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Un théâtre entre en résistance (bis)
Jacques Barbarin nous alerte sur les menaces contre le théatre Toursky

Pourquoi un bis à ce titre ? Parce que le 3 novembre 2009 j’écrivais déjà Un théâtre entre en résistance : ce théâtre, c’est le Toursky, à Marseille. J’y écrivais : « le Théâtre Toursky, à Marseille, entre en résistance pour le rétablissement des subventions du Ministère de la Culture - Drac Paca. Richard Martin, son directeur, a entamé une grève de la faim samedi 3 octobre 2009 à 21 heures, accompagné de Jean Poncet, poète ».

Mais c’est quoi le Toursky, me direz-vous ? Le 30 octobre 1970, une poignée d’artistes écrivait le nom du poète Axel Toursky sur le fronton d’une salle de quartier, à Saint-Mauront, à Marseille rêvant de poursuivre les belles aventures du Théâtre Quotidien de Marseille et d’Antoine Bourseiller. Essentiellement orientée vers la création contemporaine, sa programmation a toujours été ouverte à l’ensemble des disciplines du spectacle vivant : théâtre, danse, musique et variétés.

Sous le titre Trois mois se sont passés je faisais paraitre le 27 janvier 2010, un entretien avec Richard Martin. Le 30 mars 2011, sous le titre Quand le théâtre traitait du syndicalisme... , je vous parlais de l’Université Populaire qu’organise le Toursky et particulièrement autour de la pièce d’Armand Salacrou, Boulevard Durand, chronique d’un procès oublié. Le 12juin de la même année, un entretien avec Robert Abirached, à l’époque vice-président de l’Institut International de Théâtre Méditerranéen intitulé Robert Abirached, penser le théâtre. Qu’est-ce que l’Institut International de Théâtre Méditerranéen ? C’est ce dont je vous entretenais le 14 juin 2011. Et d’autres articles.

Bis répetita : Le Théâtre Toursky entre en résistance active contre la politique culturelle de la Ville de Marseille qui, au lieu de le soutenir davantage comme Monsieur Gaudin l’avait publiquement annoncé, ne cesse depuis de réduire de façon drastique le montant de la subvention allouée au Théâtre.

Richard Martin a adressé deux courriers à la Ville (les 10 avril et 4 mai 2019) auxquels elle a répondu par voie de communiqué de presse lundi 13 mai 2019.
Dans ce communiqué, la Ville confirme bien son maintien de baisse de subvention et fait part en prime, de sa décision de réaliser un audit sur la situation du théâtre afin de voir si « notre projet est en adéquation avec les besoins culturels du territoire ».
Lors de la présentation de la nouvelle saison, Richard Martin a exhibé les différentes correspondances entretenues avec la Ville de Marseille. Alors que sa structure en plein exercice peine à boucler son budget, fragilisée par les charges d’activités supplémentaires avec l’ouverture de l’Espace Léo Ferré, Richard Martin est bien décidé à s’engager dans une nouvelle bataille pour dénoncer haut et fort cette décision qu’il juge injuste et difficile à accepter à la veille du 50e anniversaire du Toursky.
Extrait de la lettre du 10 avril 2019 du Théâtre Toursky à la ville de Marseille :
Mairie de Marseille Monsieur le Maire Jean-Claude Gaudin Hôtel de Ville Quai du Port 13002 Marseille
_ Lettre recommandée avec AR Copie à Mesdames et Messieurs les Adjoints et Conseillers Municipaux Copie à Monsieur Cavalier et Madame Berbon Copie à Monsieur Bertrand – Directeur de cabinet du Maire
Objet : vers une troisième grève de la faim
Marseille, le 10 avril 2019
_ Monsieur le Maire,
Nous sommes en colère. Depuis 2017, loin de tenir vos promesses, la subvention allouée au Théâtre Toursky ne cesse de chuter de façon vertigineuse. Pourquoi vouloir la mort du Toursky, ce théâtre populaire qui, depuis Saint-Mauront, participe au rayonnement de Marseille dans le monde entier ? Pourquoi la Ville n’a t- elle jamais apporté son soutien à l’Espace Léo Ferré, alors que vous nous en aviez fait, personnellement et publiquement, la promesse en janvier 2014 ? Pourquoi, alors même que Mme d’Estienne d’Orves et M. Cavalier nous assuraient en réunion ne pas diminuer nos subventions, ces dernières chutent-elles depuis 2017 ? Pourquoi tous nos courriers restent-ils lettres mortes ? Nous sommes dans l’incompréhension totale et nous ressentons à travers une telle attitude, et à la veille du 50e anniversaire du Toursky, un réel mépris de la part de la Ville de Marseille envers notre travail, notre lieu, nos actions… Pour rappel, en 2017, alors que le Toursky était en plein effort de redressement interne, la Ville de Marseille a retiré 15 000 euros sur le montant de la subvention allouée au théâtre et ce, trois mois avant la clôture de l’exercice, sans explication et sans avertissement. En 2018, une fois de plus seulement trois mois avant la clôture de l’exercice et alors que le Toursky continuait à concentrer tous ses efforts sur son plan de redressement interne, la Ville de Marseille, une fois de plus sans explication et sans avertissement, retire 70 000 euros, anéantissant tous nos efforts. Ce qui fait un total cumulé de perte de subvention de 85 000 euros en seulement deux ans. Une abyssale et incompréhensible diminution. Pour l’année 2019, à l’heure où s’achève le deuxième Conseil Municipal de la Ville, la subvention allouée au Théâtre Toursky diminue encore de 55 000 euros par rapport à l’année 2018.

Communiqué de presse de la Ville de Marseille :
Lundi 13 mai 2019
_ CULTURE La Ville de Marseille, premier financeur du théâtre Toursky Le Théâtre Toursky, dirigé par Richard Martin, est un lieu culturel historique de Marseille, dont la Ville est propriétaire et premier financeur. Le montant de la subvention de la Ville, dont a bénéficié la Compagnie Richard Martin en 2018, était de 945 000€. Il sera identique en 2019. Le solde de cette subvention sera soumis au vote du prochain Conseil Municipal, le 17 juin, comme cela est le cas pour d’autres lieux culturels marseillais. La Ville de Marseille se félicite d’entretenir un dialogue constructif et régulier avec l’ensemble des opérateurs culturels du territoire. Face aux difficultés récurrentes rencontrées pour avoir le même dialogue avec l’équipe de direction du Théâtre Toursky, ce que la Ville regrette, elle a pris la décision de faire appel à un cabinet extérieur pour réaliser un audit sur la situation du théâtre. Très attachée à la présence d’équipements publics structurants dans le quartier Saint-Mauront, et notamment d’équipements culturels, la Ville souhaite ainsi favoriser la réflexion sur le projet mis en œuvre dans ce lieu, son adéquation avec les besoins culturels du territoire et les conditions économiques de sa réussite

Comment dit-on, déjà ? C’est l’hôpital qui… ?

Voilà ce que me disait Richard Martin quand je le rencontrais en novembre 2009 :
Après quarante ans l’exercice on se rend compte que le pari fou est gagné, mais il y en a marre que les artistes se substituent à l’état pour la décence minimum. 40 ans de travail ont prouvé que ces espaces-là pouvaient être fréquentés par ceux qui pensent que cela leur est interdit. Or avec ces coupes sombres, le gel des subventions, le coût de la vie… tout cela rogne chaque année quoiqu’il advienne les aides que nous avons. Il faut essayer de conserver un niveau d’accueil fort, un niveau de qualité fort et nous ne pourrons plus le faire si nous n’augmentons pas les places. Et si nous augmentons les places et si nous ne faisions plus de tarifs particuliers pour des gens qui n’ont pas les moyens de s’offrir des places aussi chères nous deviendrions un théâtre de représentations marchandes : et çà c’est impensable, et çà je ne le veux pas et tous les artistes qui sont aujourd’hui esquintés, méprisés, humiliés, se joignent à ce combat. C’est aussi un problème de dignité, et les gens qui en souffrent savent qu’il ne faut pas forcement être artistes, ils le sont tous les jours.

Le travail que fait Richard Martin me donne à penser que cette phrase de Jean Vilar est toujours vivace :
Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin... Le théâtre est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le gaz, l’eau, l’électricité.
Si le Théâtre Toursky est bien un théâtre privé, ce que fait Richard Martin, son énergie, son courage, la vitalité de sa programmation, les actions qu’il mène sont digne du service public.
Richard Martin, directeur du théâtre entamait le 11 mars 1981, une grève de la faim pour protester contre l’absence de subventions de la part du ministère de tutelle. Pour donner à son mouvement un aspect spectaculaire, il s’était fait suspendre par des cordes le long de la façade du théâtre, à plusieurs mètres de hauteur, et c’est assis dans une sorte de nacelle qu’il a poursuivi son mouvement de protestation.

Pour le 50ème anniversaire du Toursky, Richard Martin va-t-il être obligé d’entamer sa troisième grève de la faim ?


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