Il est assez rare, et même exceptionnel, que des auteurs puissent publier, quatre ans après la sortie d’un premier livre nous alertant sur les risques patents du déclenchement d’une guerre mondiale, une version nouvelle de leur livre initial. Une version certes actualisée mais non pas modifiée en ses fondements. Quand on peut s’adonner à cet exercice, c’est que l’auteur du livre initial voyait juste – « terriblement » juste en l’espèce – et que les événements nombreux survenus depuis, qui auraient pu faire fondre son raisonnement comme neige au soleil, sont venus au contraire renforcer son opinion et ses analyses prémonitoires, en quelque sorte. C’est assez rare pour être souligné d’emblée car combien de livres éphémères en cette matière.
C’est ce que vient de faire Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, avec la sortie, non pas revisitée mais actualisée, de son livre fondamental : « Vers la 4ème guerre mondiale ? »*
La question qu’il pose, ou plutôt la démonstration rigoureuse qu’il fait, aboutissant à cette interrogation en forme d’affirmation suspendue, car si tout est possible rien n’est jamais fatal, est suffisamment sérieuse pour que les médias, qui connaissent les travaux de l’auteur, son sérieux, ses sources d’information incontestables, les médias donc devraient lui ouvrir tout grand leurs plateaux, leurs micros ou leurs colonnes pour qu’il s’explique. Il n’en va rien de moins, en effet, que de l’existence humaine sur la planète, et dans le « meilleur » des cas du devenir chaotique mais durablement dangereux des relations internationales.
Au lieu de cela, c’est un silence assourdissant.
C’est une question sérieuse, s’il en est, mais le simple citoyen est loin de mesurer qu’elle se pose aujourd’hui et qu’elle n’est pas du tout résolue dans un sens qui pourrait l’amener à être soulagé. Alors on préfère lui offrir les jeux du cirque, le Loto, le « Qui veut gagner des millions ? » et autres anesthésiants du même acabit.
On est donc amené logiquement à se poser la question : mais pourquoi donc sur un sujet aussi sérieux et vital, cette chape de plomb ?
La lecture de ce livre nous apporte une explication qui est loin d’être flatteuse pour ces censeurs irresponsables : les stratégies mises en œuvre aujourd’hui par les puissances dominantes – qui sont donc délibérées – ne sont rien de moins que porteuses, en toute connaissance de cause, d’une guerre mondiale.
On pourrait se dire : « Mais c’est trop grave il faut alerter l’opinion ! ». Ce serait logique si, comme il serait normal, on veut empêcher que le pire ne se produise. Mais si on le faisait, alors on ne verrait que de trop que leur responsabilité est manifeste et accablante. Et évidemment il faut cacher cela au « bon peuple ».
Pascal Boniface, avec son livre, rompt le silence contenu en lui. On le sent à le lire. Son livre est une alerte « rouge » basée, comme le font les « scientifiques », non pas sur des hypothèses mais sur des faits réels, prouvés et incontestables. C’est pourquoi, pour peu que son livre soit largement connu par l’opinion publique, celle-ci se mobiliserait pour empêcher absolument cette folle course vers « l’abîme déluge » que les « Grands qui nous gouvernent » nous préparent. Sciemment. Mais bien loin de tout regard. Secrètement, presque.
Je ne veux ni ne peux ici résumer ce livre, un livre dense mais d’une lecture aisée et accessible au plus grand nombre. Ce n’est pas du BHL ou du Glucksmann qui vous embrouille pour peu que vous parveniez à les lire. Il leur échoit de rendre présentable ou acceptable ce qui ne l’est pas ! Contorsions verbales confuses et mensongères poudrée de philosophie de bazar font le reste. Incompréhensible à l’évidence, ineptes de manière flagrante, égocentrés à coup sûr mais qu’importe, ils ont « table ouverte » à TF1 ! Notamment.
Je ne résumerai pas, car ne le peux, ce livre d’opinion et de géostratégie d’autant plus que mon message principal, après avoir lu ce livre d’une traite, est simple : « Courez vite l’acheter ! Organisez des rencontres avec l’auteur ! Faîtes la chaine pour la paix ! Et vite, car il y a urgence. »
Mais on comprendra, que dans des temps pas si anciens, ayant suivi cela avec une attention toute particulière ces questions à la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, je décide d’écrire – ce qui est très rare – une présentation de ce livre.
En effet, Pascal Boniface évoque avec son travail couché sur papier « une quatrième guerre mondiale ». Pourtant il n’y a pas eu de 3ème ! Si, la « troisième » s’étant terminée dans un fracas inévitable avec la fin du monde bipolaire – Est-Ouest. Elle n’a cependant pas, fort heureusement, donné lieu à une guerre « chaude ». Les camps en présence à l’époque étaient également équipés militairement et non sans heurts ils se sont tenus en respect jusqu’à ce que l’un des deux chute sous le poids de ses propres contradictions avec un coup d’épaules, pour accélérer le mouvement, de la part de l’Ouest. Celui-ci s’est empressé de déclarer « la fin du monde », pas la fin physique du monde mais la fin de l’histoire en termes de choix différents autre que le modèle triomphant.
Cette « quatrième guerre mondiale » dont parle, pour nous alerter vivement, Pascal Boniface est bien différente de la précédente.
Depuis que le monde n’est plus lisible comme il l’était avant avec sa grille de lecture simple, bipolaire et binaire – Est contre Ouest – « on » a introduit une nouvelle dimension autrement moins claire, autrement moins définissable et atteignable, une course contre un adversaire qui peut durer des lustres. Un adversaire sorte de « furet » qui est passé effectivement par ici et qui à coup sûr repassera par là.
Car il faut toujours un ennemi pour régner en maître. Dans son livre, Pascal Boniface rapporte cette phrase qui ne manque pas de sel, d’un conseiller diplomatique de M. Gorbatchev, Gueorgui Arbatov de son nom, annonçant malicieusement en 1987 à ses interlocuteurs américains : « Nous allons vous rendre le pire des services : vous priver d’ennemi. »
Mais l’ennemi nouveau est vite arrivé, pour les occidentaux, sorti tout droit de quelque école de Chicago ou d’ailleurs : le « choc des civilisations », le monde musulman et l’Islam, seraient devenus l’ennemi. Et pas n’importe lequel. Un ennemi particulièrement dangereux et très différent du précédent, car insaisissable, divers, une nébuleuse non organisée à la manière d’une armée. Un point commun à cet ennemi : il est classable dans la rubrique par eux concoctée de « terroriste ». La version « douce » de cette thèse étant : « Non pas que tous les musulmans soient terroristes, mais tous les terroristes sont musulmans. », comme le note Pascal Boniface.
Et de fait des événements tragiques sont intervenus, notamment aux USA, en septembre 2001. Pour la première fois, un Etat à l’apogée de sa grandeur a été frappé en plein cœur. Ce qui indique que la supériorité militaire ne fait plus tout pour assurer la sécurité. Et depuis, si Ben Laden n’a (curieusement) toujours pas été attrapé, face à cet « adversaire », une seule réponse basée sur la force a été mise en œuvre. Une politique qui, comme le remarque l’auteur, n’a qu’une façon d’aborder le problème : la force brutale des armes. Non pas qu’il ne faille pas se protéger. Mais l’éradication des causes est plus efficace que celle des effets laquelle provoque une véritable montée de haine contre l’Occident de la part du monde musulman. C’est un engrenage fou qui est à l’œuvre. Fou et dangereux. Plus il y a de coups violents et militaires portés de manière aveugle mais systématique et plus le fondamentalisme monte en écho. Et le terrorisme prétendument adversaire déclaré.
En toute chose c’est une solution politique qui peut avoir raison et nous éviter le pire, nous dit ce livre. Loin d’éradiquer le « terrorisme » cette politique lui donne une matière propice à prospérer, c’est son engrais. Car la haine qu’elle provoque inévitablement accouche de radicalismes encore plus nombreux.
Mais on retiendra toute son attention sur la thèse centrale de Pascal Boniface. Le cœur du cœur de tout cela, pour lui, c’est le conflit israélo-palestinien. C’est sa thèse principale que je partage totalement. Il n’affirme pas, il la démontre comme il souligne comment et pourquoi, dans cette optique, Israël bénéficie de cette protection sans faille qui place ce pays au dessus du droit international. Et il est encouragé à le faire puisque ce pays, qui bafoue et foule aux pieds non seulement le droit mais ses propres engagements, connaît une incroyable impunité. Une totale et absolue impunité. C’est un cas unique au monde.
Au terme de son raisonnement, plus exactement de sa démonstration étayée avec soin et rigueur, sans manichéisme d’aucune sorte, Pascal Boniface en arrive à cette conclusion : l’épicentre de tous les dangers mondiaux qui nous guette aujourd’hui c’est cela, le conflit israélo-palestinien. La centralité de ce conflit pour le présent et l’avenir du monde est clairement établie.
Car avec raison il écrit à propos de ce conflit qui n’en finit pas de durer tandis que la solution est connue mais qu’on se refuse à imposer, uniquement, encore, dans ce cas, et en totale contradiction avec le chapitre VII de la Charte des nations unies. « La paix est un choix difficile mais hasardeux. Mais l’absence de paix est la garantie de la catastrophe qui ne concerne pas les seuls israéliens et palestiniens. Car chaque jour qui passe et qui ne nous rapproche pas de la paix élargit le fossé entre le monde musulman et le monde occidental ». Et l’auteur enfonce le clou : « Cet état de guerre permanent ne sera pas confiné au seul Proche-Orient et au fur et à mesure, il y aura contagion dont nous ferons les frais ».
La nouvelle direction israélienne extrémiste totale (qu’on reçoit sans scrupules sous les lambris dorés de la République) n’a qu’un objectif au demeurant déclaré : frapper l’Iran. Imaginez un instant la somme des réactions qui s’enchaineraient. Pascal Boniface ne pourrait plus écrire de livres, et nous ne pourrions plus les lire. Des livres qui seraient intitulés : « Vers une 4ème guerre mondiale ? » ne seraient plus. Plus de livres de ce type pour nous alerter. Il y aurait une guerre mondiale sans point d’interrogation.
L’avenir du mode contemporain se joue là-bas, et cela on ne nous l’avait pas dit à ne rien faire pour régler cet « épicentre » de l’instabilité internationale à partir duquel prolifèrent tous les risques encourus.
Allez vite, encore une fois, acheter le livre de Pascal Boniface. Et offrez-le, à coup sûr, ceux qui sont spectateurs d’un monde rendu incompréhensible volontairement, deviendrons des acteurs d’un monde qui soit au moins un monde de paix. Et donc de justice. C’est trop sérieux pour s’abstenir de le faire.
1er juin 2009
Pascal Boniface, « Vers la 4ème guerre mondiale ? », 210 pages, chez Armand Colin.