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Un texte rare et beau,"Sur les murs"de Bernard Giusti
Un article du poète Francis Vladimir...

"Sur les murs", un article du poète Francis Vladimir

Un texte rare et beau, le miroir de l’absence pour celle qui est partie vers cet ailleurs dont nous retenons le nom sur les lèvres, dans un murmure effleuré. Voilà qui, en d’autre temps se serait nommé tombeau, cette tentative poétique de dessiner la disparue. Celle-ci, je l’ai connue, Pascale Cherrier qui, douze années durant, fut la compagne de l’ami Bernardo, comme je le nomme affectueusement parce que la vie concède la joie de rencontres qui tiennent tête au temps qui passe. Les éditions de l’homme bleu ont vocation de proposer des textes qui relèvent de l’art, souvent pictural, et cette édition consacrée au souvenir de Pascale Cherrier s’inscrit dans ce choix. L’auteur a fait appel à quinze artistes-peintres-plasticiens qui illuminent de leur participation amicale, affectueuse, chaleureuse les pages de ce livre dont on n’ose dire qu’il est un hommage à l’absente. Dire avant toute chose que la première de couverture tirée d’une peinture en tonalité gris-bleu d’Annie-Roxane Maurer, dont le souvenir partagé par beaucoup encore reste inaltérable de présence artistique et humaine, restitue ce que fut Pascale, une lectrice attentive , une passionnée de la vie.

Le texte de Bernard Giusti est une adresse subtile et retenue, une lettre ouverte, à celle qui fut son amour, sa compagne, son alliée, celle qui est arrivée à un moment où chacun pourrait penser que la vie a définitivement passé, coulé sans qu’on ait réussi à en convoquer les rares instances du bonheur. Il pourrait paraître inutile de signifier son amour autrement que par les gestes du quotidien par lesquels on maintient l’approche constante de l’autre à soi, pour le sentir, le garder contre son cœur, le respirer, le caresser avidement, l’aimer toujours. Cette déclaration que d’aucuns s’essayent à offrir à l’autre en dépit justement du petit quotidien répétitif qui pourrait nous en éloigner, voilà qu’il faut en retrouver le chemin, l’énergie première sans laquelle on perdrait les couleurs de la vie. En cela, le texte de Bernard Giusti, le très beau texte de Bernardo, édifie un temps de mémoire précis, celui où la séparation s’est faite, brutale, violente, définitive, sous ses yeux dans l’affaissement de sa bien-aimée chez elle, en présence de son médecin, impuissant à la faire revenir. De cet événement que d’autres aurait rejeté, enfoui, l’auteur en fait le réceptacle d’une douleur qui, pour aussi vive qu’elle fut et reste, a été son chemin de croix mais aussi, paradoxalement, le bâton sur lequel s’appuyer pour rester debout, cheminer jusqu’au bout.

La vie est cruellement impassible à nos peines. Elle ne s’accorde que peu à nos désirs et nos espérances les plus humaines, ceux de nous restituer nos aimés.

À lire les pages de ce livre, Sur les murs, qui évoquent la force et les traces d’un amour en allé, les empreintes que les photographies punaisées entretiennent dans la mémoire de celui qui s’essaye à garder le battement de son amour fou, on se sent, à son tour, profondément concerné, pris à partie comme si la belle figure de Pascale Cherrier, du lieu où elle se tient à présent, en surplomb, nous invitait à plus d’attention à l’autre, à plus de tendresse, à plus d’amour. Pages lumineuses d’un amour réitéré dans les mots, en allégeance volontaire et nécessaire à la femme-Messie d’amour, paradoxale accalmie poétique qui n’exclut pas, en certains passages, la révolte et l’injustice face à l’abandon définitif, une traversée de la douleur. Des pages qui s’affairent autour de Pascale Cherrier qui, plus que le souvenir d’elle, tressent et filent une présence et pour ceux qui la connurent, nous redonnent son port de tête, son regard empli de clarté et de bienveillance, son front de bonté naturelle, son être chaleureux et bienfaisant, font entendre la chaleur de sa voix, son accent et son débit reconnaissables. De cela, sans aucun doute, la déclaration d’amour de Bernard Giusti est porteuse, de cet infini qu’on garde à l’autre, cette sensation d’être dans l’ombre de celle qui fut sa lumière et qui se fait alors éternelle présence. De la douceur lacérée que les poèmes, d’une simplicité poignante, lèvent comme un levain d’amour, on se laisse envahir comme si, l’amour demandait à infuser en nous en dépit de la cruauté de l’absence, comme si, finalement, les parcelles d’éternité de l’amour véritable, faisaient la nique à la dévoreuse, à la mort. « Tandis que dans mes rêves/ Ton ombre flotte et danse/ Chaque jour est un naufrage/ Une dérive incessante/ Sans but et sans escale/ A l’horizon des songes/ Ma vie à rapiécer/ Avec tous les voyages/ Que nous n’avons pas faits… » Enfin comment ne pas saluer dans le récit des événements la justesse du ton, le regard posé, par l’auteur Bernard Giusti, sur l’aimée, la délicatesse avec laquelle l’évocation coule comme une source claire, une eau d’amour renouvelé, un philtre apaisant que la poésie, la littérature, l’art tendent à des lèvres muettes, insufflent à des corps fracassés, redonnent à des âmes perdues. Un livre écrin qui dit la beauté de Pascale Cherrier.

Francis Vladimir – 11 mars 2025 -

Sur les murs. Recueil dédié à Pascale Cherrier publié par les Éditions de L’Homme Bleu. Couverture de Roxane Maurer avec en intérieur les œuvres de 15 artistes. 52 pages, 15 euros (10 euros + FP).

Pour commander le livre : evoyez un chèque soit à L’Ours Blanc (28 rue du Moulin de la Pointe, 75013 Paris) soit à L’Homme Bleu (20 avenue de la République, 15000 Aurillac). Chèques libellés à l’ordre de : Le Texte et l’Homme - L’Homme bleu


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