils ont un certain crédit. Avec un tel parcours, il ne pouvait qu’être exaspéré par la célébration du 20e anniversaire de la chute du Mur qui a vu, selon ses mots, une accumulation de « poncifs », de « commentaires expéditifs » ou de « raccourcis caricaturaux ».

Il estime néfaste pour les partis de gauche le rejet pur et simple du système mis en place en RDA et conclut « Peut-on imaginer des sociétés alternatives pour le XXle siècle à partir de zéro ? ». On l’aura compris, cette question est pure rhétorique !

Dans son ouvrage ), il s’attache à distinguer le bon du moins bon. Cette bienveillance, aussi réelle qu’implicite, n’empêche pas une distanciation critique par rapport au régime. Cette mise en perspective s’attaque notamment aux poncifs anticommunistes.

1/ « La Trabant, symbole de la faillite du communisme » (pp. 83-84-85)
S’il ne nie pas les défauts de ce modèle, il précise aussi qu’il était « assez robuste ». Ensuite, il rappelle, ce que personne ne fait jamais, que la RDA produisait une voiture de « qualité nettement supérieure », la Wartburg. Dans le même ordre d’idées, il recense les autres productions mécaniques de ce pays : motocyclettes, véhicules utilitaires, camions, trains, navires.

Pour les propriétaires de Trabant qu’il a côtoyé « [l’]engin avait le mérite d’exister » et était « plutôt la marque familière d’une certaine égalité ».
Les citoyens de la RDA n’avaient pas tellement besoin de posséder une voiture, ils « disposaient de transports en commun très bon marché, de ramassage d’entreprise », leurs trajets pour aller au travail ou pour faire leurs courses étaient réduits.

Malicieusement, l’auteur écrit : « En considérant le sujet à distance, et dans le contexte actuel des débats sur le réchauffement climatique, il semble moins dérisoire que les responsables de la RDA aient essayé de résister au tout voiture. »

-  2/ « Sport = dopage » (pp. 89-93)

L’auteur ne fait pas l’impasse sur la marotte des anticommunistes mais il n’oublie pas de revenir à l’essentiel. Voici quelques « morceaux choisis ».
« La pratique sportive de masse en RDA n’était pas qu’un slogan et ne se limitait pas à la jeunesse. A la base les clubs sportifs locaux étaient très actifs ».

« Fallait-il (...) utiliser tous les moyens ? Certes la très large base sportive pouvait permettre de sélectionner et de faire monter dans l’élite de nombreux talents. Il est connu que [des champions] étaient issus des Spartakiades (...). Mais n’y avait-il pas excès, démesure, à vouloir rivaliser avec les plus grands pays sportifs quand on ne comptait même pas dix-sept millions d’habitants ? »

3/ La nomenklatura ou la « bourgeoisie rouge » (pp. 97-98)

En quelques phrases, l’universitaire fait un sort à cette autre « légende noire ».

« Dans [le bourg de Wandlitz] au nord de Berlin, 23 maisons sous stricte surveillance policière étaient occupées depuis 1958 par de hauts responsables du parti SED et du gouvernement. Ces logements n’avaient rien de princier, seulement un confort, un équipement notamment venu de l’Ouest, et des commodités d’achat (magasin très bien achalandé) supérieurs à ce dont le citoyen moyen pouvait bénéficier. Cela n’aurait pas fait hurler au scandale dans la plupart des pays, mais les habitants de RDA, fortement attachés à l’égalité réelle dont on leur parlait abondamment, furent très choqués de cette différence entre paroles et actes officiels. »

4/ Sur les « droits de l’Homme » (pp 76-77)

Enfin, c’est avec plaisir que je vous fais partager quelques considérations de l’auteur sur ce sujet fort controversé.

« Quand on tente un bilan des droits effectivement respectés et des droits bafoués, deux volets apparaissent avec netteté. D’un côté étaient assurés des droits fondamentaux comme l’emploi, le logement, la santé, l’éducation, la retraite, les congés, la culture. Cela donnait à la vie stabilité et lisibilité. Naturellement la qualité de ces droits dépendait du niveau général de performance, et ne pouvait faire plus (...). De l’autre côté une série de droits du citoyen, dont certains pourtant inscrits dans la Constitution, n’étaient pas garantis. La liberté de réunion, d’association, de candidature, de création d’un nouveau parti ou syndicat, de lancement d’un journal n’existait pas. La liberté d’expression, de publication était limitée. Et bien sûr la liberté de voyager ou de s’installer à l’étranger. C’est surtout sur ce deuxième volet qu’il fut insisté lors du vingtième anniversaire en 2009, en ignorant largement le volet social. »
Bien sûr, ces points ne constituent seulement qu’une mise en bouche. La lecture de cet ouvrage est indispensable si on souhaite préciser les contours de la « RDA réelle ».

On ne partagera pas forcément toutes les idées exprimées par l’auteur mais ce dernier donne des arguments à ceux qui veulent défendre l’histoire du « socialisme réel », il permet aussi de tirer des enseignement de l’« expérience-RDA ».

Nous ne pouvons que saluer le courage et l’honnêteté intellectuelle de Paul LAVEAU qui n’hésite pas à résister à la propagande anticommuniste en poursuivant dans Un Français à Weimar le travail de vulgarisation commencé avec La vie quotidienne en RDA (Messidor-Editions sociales, 1985).

Un Français à Weimar. Editions Le Temps des Cerises, 2011


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