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1914 : une bonne guerre !
Par Philippe Pivion

Cette année marque le 110ème anniversaire du début de la Grande guerre. Il y aura certainement de nombreux articles sur les causes, les mécanismes qui aboutirent à cette immonde boucherie.

Parmi celles-ci, l’impérialisme demeure la principale. Pour ceux qui en douteraient, il n’y a qu’à regarder les conséquences de ces quatre années terribles au travers de leurs conclusions, les accords de paix. Que ce soit l’un ou l’autre des deux principaux traités, celui de Versailles ou celui de Sèvres, il s’agit de dépecer d’une part l’empire Austro-hongrois et l’Allemagne et d’autre part les restes de l’empire ottoman. Avec méticulosité, les vainqueurs se partagent le monde, au détriment des peuples et à la grande satisfaction du capitalisme et de ses supports.

Avec une hypocrisie affichée au rang des grands principes, alors que le prédisent Woodrow Wilson claironnait urbi et orbi dans ses 14 points pour la paix du 8 janvier 1918, que les peuples et populations seraient associées et que leur avis serait entendu sur leur destinée, rien ne sera fait, ni en Europe, ni en Afrique, ni en Asie. A coups de crayons les vainqueurs ont redéfini des frontières, ont rattaché des populations avec d’autres au mépris de leurs souhaits. Et de ces grandes décisions naîtra un monde encore plus instable mais surtout plus profitable pour les trusts et les bourses. Les suites de ces actes sont connues, les germes de la Seconde Guerre mondiale sont répandus. Et certaines conséquences de ces décisions fondent, comme celles du Moyen Orient et des Balkans, encore aujourd’hui le terreau de certains conflits.

Mais revenons sur les causes de 1914. Comment un attentat commis à Sarajevo, que pas grand monde ne saurait mettre précisément sur une carte, peut-il déclencher le pire des conflits ? Comment la mort de l’archiduc François Ferdinand, presque inconnu, héritier potentiel du trône d’Autriche, peut-il générer un conflit mondial, où même des pays comme le Costa Rica, le Guatemala ou le Brésil vont se jeter ? Comment la déclaration de guerre de l’Autriche à la Serbie, un pays qui ne joue quasiment aucun rôle sur l’échiquier mondial, peut-elle conduire à une telle catastrophe ? Depuis plus d’un siècle les historiens recherchent les mécanismes et origines de cet acte majeur du 20ème siècle. 15 000 ouvrages historiques leur sont consacrés !

Les sources abondent pour donner sens à la causalité mortifère. Mais comment s’y retrouver dans cette accumulation de sources ? Des livres avec des reproductions de documents internes sont même édités par les belligérants pour démontrer leur bonne fois. Mais, ils n’apportent pas d’éléments majeurs et ont parfois même du mal à étayer les thèses nationales. Des mémoires des principaux protagonistes sont édités ante mortem ou post mortem. Ils n’apportent que le contentement proclamé de chacun sur ses propres actes. Cela conduit à des amoncellements d’autosatisfactions qui entravent la bonne compréhension du drame.
Ce qui est réel est l’enchevêtrement des liaisons, des accords publics ou secrets entre des pays, des gouvernements et même des dirigeants. Ainsi, Georges V, roi d’Angleterre, est cousin germain avec Guillaume II empereur d’Allemagne, et le tsar Nicolas II est également cousin germain des deux autres. Ils sont complices, se ressemblent, se réunissent régulièrement, échangent même leurs costumes nationaux, l’un revêtant les vêtements de général ou de capitaine de l’empire d’un autre afin de se faire photographier et laisser croire qu’une même famille règne sur un tiers du globe. Je ne ferai pas dans cet article l’analyse du rôle des dynasties dans la conflagration, (quatre empires, des royaumes, une noblesse d’apparat mais aussi une noblesse d’affaires, des castes…) il est néanmoins majeur. Mais l’impérialisme économique ne connait pas de famille et de frontières autres que celle du profit. C’est peut-être le véritable ressort mécanique de cette grande boucherie et c’est sur lui que je concentrerai ces lignes.

Nous sommes à la fin d’une époque communément appelée la « Belle époque ». Quel canulard ! Certes des bourgeois se font filmer, des progrès existent, des sourires s’affichent sur des photographies, celle des privilégiés qui peuvent se les offrir, mais la grande masse de la population est pauvre, les paysans, les ouvriers, les petits employés côtoient journellement la misère, maladie, les accidents tragiques du travail. Non, la belle époque n’est pas folichonne pour la grande majorité des Français !

En 1914, l’impérialisme allemand ne pouvait tolérer freins ou entraves à ses ambitions. Mais en France la situation était similaire. A un bémol près. L’invasion prussienne de 1870 restait présente dans toutes les mémoires. Et l’absence de pugnacité chez les dirigeants français également. Les trahisons patriotiques de Thiers et de Trochu ont eu comme premières conséquences de faire émerger des résistances à leur dessein. D’abord une résistance militaire avec des francs-tireurs, des Garibaldi, des Gambetta, des soldats qui ne s’en laissaient pas conter. L’armée française avait certes subi une grosse défaite à Sedan, mais il lui restait de nombreuses troupes, des armées entières comme celle de la Loire. A y regarder de près, les troupes prussiennes qui se rapprochent de Paris en cet automne 1870 ne sont composées que d’une centaine de milliers d’hommes. Il en reste autant sous les ordres de Trochu claquemuré à Paris, mais il y a aussi 300 000 gardes nationaux, prêts à en découdre. Sans compter donc les troupes qui sont au sud de Paris. Il y a bien trahison militaire pour laisser libre cours à l’invasion. Puis il y eut la grande résistance des communes, dont celle de Paris reste un modèle de courage et de bon sens.

Souvenons-nous de l’infamie de l’Assemblée nationale transférée à Bordeaux, eh oui déjà en 1870, avec ce vote sur les conditions de la capitulation. 100 députés vont s’opposer au dépeçage de la France en perdant l’Alsace et la Lorraine contre les 500 qui acquiesçaient en se vautrant dans la honte et la pleutrerie. Il y a déjà un chemin de l’honneur dans ce vote de février 1871. Tandis qu’à Versailles, la nouvelle capitale décrétée par Thiers, le gouvernement entravait toute velléité de poursuite de la guerre et qu’il ne protestait pas contre les prétentions exorbitantes des Prussiens. Thiers va profiter de la situation, de l’aide même du nouveau IIème Reich proclamé dans le château de Versailles le 18 janvier 1871, pour porter un coup fatal aux communalistes comme on les nommait à l’époque. Les troupes allemandes vont laisser passer l’armée de Thiers constituée de prisonniers libérés par Bismarck pour ce faire. Cette armée prendra à revers la Commune en attaquant par le nord. Les bains de sang à Paris, mais aussi à Marseille, à Bordeaux même, étêteront la jeune classe ouvrière de ses dirigeants. Grâce aux 30 000 fusillés de Paris, la bourgeoisie se considéra tranquille pour 20 ans ! Pas de révolution possible dès lors que les plus conscientisés auront été éliminés ! Et de fait durant une vingtaine d’années, il n’y aura pas de mouvement dangereux pour le capitalisme flamboyant.
La situation politique mondiale est bouleversée par la domination allemande. En effet, les princes réunis au château de Versailles le 18 janvier 1871 ne font pas qu’adouber un nouvel empereur. Ils officialisent la constitution d’une nouvelle entité allemande, où les duchés et principautés sont fondus sous la férule prussienne. La Russie est inquiète, l’Autriche également, et l’Angleterre voit d’un très mauvais œil cette nouvelle puissance qui ne manquera pas de venir piétiner ses plates-bandes coloniales.

Une Association Internationale des Travailleurs existe depuis 1864. Marx et Engels en sont la cheville ouvrière. L’objectif est de donner aux prolétaires une assise idéologique à leur combat. Cette internationale ouvrière est dirigée par des militants chevronnés, une partie d’entre-eux sera dans la direction de la Commune. Il n’y aura que peu de survivants. Dans les pays européens autres que la France, le mouvement engagé débouchera sur la création de fortes centrales syndicales et de partis socialistes. En France, les conséquences de l’invasion prussienne et l’instauration d’une république conservatrice et « morale » ne permettent pas les mêmes débats idéologiques. Et le patronat n’en exerce pas moins sa férule sur les ouvriers.

A partir des années 1880, des conflits sociaux éclatent, ils ont lieu dans des entreprises, dans des corporations, se cantonnent à une ville, plus rarement une région. Les conditions d’exploitation sont extrêmes. Pas de congés, des journées de plus de dix heures, des enfants dans les mines, dans les usines, dans les ateliers. Un puissant mouvement anarchiste se développe, mais, il ne propose que des actions violente, des destructions d’outils de production, des attentats ne rassemblant pas les masses. Les mouvements sociaux existent. Les plus lucides vont se lancer dans la création de bourses du travail de caractère multi professionnel, de lieux de débats, de discussion et des fédérations professionnelles.
Puis des syndicats se créent, la CGT va sortir des entrailles des usines et des mines en 1895. Cette maturation est tardive pour les raisons historiques en parties expliquées plus haut. En effet en Allemagne, dans l’euphorie de la victoire sur la France et de l’indemnité colossale que la vaincue verse, les syndicats sont autorisés dès 1871, mais leur agitation insupporte Bismarck qui les fait interdire en 1878 ainsi que les partis politiques et accompagne ces interdictions d’une volée de lois antisociales. Il faudra attendre 1892 pour que la première confédération voit légalement le jour. En Angleterre la création syndicale est plus ancienne, puisque dès 1833 une Union existe qui deviendra un grand syndicat en 1868, les TUC. C’est d’ailleurs des délégués des TUC qui créent le Parti travailliste en 1906. Il est remarquable de constater que malgré de larges différences, une nouvelle Internationale repose sur ces émergences.

A l’Est, la Pologne est alors morcelée : en parties russe, autrichienne et prussienne. Dans la partie occupée par la Russie, les premiers syndicats se forment vers 1850 tandis que dans le reste de l’empire russe, ils émergent avec difficultés. A tel point que Sergueï Zoubatov, révolutionnaire repenti à la tête de la police autorise et façonne des syndicats en 1904 pour mieux contenir les militants ouvriers. C’est à partir de 1905 qu’un vrai syndicalisme se structure et il sera en pleine croissance à partir de 1912. On le voit donc, les années précédant la Grande guerre sont marquées par l’essor des structures syndicales et font peser sur le capital une menace constante de grèves et de révoltes.
En 1905, la situation se modifie considérablement : en Sibérie, le Japon est victorieux de la guerre qu’il conduit en Extrême-Orient. Commencée en 1904, elle entraine des mobilisations russes et la colère est grande dans tout l’empire. Bien que le servage ait été aboli, les pratiques ancestrales perdurent, la misère est grande. Des mouvements sociaux se dessinent et la répression est féroce, comme en témoigne le Dimanche rouge de Saint Pétersbourg où l’armée fusille les manifestants.
L’autorité du tsar est fortement mise en cause. Toute l’année, des troubles et mouvements sociaux se multiplient. Serge Witte, président du Conseil des ministres russe ratifie aux Etats-Unis la paix avec le Japon, en concédant des gains territoriaux aux Japonais. Il fait signer à Nicolas II un manifeste qui laisse à croire la fin de l’autocratie. La désillusion est grande et les ouvriers de Moscou se rebellent. L’armée, notamment les militaires qui reviennent du front oriental, exerce une répression terrible, plus de 1000 morts sont recensés. Les démocrates modérés se couchent et les pratiques anciennes reviennent. La bourgeoisie russe et la noblesse pensent en avoir fini également pour au moins une génération.

Patatras, en 1906, la révolte gronde en France, d’abord dans les houillères. Clémenceau, nouveau ministre de l’intérieur n’y va pas avec le dos de la cuiller, il fait donner la troupe. Il sortira vainqueur affublé du surnom de « briseur de grèves ». Ce mouvement est la suite inéluctable de la catastrophe de Courrières. Le 10 mars, un coup de grisou a lieu dans un des puits de la mine, il fait officiellement 1099 morts. 3 jours plus tard la compagnie abandonne les recherches de survivants et mure le puits pour préserver la veine de charbon. 10 jours après 13 rescapés remontent. Et encore un, 4 jours plus tard. C’est cette colère devant le cynisme patronal qui provoque la grève sur les conditions de sécurité, les salaires et le jour de repos.
Ce drame est un écho à celui du 1er mai 1891 à Fourmies. Dans le cadre de la journée de revendications internationales, les ouvriers de ce bassin textile manifestent pour la journée de 8 heures. L’armée est requise, équipée de son nouveau fusil, le Lebel. Une belle arme à tir rapide comportant 8 cartouches et une dans la culasse. Il y a 11 morts dont 2 enfants. C’est ce fusil qui équipera l’armée française en 1914, il vient de faire ses preuves.

Ainsi donc, pile après les 20 ans de pause obtenue par l’assassinat des communards en 1871, la classe ouvrière est capable de relever la tête et de poser des défis à la bourgeoisie et au patronat en France. La crainte va tarauder le pouvoir et les barons de l’industrie.

Cette situation, on le voit, est au cœur de l’essor de mouvements sociaux au plan international, et les réponses les plus communément données à l’exigence de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail seront souvent la répression féroce allant jusqu’à l’utilisation de la troupe pour juguler les ouvrières et ouvriers.
En juin 1907, la révolte vigneronne dans le Midi est au summum de sa puissance. 800 000 manifestants à Montpellier ! Du jamais vu. Clemenceau, encore lui, va de nouveau expédier 22 régiments sur place. C’est la guerre qui est déclarée et le Midi est au bord de l’insurrection. Des municipalités démissionnent, Jaurès et Guesde s’en mêlent, ils demandent la nationalisation du vignoble. C’en est trop.
Parmi les régiments, celui du 17ème est renommé. Fils de la région et vignerons dans le civil les soldats du 17ème se mutinent, pillent l’armurerie et rejoignent les manifestants à Béziers. Voies ferrées arrachées pour éviter que les convois militaires n’arrivent afin de mater l’insurrection, la situation est proche de basculer. Clemenceau ordonne au commandement militaire de régler le problème dans les 24 heures. Sous conditions d’absence de sanction les mutins entrent dans le rang, des promesses sont faites. Le meneur, Marcelin Albert, obtient de Clemenceau une lutte contre les trafics entourant les conditions de fabrication du vin. Ce dernier est piégé par le président du Conseil et il est accusé de se vendre au gouvernement. Il est obligé de fuir. Le mouvement est liquidé, il en reste une chanson populaire, Gloire au 17ème de Montéhus. En avons-nous fini avec le 17ème ? Non, cette mutinerie reste gravée à l’esprit des gouvernants et des militaires. Le régiment est transféré en Algerie mais ne sera pas puni ni individuellement, ni collectivement. Les militaires depuis ont compris la leçon, les régiments ne seront plus jamais basés sur leur lieu de conscription. Mais en 1914, curieusement le 17ème part en première ligne et subira de profondes saignées dès le mois d’août.

En 1912, la première guerre balkanique explose. Sur la décrépitude de l’empire ottoman, les pays émergent dans les zones chrétiennes précédemment occupées. Chacun veut sa patrie, mais la plus grande possible avec plus de territoires et de population que les autres. Un enchevêtrement d’accords internationaux, de traités, en partie secrets, parachèvent le fouillis.
Une ligue balkanique est formée avec la Serbie, le Monténégro et la Bulgarie. Elle a le soutien de la Russie. Malgré des tentatives françaises d’empêcher la guerre, celle-ci a lieu et l’Autriche-Hongrie attaque le nord des Balkans. Pour l’Empire ottoman, c’en est trop, il recule et demande un armistice et tente de négocier la paix. Ce sera un échec et la guerre repartira de plus belle.

Nous sommes donc en novembre 1912.
La deuxième Internationale socialiste doit coordonner l’action de ses membres pour éviter que la guerre n’embrase toute l’Europe. Sur la base d’une proposition suisse, un Congrès pour la Paix est convoqué à Bâle les 24 et 25 novembre 1912. Son ordre du jour est sans équivoque : La situation internationale et l’accord pour une action contre la guerre. Elle provoque un immense intérêt populaire. Plus de 500 délégués y participent, ils représentent plus de 23 pays. Deux personnages vont marquer le Congrès : Clara Zetkin et Jean Jaurès. Sur un fond de « guerre à la guerre », les délégués approuvent à l’unanimité une résolution proposée par ce dernier. Le congrès se déroule dans la cathédrale. Une foule de 12 000 personnes après s’y être rendu en manifestation, écoute les tribuns. Jean Jaurès lance dans son intervention : « La vérité est que l’insécurité et la confusion règnent partout ; la vérité est que la classe capitaliste est elle-même divisée et séparée en deux camps, qu’elle ignore si elle a plus à gagner ou à perdre à un choc général ; la vérité est que tous les gouvernements, de crainte des conséquences immenses, ne peuvent arriver à prendre une résolution. Puis il martèle : La pensée et la paix remplit toutes les têtes et si les gouvernements sont indécis et hésitent, nous devons mettre en œuvre l’action prolétarienne… »
Et deux ans plus tard, Jaurès lors de son dernier discours à Lyon, le 25 juillet 1914, six jours avant son assassinat, fait la démonstration que pour lui rien n’a changé depuis Bâle et qu’il faut stopper les visées guerrières qui planent sur l’Europe. Il déclare : la « chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar »

De quoi faire frémir les dirigeants des trusts, les boursicoteurs, les patrons d’industrie et leurs affidés. La suite est connue, Raoul Villain tue le tribun à coups de revolver au café du Croissant. Mais ce crime est-il l’action d’un homme seul ? Lors du procès en 1919, Daniel Renoult, témoin car présent lors des faits, estime qu’un complot a eu lieu. Ce n’est pas 110 ans après les faits que nous pouvons refaire l’enquête, ni la reconstitution de l’assassinat. On sait que des gens ont été vus à l’extérieur du café juste avant le crime, qu’un homme est entré pour vérifier qui était encore attablé, mais il n’y aura ni enquête ni prise en compte des témoignages de Renoult et de Marius Viple, ni recherche sur l’argent subitement apparu dans les affaires de Villain. On le sait, celui-ci sera libéré, reconnu coupable, mais sans condamnation.
Après ces considérations, une question demeure et n’aura jamais de réponse : qu’aurait dit Jaurès une fois la France envahie ?
Qui avait intérêt à l’embrasement ? Nous l’avons vu, l’expansion coloniale, l’accroissement des zones d’influence, les marchés étaient au cœur des problématiques.
Rien ne permet d’affirmer que le capitalisme ait instruit les méthodes débouchant sur le carnage. D’abord, les guerres sont déclarées par les États, ensuite parce qu’il n’est officiellement pas au centre des délibérations débouchant sur les décisions. De plus toutes les classes dominantes n’étaient pas capitalistes. Mais on sait ses capacités d’influence, son idéologie dominante, il n’en demeure donc pas moins que cette piste est sérieuse dans l’affirmation des causalités de 1914.

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le 4 août, à l’Assemblée nationale après le président du Conseil, René Viviani, Paul Deschanel, président de la chambre lance sur les mânes de Jean Jaurès : « Y a-t-il encore des adversaires ? Non, il n’y a plus que des Français ». C’est le même jour que Raymond Poincaré, président de la République utilise dans son message aux Assemblées le terme d’ « Union sacrée », une manière d’englober de facto Jean Jaurès !
Partout les socialistes vont trahir l’engagement de Bâle. En Allemagne les sociaux-démocrates après avoir voté l’entrée en guerre définissent le même concept qu’ils nommeront : Burgfrieden.
La Seconde internationale est disqualifiée, elle est enfouie dans les tranchées des fronts.
Une internationale des femmes socialistes avait vu le jour en 1907. Clara Zetkin, que nous avons vu précédemment, va organiser une conférence des femmes des pays belligérants à Berne en 1915, elle n’a pas perdu le sens de l’Histoire et du devoir.
On peut imaginer devant l’angoisse créée en France par la révolte vigneronne, dans les salons huppés de Paris, autour d’une coupe de champagne, entre hommes, poitrails gonflés dans leurs habits de cérémonie, ces messieurs proclamer d’un air sentencieux : Des voyous, des bandits ! Ah, je vous assure, mon cher, une bonne guerre ferait du bien !


Article paru dans le Cahier mémoire du Réveil des combattants, journal de l’ARAC (numéro 901, mai 2024),


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